V-CARB RB 25 - Daniel Ricciardo

Chapitre 39

J’avais hésité à proposer du thé à Daniel, puis j’avais fini par lui offrir timidement une tasse. J’avais proposé de parler en première, je regrettais maintenant. Il me fixait, attendant que j’ouvre la bouche. Son attitude trahissait son stress, il jouait avec la tasse fumante entre ses doigts, et son pied tressautait nerveusement. J’étais un peu rassurée de le voir ainsi, de voir qu’il n’était pas sûr de lui et prêt à me lancer d’une voix claire et nette qu’il ne voudrait plus rien avoir à faire avec moi. Du moins je l’espérais, de tout mon cœur.

Je pris une inspiration, et finis par tout lui raconter. Comme tous mes amis, il était au courant du fait qu’un psychopathe avait essayé de me faire du mal et que je l’avais traîné en procès. Mais je m’en étais tenue à cette version courte et simple pour tout le monde, les détails n’avaient été révélés qu’à Rosie et Christian.

Je voyais son visage passer par toutes les émotions au cours du récit; la colère, le choc, la peine et la pitié. Je détestais cette pitié qu’il pouvait m’accorder, le sentiment d’être faible n’en était qu’accentué.

Je terminais mon récit par la fin du procès, j’avais hésité à déborder davantage sur ma vie privée en lui racontant mon escapade dans cette fichue maison de retraite. Mais il n’avait pas à connaître ma vie familiale. Ni mon passé; j’avais aussi hésité à lui confier cette partie compliquée avec la drogue, mais finalement il n’y avait aucune raison de lui dévoiler encore plus de faiblesses.

C’était à mon tour de le fixer, il n’avait pas l’air de savoir comment réagir. Et finalement, je n’avais pas envie de savoir ce qu’il pensait de tout ça, j’étais là uniquement pour l’entendre s’expliquer lui.

_ Tu n’as pas à dire quoi que ce soit, toute cette histoire est bouclée aujourd’hui. Maintenant je veux t’écouter.

Ma voix forte contrastait avec la panique qui m’habitait. Et il devait le voir, mes ongles qui tapotaient sur la céramique en un léger bruit. Il se racla la gorge et s’agita dans le fauteuil. J’avais peur de ce qu’il allait me dire, j’avais peur de me confronter à une réalité douloureuse.

_ Déjà je veux m’excuser…
 
Son regard se fit hasardeux, il n’arrivait pas à le poser. Je ne dis rien, attendant la suite. 

_ J’avais préparé tout un discours mais devant toi, je viens de tout oublier. Son sourire gêné grandissait, comme s’il essayait de se donner du courage. J’ai agi comme un con, je sais que c’était vraiment la pire chose à faire, et j’ai bien une excuse à te donner… seulement je n’ai pas envie d’être encore pire à tes yeux en essayant de me faire pardonner avec une histoire qui a pu me… euh…
 
Je fronçais les sourcils. Son ton venait complètement de changer, tout comme son expression. Je n’avais jamais vu Daniel comme ça, lui qui essayait de toujours glisser une touche d’humour partout, même dans les moments où il pouvait se sentir triste ou déprimé. Tout à coup, il semblait avoir perdu ses moyens, et j’avais l’impression qu’il livrait une guerre contre lui-même.

_ Enfin, tu vois quoi… C’était un truc compliqué… Je… Il se tut une fois de plus.

_ Daniel, dis-moi. Je suis là pour t’écouter, alors dis ce que tu as à dire. Je murmurais, essayant de prendre un ton rassurant.

_ J’ai faillis me fiancer. Je m’étouffais avec mon thé. C’était l’année dernière, et j’ai appris deux jours avant de lui faire ma demande qu’elle avait fait des choses pas vraiment chouettes. Enfin, tu vois quoi. 

Il fuyait complètement mon regard, et ce sourire gêné qu’il affichait au début de la discussion était devenu faux. Complètement faux. Et sa gorge semblait serrée, sa voix trahissait ses émotions, il se retenait de pleurer. Et une vague intense de rage, mélangée à de la compréhension, m’envahit. Il n’avait aucun droit de se pointer ici et de se placer en victime. Mais seulement, il y avait cette lueur au fond de ses yeux qui brillaient de sincérité. Ses mots semblaient lui arracher la bouche, comme s’il s’agissait de la première fois qu’il se montrait faible devant quelqu’un.