Prologue

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N'avez-vous jamais voulu avoir un autre corps ? Une pensée que vous aviez ressassé, qui vous disait que la seule chose faisant écho avec votre personne, n'était uniquement la certitude que cette structure, ce bain corporel que votre esprit avait toujours baigné, n'était pas celui que vous aviez mérité.

J'ai longuement attendu le jour, le moment où j'allais sortir de ma chrysalide afin de devenir quelque chose d'infiniment différent. Dans cette expectative, sans savoir la forme de ma tant attendue transformation allait prendre, j'avais la certitude que je devais être tout sauf mon corps.

*

Personne n'avait voulu ce changement aussi radical de la société, chacun en était délibérément attaché, lié par un quelconque lien ancré en nous. De part cette tendresse à cette chose si futile, nous avons été pris à court par ce qui s'apparenté à un sort divin. Apparus des tréfonds de notre terre, de la chaleur infernale des magmas souterrains, un message de changement, une désillusion qu'on s'était infligée surgit à la surface. Nous avons eu la condescendance de croire, que dans notre expansion au-delà de notre tour de babel du vivant, nous étions le sommet, prospérant sur une chaîne alimentaire dominée par notre puissance. Mais les braises des flammes que nous avions bâties n'étaient que l'étincelle de la bombe atomique. Pourtant, le cataclysme ne provenait pas de ce que les démago avaient tant crié sur les toits, non, quelque chose d'infiniment plus petit, qui, de part la mondialisation s'est propagé. Voilà que l'humanité se retrouvait cloisonnée à sa propre soif de croissance. Et du jour au lendemain, la société s'est arrêtée. Pourtant, après de longues périodes crépusculaires où les seules éclaircies n'étaient que réponse à l'éthanol, l'humanité s'était réanimée. Ce réveille abrupt, emplit de vitalité, n'était qu'une transition vers une période de violence la plus totale. Dans une nouvelle aire de l'humanité où seule la radicalisation des esprits ne pouvait subsister.

I

"Je ne suis pas un complotiste, simplement qu'un journaliste qui s'inquiète, un père qui ne sait rassurer ses filles de la viabilité du monde qu'on leur laisse entrevoir, un homme confronté à ses angoisses existentielles qu'il ne peut plus calmer. La société est une plateforme suspendue par trois piliers fondamentaux, l'économie, le social et l'écologie. Connue désormais sous le nom de développement durable, on a eu tendance à oublier que cet équilibre aurait dû être respecté dès lors que la civilisation en avait eu conscience. Malheureusement, ce concept n'est devenu que Greenwashing par les grandes firmes prônant un monde toujours plus dans la consommation. Désormais cet équilibre est biaisé, les piliers se disloquent dans nos arrogances, alors je demande à toute la..."

Le son provenait de l'enceinte d'un camping-car. Il se propageait dans l'air, traversant une parcelle de frêne ténue. Cette source auditive continuait sa route, s'atténuant dans d'épineux rameau de buisson. Pour autant, malgré les décibels perdus, le son de la radio parvenait à l'oreille d'un jeune homme. Il était allongé dans un ruisseau au courant tourmenté. L'eau glissée sous son dos frêle, elle caressait sa peau fine. Son corps était recouvert de muscle en pleine croissance, symptomatique d'un homme qui avait depuis bien trop longtemps sculpté son esprit au dépit de son corps, comme n'ayant pas encore accepté que son âme fasse partie de ce physique si ridicule. Mais lui ce n'était pas un intellectuel, il s'agissait d'un simple vingtenaire se prélassant au soleil plombant d'été, dans cette eau froide découlant des montagnes voisines. L'eau lui faisait un bien fou, notamment ces gouttes qui passaient au-dessus de ses pieds qui peinaient à rester en surface. Par moment son dos touchait le sol granuleux de ce ruisseau à peine profonde de quelques dizaines de centimètre. Ses oreilles étaient à moitié submergées, laissant entrevoir des bouts de phrase émises par la radio. Le son parvenait comme un léger murmure qui parfois au gré des chants des cigales, s'était dilué dans une harmonie d'un chant fredonneur. Il se prélassait, vidant son âme de ses pensées qui pouvaient le rabaisser, qui lui faisaient croire qu'il ne devait être heureux. C'était une puissante delaction qu'il ressentait, pris dans la fraîcheur du courant de cette rivière en continuelle transformation. Il était comme un matelot à la mer, dominé par un océan tumultueux et agité. Pour lutter contre l'incontestable force de ce fluide, il avait saisi des roches de ses doigts, bloc de granite irritant son dos dans une anodine douleur superficielle. Ses paupières se levèrent lourdement, son regard se dirigea vers le ciel lumineux, représentatif de la fin de l'été ; une transition entre un climat de fournaise anormalement chaud à des températures plus hospitalières. L'homme vit les branches des chênes pubescents dominaient la rivière. Il sentit ses pupilles se recroqueviller dans une sensation désagréable du soleil, transperçant son cristallin, faisant gonfler ses vaisseaux sanguins rétiniens tel un ballon de baudruche à la frontière de l'explosion. D'un voile blanc qui couvrait sa rétine, il se redressa pour pallier cette sensation. Par ce mouvement, sa vision s'était mise perpendiculaire à l'écoulement de l'eau, dont la perceptives des sinueuses falaises amenait son regard à se nicher, à se perdre dans ce paysage d'une entropie visuel harmonique. D'une force presque instinctive, il se leva, faisant face à ce vaste écosystème qui s'étendait. Toutes ces informations visuelles lui avaient fait oublier le son environnant qui redevint de plus en plus criant. Le chant des oiseaux se mélangeait dans une cacophonie agréable, de ses oreilles il ne pouvait pas distinguer les différents oiseaux qui étaient en train d'élaborer cette chorale démunie d'aucune mauvaise note. Le jeune homme sentit monter en lui des sensations intenses, une joie qui surgissait sans raison. Il sentit cette émotion tant convoitée, lui perfuser l'intégrale de ses cellules, comblant chacune de ses veines par une chaleur emplit de vitalité. Pourtant, quelque chose l'empêchait de se laisser à ces sensations. En dépit qu'il savait très bien ce qui lui arrivait, il ne pouvait pas arrêter ce schéma de penser, inarrêtable une foie mis en route. Il était dans cette cage, préservé de ce bonheur. Conscient d'avoir les clés pour s'en échapper, il préférait s'en priver, voire passer les doigts de la délectation glisser sur ses barreaux. Une métamorphose de cette joie s'était installée en son esprit, devenant aux cris des criquets une ondulation de mélancolie. Il prit ses clés et les épiait du regard, elles commençaient à disparaître dans sa paume. Quant à lui, il les regarda filer à travers ses doigts tels des grains de sable de manière déconcertante. Le paysage s'était dessiné à nouveau, il sortit de son esprit et tous les stimuli autour de lui revenaient d'un coup. Il tendit l'oreille, la radio qui brayait des enceintes du camping-car agaça le jeune homme, qui, d'un pas déterminé se précipita vers celui- ci. Il traversa le lit mineure de la rivière, tout en se concentrant de ne pas glisser sur les roches lisses de la plage. Il s'était faufilé dans la forêt. Son âme paisible s'était transformée en un subtile agacement. Il prit la radio pour l'éteindre.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 15 ⏰

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