Tous armés d'un balai en bois trouvé dans le garage, nous restâmes à l'arrière de la cuisine. Un léger bruit de froissement d'habits descendit des escaliers, accompagné de pas légers. Mes amis et moi fixions le point noir dans la maison plongée dans l'obscurité. Mes mains se resserrèrent sur le manche du balai en comprenant que nous n'étions pas seuls. Il y avait un inconnu. Mes amis, de leur côté, étaient tous tremblants, et à cet instant, je ressentis également un léger frisson me parcourir le dos. On aurait dit que l'inconnu marchait sur la pointe des pieds, tant ses pas étaient légers comme une plume. Le plancher grinçant bruissait à mesure que l'étranger s'approchait de la cuisine. Mon pouls s'accéléra aussitôt. En tournant légèrement la tête vers l'un de mes amis, je le vis attraper autre chose que ce pauvre balai frêle.
Je tressaillis en sentant l'homme franchir la porte de la cuisine. Soulagée d'être dans le noir, je regardais l'ombre qui était maintenant à quelques mètres de nous. Un rire rauque emplissait la salle – c'était celui de l'étranger qui avait pénétré dans la maison. Mon estomac se noua. Mon ami Yan attrapa son courage à deux mains et se rua sur l'inconnu, armé de son petit couteau à beurre. Quant à moi, mes jambes refusaient de bouger, mes membres ne me répondaient plus. Yan fut projeté au loin dans un bruit sourd. Une douce lumière s'alluma, c'était Ninn qui l'avait allumée. Mes yeux s'écarquillèrent et je poussai un hoquet de surprise en découvrant l'homme.
Il était plutôt grand, d'allure robuste et musclée. Ses yeux bridés, de couleur vermeille, nous fixaient. Les commissures de ses lèvres s'étiraient, formant un sourire narquois. Sur ses fines lèvres pâles reposaient des canines d'une blancheur éclatante. Le reste, je n'y prêtais pas attention. Il ressemblait à un vampire. C'était un vampire.
En voulant reculer, je me pris la table en chêne qui trônait au milieu de la pièce. L'homme porta ses crocs vers le cou de Yan. Malgré ma peur et mes tremblements incessants, je forçai mes jambes à bouger. Avec Ninn, nous fonçâmes vers le noiraud. Ses yeux rouge sang se retournèrent vers nous. Il lâcha un léger rire moqueur et, d'un mouvement de main, nous nous retrouvâmes au sol. Je fis une roulade sur le dos et repris mon élan vers la créature, fonçant tête baissée, ne pensant qu'à sauver mon ami. Cependant, il était déjà trop tard, le vampire avait bu avec satisfaction. Des larmes ruisselaient le long de mes joues. Je savais que nous allions tous y passer. Nous étions comme du bétail pour lui. Je me redressai, chancelant légèrement.
Ninn était au sol, en pleurs, se laissant terrasser par la peur. À travers mes petits yeux voilés par les larmes, je fixai le vampire qui se redressait avec un léger soupir de satisfaction. J'attrapai la moitié du manche du balai qui avait été brisé en deux plus tôt. Mes mains tremblaient encore, et mes jambes semblaient de plomb à chaque pensée du vampire qui se tenait devant Ninn et moi. Le noiraud s'approcha doucement de nous, gardant son sourire goguenard. J'essuyai mes larmes d'un revers de main. Une idée me traversa soudain l'esprit. J'attrapai le bras de Ninn pour la forcer à se lever. Comme la porte était à côté, nous n'eûmes pas de difficulté à sortir. Le vampire poussa un cri de frustration en nous voyant dehors.
Ce soir-là, il devait y avoir une fête dans notre rue, et beaucoup de gens s'y baladaient. Je savais que le vampire ne pourrait plus se déplacer discrètement et qu'une fois le jour levé, il ne pourrait pas non plus s'échapper. Mon cœur battait moins fort dès que j'eus conscience que nous avions une petite chance d'échapper à la mort. Ninn s'agrippa à mon bras, comprenant un peu ce que je voulais faire. Dehors, une douce brise soufflait sur le village. La lune était à son rendez-vous, quant aux oiseaux, eux, étaient couchés. Rapidement, Ninn et moi montâmes sur les deux vélos qui se trouvaient devant chez moi. Je regardai le vampire derrière nous et appuyai sur les pédales pour avancer. Dans la foule, nous nous perdîmes entre les stands. Ninn était blanche comme un linge. Je laissai échapper un petit soupir et descendis du vélo.
« — Continuons à pied... soupirai-je après un moment de réflexion.
— Oui, tu as raison », répondit-elle d'une voix peu rassurée.
J'en étais venue à cette idée en voyant les rues bondées de monde. Je posai mon vélo contre le mur, tout comme Ninn. L'une à côté de l'autre, nous avancions en observant les passants, guettant si le vampire nous suivait. Je savais que personne ne nous croirait. Nous avions vu un vampire tuer notre ami. On nous prendrait pour des folles. Frustrée, je serrai les poings. Au loin, j'aperçus une personne vêtue d'un long manteau noir... étrange. Je poussai un nouveau soupir et regardai devant moi.
Il va falloir tuer cette créature nous-mêmes... pensais-je en frissonnant. Ou bien attendre le lever du jour... J'étais fatiguée, et mes jambes me portaient à peine. Ninn était sûrement dans le même état. Alors que je marchais, l'homme à l'habit étrange me frôla, laissant une odeur chaude et métallique m'envelopper. Il dégageait une aura sombre. Dès que je levai la tête, mes membres se crispèrent. Ni une ni deux, je saisis rapidement le poignet de Ninn et me mis à courir à toute vitesse. Le vampire se retourna avec un rictus.
Nous nous faufilâmes entre les passants, poursuivies par cet être. Mon cœur s'emballa, mes jambes avançaient d'elles-mêmes, et mon cerveau ne fonctionnait plus. Courir. Courir. Fuir. Ninn trébucha sur le pavé. Je m'arrêtai pour l'aider à se relever. Mais le vampire venait de nous rattraper. Il était là, devant nous, prêt à bondir. Ses crocs étaient encore teintés du sang de Yan. Il n'y avait personne dans cette rue, à part le vampire, Ninn et moi. Le vampire nous regarda longuement. Mon regard se tourna un bref instant vers une grosse branche, à moins de cinq mètres de moi. Avec agilité, je bondis sur la branche et la ramassai. Le vampire me dévisagea et dit d'un ton moqueur :
« — Tu crois pouvoir me battre avec cette branche ? Tu es bien sotte, ma petite. »
Je pris une grande inspiration et observai ses mouvements. Il se déplaçait autour de nous comme un aigle traquant sa proie. Le vampire sauta sur moi à l'improviste. Je sursautai et roulai sur le côté pour esquiver ses crocs. Ses longs ongles effleurèrent mon épaule, et celle-ci commença à saigner légèrement par une petite entaille. Je regardai une goutte de mon sang s'écraser au sol et redressai la tête. En toute hâte, je brandis mon bout de bois pour me protéger du prochain coup. Avec difficulté, j'enchaînai les attaques violentes du vampire. Je sentais mes membres se fatiguer. Il en profita pour m'attraper d'une main. Mes pieds ne touchaient plus le sol. Un bourdonnement sourd et affreux résonnait dans mes oreilles. Avec le peu de force qu'il me restait, je m'agrippai à la branche et la plaçai derrière mon dos. Ninn était au sol, toujours figée, le regard vide. Alors que je sentais les crocs du vampire frôler mon cou, je plantai le bâton au niveau de son cœur. Ce dernier me relâcha brutalement en poussant un cri de surprise. À la place du sang, c'était de la fumée. Le vampire se désintégrait. Je posai ma main sur mon cou, reprenant mon souffle. L'homme m'avait laissé une marque rouge sur le cou. Je frottai soigneusement cet endroit tout en regardant le vampire se désintégrer.
« — Sale humaine, tu... »
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase qu'il disparut. Je me laissai tomber au sol en poussant un soupir de soulagement. À cet instant, je ressentis de nouveau la fraîcheur de l'air et la douce odeur de l'herbe qui emplissait l'espace – la dureté des pavés sous mon corps épuisé. Ninn sauta dans mes bras, tout aussi soulagée que moi. J'affichai un petit sourire avant de m'évanouir dans les siens.