À Alimonia, une société régie par l'Harmonie, des Implants ont été développés pour supprimer les émotions jugées « intenses », considérées comme le cancer de la société. Ces dispositifs sont censés garantir une vie en paix et en harmonie. Naree, étu...
Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Postée en haut du gratte-ciel le plus élevé de la ville, je laisse le vent s'abattre violemment sur ma peau tout en observant l'étendue urbaine d'Alimonia. J'ai toujours été fascinée par la grandeur de cet endroit, par la puissance de sa présence capable de captiver n'importe quelle âme.
Me tenir ici, tout en haut de cette tour où peu oseraient s'aventurer, j'ai l'impression de me confronter à un autre monde, de me retrouver dans l'espace, observant des particules minuscules qui ignorent ma présence. C'est aussi fascinant que terrifiant de réaliser la petitesse du monde et l'insignifiance d'une vie au milieu d'une foule.
L'Harmonie veut que chaque individu ait sa propre importance, peu importe sa place dans l'échelle de la vie. Mais parfois, j'ai du mal à croire en cette vérité. Comment peut-on se sentir un tant soit peu important face à ce vide ?
Je sais que ces pensées sont mauvaises et que je ne devrais pas les entretenir. Je ne devrais pas douter de ma propre utilité dans ce monde ; je ne devrais voir autre chose que ma mission, clairement définie sous mes yeux. C'est ainsi que l'ordre a été établi ; ainsi est-il censé se maintenir. Avoir des doutes, c'est remettre en question cet arrangement. C'est remettre en question l'Harmonie. Et je n'éprouve aucun doute à ce sujet.
Je ne doute pas de l'efficacité du rôle qui m'a été confié dans cette vie, ni de son importance. J'ai juste de temps en temps peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas comprendre le sens de cette existence, si ce n'est pour un bien commun qui m'a toujours paru abstrait.
La peur est néfaste ; elle engendre des remises en question. Elle détruit la confiance et suscite d'autres sentiments injustifiés. J'aimerais me débarrasser de cette peur et qu'elle ne prenne pas autant de place dans ma vie.
— Naree ?
Je sursaute en entendant la voix de Jada dans mon dos. Les mains dans les poches de sa veste en jean, il m'adresse un sourire tout en s'approchant de moi. Il bondit pour me rejoindre près de la barrière qui nous protège du vide en dessous de nous.
— Toujours en train de te torturer l'esprit ? plaisante-t-il en scrutant l'horizon.
Je hausse les épaules avant de reposer mon menton sur mes mains. Après mon frère, Jada est probablement la personne qui me connaît le mieux au monde. Il sait exactement reconnaître chaque faiblesse chez moi.
Ce lien entre nous, cette capacité à lire l'esprit de l'autre, a commencé dès nos premières années d'école. Ce premier jour de rentrée, lorsqu'il est venu vers moi pour me donner un peu de son goûter en voyant que je n'en avais pas, a marqué un tournant dans ma vie.
Il y a un avant et un après Jada. Et je n'ai plus aucun souvenir de cet avant, sans mon meilleur ami à mes côtés.
— J'étais seulement en train de penser à la vie d'avant, avoué-je dans un murmure à peine audible.
— Tu veux dire la vie avant l'Harmonie ?
Lâchant un long soupir, je me redresse soudainement pour lui faire face, plongeant mon regard dans le brun du sien.
— Je me demande juste à quel point la vie devait être misérable à cette époque, expliqué-je calmement, l'esprit désormais absorbé par les automateans d'histoire que nous avons étudiés au lycée. Comment les gens pouvaient survivre dans une telle haine ?
Jada s'attend toujours à mes questions ; il est la première personne à qui je les pose chaque fois qu'elles traversent ma tête. Il est habitué à cet esprit curieux qui m'a souvent mise dans le pétrin.
Le problème, c'est que je ne suis pas censée remettre en question ce qui ne devrait pas l'être. Et nous le savons tous les deux. Nous avons passé suffisamment de temps au Bureau des Avenitions pour avoir bien ancré ça dans notre esprit – surtout de mon côté, je l'admets.
J'aimerais tant ne pas être envahie par ces pensées oppressantes qui entravent ma vie chaque jour qui passe. J'aimerais tant pouvoir me libérer de cette déviance qui refuse de me quitter, peu importe combien j'essaie de la supprimer. Mais j'en suis incapable. Alors ma seule solution, c'est Jada. C'est mon meilleur ami, à qui je confie absolument tout.
— Je n'en sais rien, avoue-t-il en tendant la main vers mon visage pour replacer correctement une de mes mèches rebelles derrière mon oreille. Je sais juste que ces émotions intenses détruisaient des vies parce qu'on ne sait pas comment les contrôler. Mais tu n'as pas à t'inquiéter que ça t'arrive. Je ne laisserai jamais rien de tel t'affecter. Ton cœur sera pur, Naree, tout comme ton âme l'est.
J'ai un léger mouvement de recul.
Ma respiration se coupe à ses paroles, comme paralysée par leur intensité qui se diffuse dans mes veines, nourrissant les pulsations de mon cœur. J'essaie de les réprimer autant que possible, mais chaque tentative engendre une force plus grande sur mon cœur, un martèlement plus brutal qui résonne dans mes oreilles.
Je commande à mon cœur de s'arrêter, à mon corps de bouger, à mes yeux de cligner pour faire cesser cette sensation croissante dans ma poitrine, qui s'imprègne dans mes poumons et dévore peu à peu mes entrailles, les marquant de sa violence et les blessant de son agressivité. J'essaie de former la moindre pensée cohérente dans mon esprit, mais tout est bloqué en moi.
Tout ce que je peux sentir, c'est sa main sur mon bras, son sourire rayonnant, son odeur qui m'enveloppe pleinement. Il n'y a rien d'autre que ça. Rien d'autre que lui. Rien d'autre que ces pulsations qui, doucement, reprennent.
Un.
Deux.
Trois.
Quatre battements qui s'étendent et espèrent subtilement quelque chose. Qui attendent subtilement quelque chose. Qui désirent subtilement quelqu'un. Une seule personne. Une seule âme. Une seule entité, qui se trouve tout juste devant moi.
— Cesse donc de stresser, poursuit-il en s'approchant de moi, détruisant toutes mes chances de rester sereine. Je te promets qu'au jour venu, l'implantation se passera bien. Je serai là, juste à tes côtés. On sera ensemble.
Je hoche la tête. C'est la seule chose que je puisse faire, incapable d'émettre le moindre son lorsque mon cœur bat aussi bruyamment en moi.
Jada a raison. Nous n'avons jamais appris à contrôler ces émotions. Alors mieux vaut les réprimer.
ღ
Bonjour à tous ! On se retrouve avec une nouvelle histoire, un nouvel univers ; cette fois-ci, il s'agit d'une dystopie. C'est un genre tout nouveau pour moi, mais j'avais très envie d'essayer et d'explorer un nouveau monde.
J'espère que vous pourrez appréciez ce livre et ses personnages !
N'hésitez pas à me partager votre avis et n'oubliez pas de voter si vous avez aimer ce petit prologue, parce que ça aide beaucoup !
