Chapitre 45

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          ~ Des semaines plus tard ~

Après la rémission complète de mon époux, nous avons passé quelques jours en Corse avant de retourner au Ghana. Martin était différent. Parfois, je l'observais et j'avais l'impression de voir une autre personne.

Il passait de longues heures enfermé dans son bureau, et lors des rares moments que nous passions ensemble, il était toujours distant, oubliant parfois son prénom ou des détails qui nous concernaient.

Un matin, après mon bain, j'ai ressenti de violentes douleurs au bas-ventre. Inquiète, je lui en ai parlé, et il m'a conseillé d'aller à l'hôpital. J'aurais voulu qu'il m'accompagne, mais comme toujours, il avait autre chose de prévu.

Je me suis donc rendue seule à l'hôpital ce jour-là, avec une boule au ventre qui ne cessait de grossir, non seulement à cause de la douleur physique, mais aussi en raison de la distance croissante entre Martin et moi. J'avais beau me convaincre que c'était à cause de ce qu'il avait traversé, de la fatigue accumulée, mais quelque chose en lui me semblait irrémédiablement changé.

À l'hôpital, après quelques examens, les médecins m'ont annoncé que j'étais enceinte.

Cette nouvelle, qui aurait dû me remplir de joie, me laissa perplexe. Je me sentais envahie par un mélange d’émotions confuses.

Enceinte. Je l'étais.

Pourtant, je n'arrivais pas à savourer cet instant. Je me demandais comment Martin réagirait, et surtout, si cette nouvelle nous rapprocherait ou nous éloignerait davantage.

De retour à la maison, je trouvai Martin dans son bureau, absorbé par son travail. J’hésitai un moment avant de frapper à la porte. Lorsqu'il leva les yeux vers moi, son regard semblait vide, comme s'il était ailleurs.

— Mon amour, je suis allée à l'hôpital ce matin, commençai-je doucement.

Il hocha distraitement la tête, sans vraiment m'écouter.

— Ils m'ont dit que... je suis enceinte.

Cette fois, il posa son stylo et me regarda plus attentivement. Il resta silencieux un instant, puis un sourire faible, presque mécanique, se dessina sur ses lèvres.

— Comment est-ce possible ? Depuis notre retour, je ne t'ai pas touchée.

Ses mots me frappèrent comme un coup de poing invisible. Mon souffle se coupa, et un froid glacial s'empara de moi. Comment pouvait-il dire cela ? Comment pouvait-il insinuer que cet enfant n'était pas de lui ?

Je me redressai, essayant de reprendre le contrôle de mes émotions, mais la douleur dans ma poitrine était insupportable.

— Qu'est-ce que tu veux dire, Martin ? demandai-je d'une voix tremblante. Tu penses que je t'ai trompé ?

Il me fixa un instant, son regard toujours distant. Je ne reconnaissais plus l'homme que j'aimais. Il secoua lentement la tête, mais une froideur persistait dans ses yeux.

— Je ne sais pas quoi penser. C’est juste… étrange, tout ça. Il se leva de son bureau, passant une main dans ses cheveux, visiblement troublé. Peut-être que je me trompe, mais... depuis ma rémission, les choses sont différentes entre nous.

Ces paroles me blessèrent encore plus profondément. C'était comme s'il voulait effacer tout ce qui s'était passé entre nous depuis son retour. Je sentais que quelque chose se brisait entre nous, et cette distance devenait un abîme impossible à combler.

— Je suis ta femme, Martin. Cet enfant est le tien. Comment peux-tu en douter ? dis-je, la voix brisée, trahissant la douleur que je ressentais.

Il soupira, se détournant de moi.

— Je ne sais plus quoi penser, murmura-t-il. Je ne me reconnais plus.

Cette déclaration me fit comprendre à quel point il était perdu, non seulement par rapport à moi, mais aussi par rapport à lui-même. Pourtant, cela n'excusait pas ses doutes et ses paroles blessantes.

Je me sentais seule, terriblement seule, alors même que je portais la vie en moi.

La seconde suivante, je quittai la pièce en larmes. Je me réfugiai dans notre chambre et laissai libre cours à ma douleur. J'ai pleuré pendant de longues heures, sans qu'il ne daigne s'enquérir de mon état.

Il était différent.

Était-ce possible de changer ainsi ?

Allongée sur notre lit, les larmes coulant librement, je repassais en boucle les derniers mois. Le rétablissement de mon époux, son comportement distant, et maintenant cette accusation voilée qui me transperçait le cœur. Comment était-il possible qu'il soit devenu cet homme si froid, si détaché ?

Je repensai à notre vie d'avant, à tout ce que nous avions partagé. L'homme que j'avais épousé aurait été à mes côtés en cet instant si important. Il aurait partagé ma joie, mes doutes, et surtout, il n'aurait jamais remis en question ma loyauté. Pourtant, aujourd'hui, il m'accusait presque, comme si j'étais une étrangère pour lui.

Une pensée sombre s'immisça alors dans mon esprit. Était-ce vraiment l'incident qui l'avait changé, ou était-il devenu quelqu'un d'autre ? Quelqu'un qui n'avait plus d'amour pour moi ?

Je devais savoir. Il était hors de question de vivre dans cette incertitude. Mais comment lui parler à nouveau, alors qu'il semblait se refermer un peu plus chaque jour ?

Le lendemain matin, après une nuit sans sommeil, je me levai déterminée à obtenir des réponses. Ce n'était pas seulement pour moi, mais pour cet enfant que je portais. Je refusais de laisser ce doute planer sur l'avenir de notre famille.

Je le trouvai, une fois de plus, dans son bureau, plongé dans ses pensées. Je pris une profonde inspiration avant de parler, ma voix ferme malgré la douleur.

— Martin, je ne peux pas continuer comme ça. Tu ne peux pas me laisser seule face à cette situation. Si quelque chose ne va pas, tu dois me le dire. Nous devons être honnêtes l'un envers l'autre, pour nous, mais surtout pour cet enfant.

Il releva la tête, l'air fatigué, comme s'il portait un fardeau invisible. Ce fut à cet instant que je réalisai à quel point il semblait aussi perdu que moi.

— Martin ?

— Il faut que tu te débarrasses de ce bébé.

Ses mots étaient clairs et tranchants, sans une once de compassion pour cet être innocent qui grandissait en moi.

Les propos de Martin me frappèrent comme une décharge électrique, me laissant complètement abasourdie.

"Il faut que tu te débarrasses de ce bébé."

Ces paroles résonnaient dans ma tête, irréelles et cruelles. Comment pouvait-il dire une chose pareille ? Comment pouvait-il me demander de faire ça ?

Je le regardai, incapable de prononcer un mot, sentant mon cœur se fissurer. Ses yeux étaient sombres, empreints d’une froideur que je ne reconnaissais pas. L’homme que j’aimais n’était plus là, du moins pas celui que je connaissais. Je réalisai à quel point il s’était éloigné, à quel point il avait changé.

— Martin, murmurai-je enfin, la gorge serrée. Tu réalises ce que tu es en train de dire ? C’est notre enfant...

Il détourna le regard, comme s’il ne pouvait supporter la vérité de mes paroles.

— Ce n’est pas le moment… Pas maintenant. Tout est confus. Je ne peux pas… Je ne peux pas faire face à ça.

Je sentis la rage monter en moi, mêlée à une tristesse infinie.

— Pas le moment ? Mais il ne s'agit pas d'un projet qu'on peut reporter, Martin. C’est un être humain, une vie que nous avons créée ensemble. Comment peux-tu me demander de faire ça ?

Il ne répondit pas, mais son silence était encore plus dévastateur que ses mots.

POURQUOI J'AI TUÉ MON MARI ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant