Chapitre 16 Réécriture : Une Après Midi Entre Amis

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Je flotte, telle une plume sur laquelle le vent expire son souffle libérateur. Légère, au milieu des fumées et des cendres grises qui me chatouillent le visage, je vole. 

Encore ce cauchemar, pensé-je blasé, comme pour souligner un manque d'originalité de mon tortionnaire. 

J'observe triste, lasse, cette scène de feu et de carnage qui se déroule là en dessous. La croix en flamme de mon église est le seul indice me permettant de deviner le lieu qui se consume sous mes yeux. 

Pourquoi me montrer toujours la même chose ? m'interrogé-je en tombant. 

Une pluie fine s'abat sur moi, brisant mon immatérialité, elle me ramène sur ce décor que je connais trop bien maintenant. Dans cette chute, je sonde une dernière fois ce soleil rougeoyant dont les rayons de clarté sont vides de toute chaleur. 

Qui vais-je voir cette fois-ci ? Qui sera acculé, torturé ? me demandé-je, usée par cette routine. 

Je tombe en contemplant ma mère qui court poursuivie par deux bêtes énormes mi-loup, mi-bouc affamés. Leurs yeux luisants, cherchant le moindre faux pas qu'elle pourrait commettre. Elle n'en a pas conscience, mais ses prédateurs se servent de sa peur pour la conduire à l'endroit où ils pourront se repaître de sa chair tranquillement. 

Mes pieds, délicatement entrent en contact avec le sol. Mon être s'électrise de cette énergie nouvelle, je me hâte à mon tour pour lui porter secours, mais en vain, au virage suivant, elle s'écroule. Ses jambes fatiguées par cette tentative de fuite. Son corps qui abandonne tout espoir de survie. 

Ces deux bêtes ralentissent, elles hurlent comme pour exprimer leurs joies. Elles s’approchent de la seule personne que j’aime, encore en vie dans ce brasier. Leurs babines bavantes répendent un liquide noir qui dissout les éléments organiques présents à terre. L’une d’elles secoue sa tête pour se débarrasser des filets de baves qui la gênent dans sa progression. Dans ce mouvement, une gerbe noirâtre s’échoue sur le visage de ma mère.

Je reste paralysée en voyant le visage de ma protectrice se désagréger jusqu'à l’os, celle que j'admire, celle que j’aime, celle qui me protège depuis ma naissance, agonise devant moi. Ces cris de douleur me transpercent le cœur, mes jambes flageolent et se dérobent sous mon poids. Mon souffle devient court et irrégulier quand ces bêtes commencent à la déchiqueter sans retenue. Les restes de son enveloppe charnelle sans vie tombent au sol lourdement. Elle me fixe avec ce regard vidé de son âme. 

C’est fini, encore une fois, je n’ai rien pu faire ? m’incriminé-je en tapant du poing sur le rare mur qui tient encore debout.

— Ils vont tous mourir à cause de toi. Ils vont tous me rejoindre dans cet enfer, me murmure-t-on à l’oreille.

Je relève la tête brusquement pour me retrouver nez à nez avec Marie. Les traits de son visage si doux et innocent ont mué en une grimace de colère et d’amertume. Je reconnais à peine ma sœur de cœur. Elle se penche sur le cadavre de ma mère puis m’assène un rire diabolique.

— Arrête de te battre, rejoins-moi. Ils vont tous crever comme des chiens de toute manière, me dit-elle en me tendant la main et en riant aux éclats.

Mes yeux s’embuent de larmes en la voyant jouer avec le corps sans vie de ma mère. Elle attend dans cette apocalypse que je lui donne ma réponse. La Marie que je connais aurait été dans tous ces états dans un univers comme celui-ci. Elle ne patienterait pas là, tranquillement, à jouer avec des morts. Je me relève péniblement en me tenant au mur. Elle me tend de nouveau sa main aux ongles sales et à la peau cramoisie.

Métérise - Tome 1 - L'éveil De La médium Où les histoires vivent. Découvrez maintenant