VII

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Émeraude et moi étions allés au « Churchill square shopping » dans un magasin de vêtements féminins. Ça va bientôt faire un mois qu'elle réside avec moi et qu'elle n'a toujours pas recouvert toute sa mémoire; elle passait son temps à lireDepuis un certain temps, je pensais que mon hématophobie avait disparu, mais j'ai été écoeurée lorsque j'ai vu du sang coulé du nez d'Émeraude hier soir, ça m'a donné la chair de poule. Après que Bobette l'eût soignée, j'ai décidé qu'il était urgent de lui payer des nouveaux vêtements d'hiver pour éviter un nouveau flux nasal. Les vêtements thermolactyles qu'elle portait ne la mettaient pas suffisamment au chaud. L'hiver était de plus en plus rude, le mercure du thermomètre pointait vers -40⁰C, la ville devint une chambre froide naturelle ; Émeraude semblait ne pas  être habituée au froid hivernal, on aurait dit qu'elle réside au Canada il y'a moins d'une année, elle arrêtait pas de saigner du nez et de trembler, elle avait attrapé un gros rhume et se mouchait à tout bout de champs, c'était plutôt inquiétant. Quelques heures auparavant, le docteur lui a prescrit du Tylenol et Paracétamol pour la soulager, médicaments habituels en cas de grippe saisonnière. Arrivés au magasin, il y avait une longue file à la cabine d'essayage comme à la caisse ; les réductions rendent les femmes folles dans les magasins, elles vagabondaient ça et là à la recherche des nouvelles tendances des prêt-à-porter et tralala. La mode et ses caprices...

L'impatience étant l'un de mes plus grands défauts, je décidais de me dégourdir les jambes et me diriger vers le rayon homme. N'ayant pas trouvé mon bonheur, je retournais devant la cabine d'essayage féminine où j'y trouvais Émeraude perplexe, ne sachant pas choisir entre un sweatshirt noir et blanc. Après une longue réflexion, elle décida d'aller remettre le sweatshirt noir col roulé  qu'elle avait pris, « j'ai changé d'avis, je préfère le blanc » dit-elle avant de courir pour aller échanger au risque que quelqu'un d'autre le prenne, ce qui me fit sourire parce qu'avec le sol glissant, elle courait comme une personne obèse essoufflé après avoir couru cinq mètres.
Elle revenait effectivement essoufflée

—J'ai-j'ai de la chance... une autre fille a...failli...le prendre, soufflait-elle
Je me moquais d'elle tout en sortant ma carte bancaire, je la passais à la caissière ; Je plaçais les vêtements dans des sacs en carton avec l'écriteau « Heal, protect, recycle », acte écologique que j'ai apprécié

—Monsieur, le compte de votre carte est insuffisant

Bizarre, ça fait plusieurs mois que je n'utilisais pas cette carte et j'étais sûre que j'y avais déposé de l'argent...

—Vous en êtes sûre ?

—Oui, il ne reste que 1.50 CAD

Je sortis ma seconde carte que je passais à nouveau à la caissière

—Le compte de celle-ci est également insuffisant monsieur

—Mais c'est étrange tout de même, vous êtes sûre qu'il n'y a pas de problème avec votre bidule ?

—Mon bidule marche parfaitement bien monsieur, vos cartes n'ont sans aucun doute pas de crédits

J'entendais déjà les murmures et les plaintes des autres clients faisant la queue derrière moi, je jetais un coup d'œil et d'autres me dévisageaient déjà

Vous pensez que cette situation m'amuse peut-être ?

Après une rapide réflexion, je demandais à la caissière si je pouvais payer par virement bancaire sur PayPal, ce fut possible, y'avait encore assez d'argent pour tout payer.
Nous montions dans la voiture, j'étais toujours ébahi à l'idée que mes cartes soient vides ; quelqu'un s'en est servie sans mon autorisation et je suis sûre que soit c'est maman, soit c'est Manu, les deux seules personnes qui connaissent le mot de passe de mes cartes bancaires. Je déteste que l'on use de mes biens sans mon autorisation, demander ça ne tue pas, de toutes façons je ne leur refuse jamais rien.
Le soleil dont les rayons traversaient le pare-brise m'aveuglaient, la température était toujours aussi glaciale, tout pour me faire penser que ce soleil est un figurant dans ce spectacle climatologique et il ne joue pas forcément bien son rôle. Les rues, les arbres ainsi qu'une partie de la chaussée étaient couverts d'un manteau de neige épais. C'est sûrement la cause de l'embouteillage où nous sommes bloqués depuis environ deux heures au rond-point Winston Churchill. On est dimanche, il ne devrait pas y avoir une dense circulation automobile, mais en cette période des fêtes les habitants sont plus enthousiastes que jamais à l'idée de sortir, de passer du temps en famille, d'exécuter les diverses traditions familiales de Noël. C'est énervant surtout quand je me mets à penser que je n'ai plus de foyer avec qui perpétuer les traditions de ma mère, elle n'arrêtait pas de supplier Élise et moi à chaque réveillons de Noël qu'elle mourrait d'envie d'être grand-mère et qu'elle voudrait tout le temps leur cuisiner des bonhommes au pain d'épices accompagné d'un bon chocolat chaud comme quand j'étais petit, elle souhaitait aussi leur apprendre à cuisiner une bûche de Noël au chocolat noir, sa petite spécialité que je n'apprécie guère étant que je déteste le chocolat noir. Malheureusement tout les souhaits ne se réalisent pas à Noël comme le dit souvent le vieux Père Noël sans abris qui squatte chaque année au coin de notre rue. Quand je vois le visage heureux de ces petites familles rigolant à des blagues ou chantant joyeux des magnifiques chansons de Noël dans leurs voitures bloquées à côté de la mienne, je comprends finalement le sentiment de The Grinch et je me sens comme Gru dans moi moche et méchant.

Amnésique: La petite histoire d'Émeraude Kabila Où les histoires vivent. Découvrez maintenant