Chapitre unique

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Première pleine Lune


J'avais rencontré Namjoon une nuit de pleine Lune.

Le printemps venait de laisser sa place à l'été, et le temps restait chaud malgré l'heure tardive. Me promenant dans la petite ville d'Houlgate, je marchais tranquillement sur les planches se trouvant face à la mer. Alors que le vent venait habituellement nous fouetter le visage, il semblait calme pour une fois, comme apaisé. Pourtant, apaisé, moi je ne l'étais pas. Me retrouver seul signifiait me retrouver envahi par mes pensées, qui n'étaient pas souvent joyeuses ou réconfortantes.

Ma dernière année de lycée était déjà bien entamée, et j'avais peur. Peur parce que je ne savais pas ce que je voulais faire plus tard, alors que tout le monde semblait déjà décidé. Peur parce que je ne voulais pas grandir et sortir de ce monde encore amusant qu'était celui des adolescents, pour entrer dans celui sérieux, morne, des adultes. Peur de partir faire des études loin de chez moi, de ma famille, et de tout ce que j'avais toujours connu. Et, tout simplement, peur de rater - que ce soit mon baccalauréat ou mon choix d'études - et de décevoir mes parents qui croyaient tant en moi.

Alors, en marchant sur cette promenade, mon cœur n'était pas à la fête, comme souvent.

J'avais, après de longues minutes à déambuler, finalement décidé de me poser sur le sable rendu sombre par la nuit, quand j'entendis des pas légers s'approcher de moi. Personne ne venait jamais ici ; pourtant, lui était là.

Un garçon, d'à peu près mon âge, bien qu'il soit plus grand et plus large que moi, s'approchait. Les mains dans les poches, il semblait vouloir se donner un air confiant, pourtant son sourire crispé sur le côté me murmurait l'inverse. Ses cheveux, coupés courts, étaient de couleur grise, presque de la couleur de la Lune, et semblaient décoiffés, comme s'il avait passé plusieurs fois la main entre ses mèches argentées, probablement dans un tic nerveux et non contrôlé. Il était habillé d'un bermuda crème accordé avec un tee-shirt manches courtes bleu clair. Il portait autour du cou un collier serti d'une pierre dont je ne connaissais pas le nom, mais qui semblait s'accorder au bleu sombre de la mer.

J'aurais pu avoir peur et c'était évidemment la première émotion que j'avais ressentie en le voyant, mais le voir si peu à l'aise, comme si venir parler à un autre garçon était tout sauf habituel pour lui, m'avait immédiatement déridé. Il me ressemblait, avais-je conclu.

S'arrêtant à quelques mètres de moi, il m'avait demandé, les yeux pleins d'espoir :

- Je peux m'asseoir ?

Poussé par un courage soudain, dont j'ignorais encore aujourd'hui la source, j'avais balayé ce reste de peur qui ne semblait pas vouloir quitter ma gorge, la nouant, et lui avais répondu par l'affirmative sans trembler, sans hésiter.

Ces mots, banals à souhait, furent les premiers que Namjoon et moi avions échangés. J'y repense souvent, à ces petites phrases, pourtant peu marquantes, qui avaient précédé quelque chose que je n'aurais jamais pu imaginer, même dans mes rêves les plus fous. À vrai dire, il ne m'avait même jamais avoué la raison qui l'avait poussé à venir me parler, lui normalement si timide.

- Je peux savoir ton nom ? avait-il continué en s'asseyant sans me quitter des yeux.

- Jungkook, lui avais-je répondu,d'une voix plus claire cette fois. Et toi ?

- Namjoon.

Namjoon. Ce prénom, ces quelques lettres, qui allaient prendre une place immense dans mon cœur, qui allaient le remplir jour après jour.

Je ne me souvenais pas bien du reste de notre conversation. Comme si mon cerveau avait, par un mécanisme que je ne pourrais expliquer, effacé le reste de notre discussion, l'avait relégué au rang de « dérisoire » et n'avait pas pris la peine de le mémoriser. Je me rappelais encore seulement de ces premières phrases qui avaient scellé notre relation à jamais.

Éclipse [Namkook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant