2. Et que chacune se mette à chanter

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La musique me réveille en sursaut.
Il fait nuit noire.

On dirait que des voix tombent du plafond, comme une pluie divine. Ça y est cette fois je suis vraiment au paradis ! J'entends le chœur des anges, des prières, des louanges. Si ça se trouve c'est un exorcisme. On essaie de m'extirper mon lesbianisme ! Putain, non. C'est quand même un comble pour une fois que je suis entourée de femmes.

Mais non, les exorcismes ça n'existe que dans les films. Je dois délirer. C'est la fièvre. Je regarde autour de moi et le contour des meubles se dessine petit à petit, en même temps que mes souvenirs. A priori, je suis dans un couvent. Ou peut-être en tôle « spéciale lesbienne » avec des bonnes sœurs en guise de maton. C'est probablement un truc pour tester ma résistance. Enfin quoi qu'il en soit, y a des cornettes partout.

Je calme les battements de mon cœur pour me concentrer sur les chants. Ce sont bien des prières. C'est pas vraiment un truc de flics ça. Une voix en particulier se détache des autres. Elle est étrangement familière. C'est une voix qui pourrait presque me donner la foi, qui brûle au fond de moi. Cette voix qui parle à mon cœur est comme une force qui guide mes pas. Maintenant c'est sûr je vais rester, je vais me battre et j'en suis fière.

Rassurée par cette pensée, je me rendors.

- Sœur Marie-Angelique, il est l'heure ! Réveillez vous !

- Mmh ....

- Soeur Marie-Angelique, allez, vous allez me mettre en retard !

Hein ? Mais c'est pas vrai ? Ça va pas recommencer ! C'est pire que le jour de la marmotte.

J'ouvre les yeux pour me trouver de nouveau nez à nez avec Marie-Isabelle.

- Bonjour, bien dormi ? Vous n'avez pas eu froid ? Je peux régler le radinateur si vous voulez.

Comme la veille, Marie-Isabelle entreprend de changer mes pansements avec une précision inversement proportionnelle à celle de son langage.

- Vous êtes bien mieux ici vous savez, dehors il pleut des cornes. Votre visage commence à cipacriser. Ça va prendre belle luette. Quant à votre cockpit, il va falloir rester alitée au moins un mois.

- Un mois ! Mais j'ai une vie moi, je peux pas rester là un mois !

Marie-Isabelle me reprend au vol, d'un air pincé.

- Dites donc ! Faut pas pousser la nonne dans l'homelie ! Nous aussi nous avons une vie ! Que vous suiviez les offices ici ou dans votre couvent, la règle de Saint Benoit est la même partout il me semble. Vous êtes bien une sœur bénédictine n'est-ce pas ?

En matière de Bénédictines, jusqu'à hier j'etais plus spécialisée en liqueur qu'en bonne sœur. Mais j'imagine que ça n'est pas ce dont il est question. Sauf peut-être pour sœur Béatrice !
Pour l'instant je me contente de rassurer mon infirmière.

- Euh oui oui bien sûr que vous avez une vie. Que nous avons la même vie d'ailleurs. Excusez-moi. C'est juste que j'ai perdu mes papiers et mon téléphone. Je voudrais faire opposition et contacter mes proches. Je ne peux pas attendre un mois pour cela.

Je me vois mal lui avouer que je n'imagine pas non plus passer un mois entourée de femmes intouchables.

- Vos affaires ? Ne vous faites pas de pile. Je suis sûre que Marie-Alice les a mises en sûreté. Elle n'est pas passée vous voir hier ? Elle m'a dit qu'elle l'avait fait.

- Non, je n'ai rencontré que sœur Béatrice.

- Mmh. Sœur Béatrice. J'espère qu'elle ne vous a pas saoulé. Au propre comme au figuré.

Confession intimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant