Petite pensée létale

- Qui suis-je?
Où suis-je?
Que suis-je, que fais-je, que... que ferais-je?
Comment suis-je, pourquoi devrais-je, que serais-je?
Oh pis d'la marde câlisse!
Je mime le froissement d'une feuille imaginaire en papier et la jette dans la poubelle avec un mouvement ridicule. Ma tête tombe contre le clavier du portable et je chante d'un magnifique crescendo:
- Syyyynnnndroooome de la page blanche!
J'ai aucune idée de quoi écrire, mais je pense l'appeler Petite pensée! Comme ça, je pourrai raconter mon rêve, ce que je désire le plus. En même temps, je ferai de petits liens avec ce que mes parents m'ont légué. J'ai une belle maison, une grande cour, une piscine. Ils m'ont fait voyager, m'ont éduqué de façon positive. Pour vrai, j'ai une vie que des milliers d'enfants rêveraient d'avoir.
Je peux pas chialer.
Je devrais pas pouvoir le faire.

*

J'ai le sentiment d'être complètement... « fucké »? Peut-être pas le meilleur langage pour un concours. De toute façon, j'ai abandonné l'idée de faire de ce texte une bonne chose qui fait évoluer les pensées de quelqu'un. Ces profs vont pas en parler à leurs collègues et ami.e.s pour venter l'histoire marquante. J'ai beau mettre de petites références destinées aux professeur.e.s en disant à quel point elles et ils sont incroyables, mais ça serait juste pour attirer l'attention et faire ce qu'on nomme, dans le langage courant, le lèche-bottes! Ouin... mais en vrai... ça pourrait me donner plus de chance!

*

C'est-tu vraiment juste ça que je recherche? De l'argent? Quelqu'un qu'on m'a décrit comme étant un prof plein de bonté, un humain qui désirait apprendre ce qu'il aimait à ses élèves, un fan de Julien Clerc, celui qui a laissé de l'argent pour que cette génération retrouve l'envie d'écrire est mort, pis moi, je veux juste le stupide prix? De la gloire et de l'argent, sérieux? Ça n'a pas de sens, je me force chaque jour à devenir une meilleure personne, pis ça donne rien. Je m'implique dans des débats féministes, dans la communauté Lgbtqia2+, dans des causes antiracismes. Je critique les partis extrémistes, supporte les idées de Simone de Beauvoir. J'ai beau lire du George Sand, du Michel Jean ou du Colette, mais, malgré tous ces efforts, j'ai encore cette partie en moi qui veut être mauvais? Qui veut être le stéréotype du mâle qui n'a pas le cœur à la bonne place? L'homme fort qui ne ressent rien pis qui critique tous ceux qui ne sont pas « comme lui »? Le mononcle qui fait des jokes qui n'ont pas d'allure pis qui détruit à chaque fois un peu plus sa réputation aux yeux de la grande famille? Je ne veux pas devenir comme ça... s'il vous plaît!
Je relève ma tête et la redescends à toute vitesse vers mon bureau sombre, ignorant la douleur.
Je vous en supplie, laissez-moi pas devenir comme ça.

*

Ça va la crise d'anxiété? Reviens-en. À qui tu parles de toute façon, tu crois à aucune religion et encore moins en leurs êtres supérieurs. Tout ce que tu fais c'est te souvenir de leur possible existence quand tu feel pas, juste pour demander une faveur. S'il y a au moins un dieu qui existe, tu seras le dernier de ses soucis, bonhomme.

*

Je me parle à moi-même comme si j'étais partagé entre un ange et un démon d'épaules. Bref, des pensées noires pas le fun, ça arrive à tous. Ce qui est bien dans ces moments-là c'est un silence complet qui me permet de juste réfléchir à d'où je viens et où je m'en vais. Sinon, Carpe diem. Kukum ou La société des poètes disparus? Réfléchir à mon futur ou vivre au jour le jour? Bref, il ne faut juste surtout pas interrompre ce cours de pens...

- Fils? Demande-t-elle avec un ton humoristique. Je peux savoir pourquoi tu fais un tel boucan à frapper comme ça? On t'entend jusqu'en haut.

*

J'ai vraiment pas envie de lui répondre. Mes yeux restent fixés sur le bois peint.

- Allloooo? La Terre appelle mon enfant? Tu l'sais que ton père se fâche quand tu claques des portes ou brise des affaires.