Chapitre 24

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Phran était assise d'un côté, Aster de l'autre. Aucun d'eux ne  parlait, mais le sommeil ne venait pas. L'agitation intérieure était  trop forte. Finalement, Aster brisa le silence, sa voix résonnant dans  le crépitement des flammes.

« Tu comptes vraiment me haïr toute ta  vie ? » demanda-t-il, sans détour. Son ton n'était ni provocateur ni  moqueur cette fois, mais sérieux.

Phran serra les poings, le  visage fermé. Elle ne voulait pas lui répondre, mais elle sentait la  colère bouillonner en elle, incapable de rester contenue.
« J'ai mes raisons, » répondit-elle sèchement, sa voix trahissant l'émotion qu'elle essayait de cacher.

Aster  soupira, visiblement agacé par cette réponse évasive. Il se tourna vers  elle, son regard durci par la fatigue et l'agacement.
« Tu sais, Phran, t'es pas la seule à avoir perdu des gens. Tu crois que t'es la seule à avoir des raisons de haïr ce monde ? »

Phran se redressa légèrement, sa colère grimpant encore d'un cran.
«  Tu m'as pris Tom. Tu m'as pris ma vue. Alors ne viens pas me faire la  leçon. » Sa voix était presque un grondement, et ses mots, acérés.

Aster  la fixa un instant, ses yeux brillant d'une lueur dure. Il n'était pas  du genre à se laisser démonter facilement, mais il savait que ce terrain  était glissant.
« Pour ta vue...Je n'ai jamais voulu ça, » dit-il simplement, presque en chuchotant.

Phran serra les dents.
« Peu importe ce que tu voulais ou non. Le résultat est le même. »

Un  silence retomba, cette fois encore plus pesant. Les flammes crépitaient  doucement, projetant des ombres dans la petite pièce. Phran fixa le  sol, évitant de se laisser submerger par la tristesse. Elle ne voulait  pas pleurer. Pas devant lui.

Aster soupira une nouvelle fois, se  passant une main sur le visage. « Tu crois vraiment que me haïr va  arranger quoi que ce soit ? »

Phran ne répondit pas, se contentant  de détourner la tête, mais à l'intérieur, ses émotions  tourbillonnaient, mêlant rancune et tristesse.

Le silence, déjà  lourd, devint plus oppressant encore à mesure que les heures passaient.  L'obscurité était maintenant totale, le désert plongé dans une nuit  profonde et insondable. Aster, allongé sur le dos, somnolait, prêt à  s'endormir. De son côté, Phran, adossée au mur, s'efforçait de calmer  son esprit. Mais malgré la fatigue, le sommeil restait hors de portée.

Alors  que leurs corps tentaient de se détendre, un bruit soudain, léger mais  distinct, fit dresser Phran d'un coup. Ses muscles se tendirent  instantanément, son cœur battant plus vite. Elle n'avait peut-être plus  la vue, mais elle entendait ces bruits avec une acuité qui lui fit froid  dans le dos. Des pas. Et ces pas n'étaient pas ceux d'un humain.

« Psst... Aster ! » murmura-t-elle, sa voix à peine un souffle.

Elle   répéta son appel plusieurs fois avant qu'Aster ne réagisse, se   redressant brusquement, visiblement agacé par cette interruption.

«   Quoi, putain ? » grogna-t-il, la voix encore endormie, mais teintée   d'exaspération. Le ton sec d'Aster ne fit qu'agacer davantage Phran,   mais l'urgence de la situation la retint de répliquer immédiatement.

«   Il y a des bruits, connard. J'aurais dû te laisser te faire attaquer   par... peu importe ce que c'est. » répondit-elle, la voix froide,   teintée de sarcasme.

Aster  se frotta les yeux, maudissant  intérieurement la paranoïa de Phran. Il  se redressa davantage et scruta  les ombres autour d'eux. Le feu avait  faibli, n'éclairant plus qu'une  petite zone autour d'eux. Après  plusieurs secondes d'observation  silencieuse, il repéra enfin quelque  chose : deux petits yeux globuleux  et rouges, scintillant à moitié  cachés derrière un muret. Un mutant.  Il soupira, presque soulagé, et se  rallongea aussitôt.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant