Il me regarde droit dans les yeux. Nos regards se verrouillent, nos mains se trouvent.
Son visage est si ravagé pour l'accident. Un seul coup d'œil me suffit pour estimer les dégâts : quasiment irréparable. J'aimerais baisser les yeux mais son regard puissant me cloue. Une demande, il me demande quelque chose. Il me fait passer par la pression de ses mains tout ce qu'il voudrait une dernière fois. Je hoche la tête, j'ai compris. Il voudrait une manière de se rappeler une dernière fois toutes les plus belles choses que nous avons faite ensemble. Il me demande lui faire revivre de n'importe quelle manière ces moments si précieux.
Je lui fredonne alors un air sur lequel nous avons dansé, lui décrit le coucher de soleil que nous avons vu au bord d'un lac l'un lové dans les bras de l'autre. Je lui souris pour qu'il s'y accroche, je lui murmure nos surnoms respectifs. J'essaye de faire passer tout mon amour pour lui à travers quelques mots, quelques caresses, une pression sur ses doigts désarmés. J'essaye de lui montrer une dernière fois à quel point je l'aime. Sachant qu'il ne voudrait pas que je pleure, je me retiens le plus possible. Je lui décris la surface brillante d'un lac une journée d'été, je lui relate ses plus belles bêtises sans le lâcher une fois des yeux. Je lui rappelle notre jeunesse quand nous parlions de rêves fous que nous avons finalement réalisés, je lui parle de nos promesses. Il m'a souvent dit qu'il adorait m'écouter parler sans relâche que je l'ai si souvent fait devant lui et presque naturellement, je m'exécute. Ma voix sort toute seule de ma gorge, bien qu'un peu brisée. Il me fixe intensément comme pour graver mon visage dans son esprit.
A travers ses blessures, je revois son ancien visage. Sa beauté est intacte, malgré les ravages de l'accident. En continuant de parler, je passe ma main dans ses cheveux noirs, un doigt sur ses lèvres, ma paume sur sa joue. Je pose délicatement ma tête sur sa poitrine où j'entends tambouriner son cœur. Je perçois les plus beaux battements de ma vie. Je lui parle des étoiles, d'une odeur. Je me relève et le regarde. Il porte ma main à son visage pour la humer. Il articule silencieusement : « tu sens bon » Je souris en le revoyant au restaurant à me tenir la main et me redire ces mêmes mots.
Il est terriblement faible, son regard commence à s'éteindre. Je me tais un instant, me penche de manière à ce que mes lèvres frôlent les siennes et je dis : « Je t'aime »
J'entends sa voix me dire : « Tu es tout pour moi, je ne veux jamais te perdre »
Ses yeux s'ouvrent péniblement. Je m'accroche à sa main.
Je lui réponds : « Jamais, je te le garantis »
Il sourit puis ferme les yeux. Les larmes mouillent mes joues.
Et l'appareil s'arrête de biper.