Chapitre 30

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Cela faisait maintenant une semaine, et chaque jour se répétait avec une régularité déconcertante. Chaque matin, on retrouvait Dona assise à une grande table, entourée de cartes, de notes, de schémas détaillés, entièrement absorbée par la planification minutieuse de leur prochain coup. Le tombeau, leur objectif ultime, nécessitait une stratégie parfaite, et Dona s'y dévouait corps et âme. Elle traçait les moindres détails, chaque moment, chaque geste, chaque mouvement, pour éviter toute faille. C'était son échappatoire, sa manière d'éviter de penser à ce qu'elle préférait ignorer : les doutes, les peines, les blessures invisibles.

Pourtant, une distraction s'insinuait inévitablement dans son quotidien : Kerk. Depuis son retour dans sa vie, il avait une manière étrange mais efficace de la sortir de sa bulle. Lorsqu'il rentrait du travail à la mairie, toujours avec un sourire indéchiffrable, il apportait quelque chose. Un petit paquet de ses chocolats préférés, un bijou finement choisi, ou même une bouteille de cette boisson qu'elle appréciait tant autrefois. Il la surprenait à chaque fois, et bien qu'elle tentât souvent de résister, chaque petite attention de Kerk réussissait à détourner son esprit des plans et de la stratégie.

Ce qui était frappant, c'était le changement subtil mais profond qui s'opérait en elle en sa présence. La Dona méthodique, rigide, presque froide dans sa concentration devenait une Dona plus douce, plus humaine, presque joyeuse. Il y avait dans la manière dont elle parlait avec Kerk, un éclat dans son regard qu'on ne lui connaissait plus. Elle riait plus facilement, un rire léger, sincère, quelque chose qu'elle n'avait pas fait depuis si longtemps. Lorsqu'elle se tournait vers lui, il y avait une chaleur dans ses gestes, dans ses mots, comme si la façade qu'elle portait au quotidien s'effritait petit à petit à son contact.

Kerk, de son côté, semblait savoir exactement comment toucher cette part cachée d'elle. Il n'essayait pas de briser son sérieux, mais il savait comment la rappeler à la vie, la ramener à des émotions plus simples, moins lourdes. C'était un jeu subtil entre eux, une danse d'attention et de réconfort. Il n'avait jamais été envahissant, mais son approche était bien calculée, comme s'il comprenait mieux que quiconque que Dona avait besoin d'équilibre. Et avec lui, elle l'atteignait presque.

Les autres membres de l'équipe avaient remarqué ce changement, et même si personne n'osait vraiment en parler à voix haute, tout le monde en profitait. L'atmosphère générale était plus détendue, plus sereine, même si la mission restait au centre de toutes les préoccupations.

Pourtant, au fond d'elle, Dona savait que ce calme apparent ne durerait pas. Elle se préparait mentalement à ce que tout bascule dès qu'ils mettraient leur plan en action. Le temps passé avec Kerk, aussi agréable soit-il, n'était qu'une parenthèse. Une parenthèse qu'elle savourait, mais qu'elle savait éphémère.

Ce même soir, Kerk entra dans la pièce comme à son habitude, avec un petit paquet sous le bras. Il s'approcha d'elle, sans un mot, mais avec ce sourire qui lui était propre. Il posa délicatement le paquet sur la table et s'assit à côté d'elle. Dona leva les yeux de ses notes et se permit un sourire fatigué, mais sincère.

« Encore une surprise ? » demanda-t-elle doucement, une lueur de malice dans le regard.

Kerk haussa les épaules, feignant l'innocence. « Peut-être que tu le mérites, après tout ce travail acharné. »

Dona ouvrit le paquet et découvrit un bracelet fin, en argent, orné d'une pierre aux reflets discrets, presque hypnotiques. Elle le regarda en silence, touchée par le geste, avant de lever les yeux vers Kerk.

« Tu sais que tu n'es pas obligé de faire ça. » Sa voix était douce, mais il y avait une sincérité sous-jacente, comme si elle voulait lui dire bien plus que ces simples mots.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant