Chapitre 7

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"La confidence noie la douleur." Mariama Bâ

Mes affaires en main, j'ouvre la porte d'entrée et me stoppe net dans mon élan quand je découvre Evy, assise sur le sol du couloir. Elle me dévisage, esquissant un sourire hésitant.

― Salut, prononce-t-elle.

Une fois la surprise passée, je lui demande d'un ton qui charrie l'incrédulité :

― Mais qu'est-ce que tu fais ici ?!

Elle se lève en pinçant la bouche d'agacement et passe à mes côtés. Elle s'engouffre dans mon appartement, contaminant l'atmosphère de son aura pleine de colère. Je clos, un bref instant, les paupières, puis me prépare mentalement à sa rébellion. Je la rejoins dans le salon en déposant mes affaires sur le fauteuil.

― Bonjour à toi aussi, crachote-t-elle sans me regarder. Oh, mais t'as un chaton !

Eh bien au moins, Ronron a le droit à un accueil plus chaleureux.

― Ce n'est pas mon chat. Evy, l'interpellé-je d'un ton le plus neutre possible. Que fais-tu à New York ? Tu sèches les cours ?

Elle me tourne toujours le dos, préférant s'amuser avec Ronron. Je retiens mon soupir et me rends dans la cuisine pour nous servir un jus de fruits. Elle me rejoint quand je range la bouteille au frigo. Je lui tends un verre qu'elle s'empresse de boire d'un seul coup.

― Merci, me répond-elle. Tu n'aurais pas quelque chose à grignoter ? J'ai la dalle.

Je la scrute de mon air peu amène, mais m'abstiens d'exiger des réponses quand j'avise les cernes qui ombrent son regard et ses traits tirés par la fatigue.

― Installe-toi, je m'en occupe.

― Un sandwich au beurre de cacahuète si tu as, me dicte-t-elle en s'asseyant.

Je retiens un sourire amusé et m'exécute. Occupée à tartiner les deux tranches de pain, je perçois le bruit de son pied qui martèle le sol, signe de sa nervosité.

― Maman sait que tu es ici ?

― Je lui ai envoyé un message quand j'ai pris l'avion. Elle m'a demandé de vous embrasser Tammy et toi. Elle est où d'ailleurs ?

Je pressens qu'elle ne me dit pas tout. Je dispose son déjeuner sur une assiette, puis lui apporte. Je m'assieds en face d'elle et capte son regard alors qu'elle croque à pleines dents le sandwich.

― Comment maman a réagi ? persisté-je.

― Tu la connais. Elle s'inquiète plus qu'elle n'est réellement en colère, me répond-elle en postillonnant des morceaux de mie.

― Elle doit être morte d'inquiétude.

Je m'empare de mon téléphone et m'étonne qu'elle ne m'ait laissé aucun message pour me prévenir de sa fuite. Ça ne lui ressemble pas...

― Je lui ai demandé de ne rien te dire.

J'arque un sourcil de suspicion et m'arme d'une patience d'ange en la dévisageant. Elle soupire en levant les yeux au ciel.

― Bon, OK, je ne lui ai rien dit.

Ma paume s'abat sur la table pour accentuer mon cri d'indignation :

― Evy !

― Mais elle a l'habitude que je m'absente plusieurs jours, se justifie-t-elle en une intention plaintive. C'est mieux qu'elle n'en sache rien.

J'ai envie de me lever et de la secouer pour lui remettre les idées en place. Elle capte ma colère en avisant mes deux fentes assassines. Elle baisse les yeux, moins sûre d'elle d'un coup, et continue à manger. J'inspire un bon coup et me lance :

La mélodie du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant