Je pris une profonde inspiration et, l'instant d'après, je m'exprimai sans trembler :— Je veux un million d'euros et tu n'entendras plus jamais parler de moi.
Ma demande était effrontée, je le savais, et à en juger par sa réaction, mon époux m'avait sûrement prise pour une folle. Il éclata de rire l'instant suivant.
— Tu es vraiment une pauvre fille, Jacky. C'est un million que tu veux ? D'accord, mais à une condition : que tu disparaisses de nos vies et signes un foutu papier affirmant que je ne suis pas le père de ton bâtard !
Mon cœur se serra.
— D'accord.
Le silence qui suivit ma réponse pesa lourd dans la pièce. Je pouvais sentir le regard de Martin et de son père sur moi, leurs yeux incrédules. Ils ne pouvaient croire que j'avais accepté aussi facilement. Mais au fond de moi, je savais que je n'avais plus rien à perdre. Tout ce que je voulais, c'était en finir avec cette mascarade, cette vie qui n'était plus la mienne.
Martin se leva brusquement, frappant sa chaise contre le sol, visiblement perturbé par la tournure des événements. Son père, plus calculateur, me jaugea d'un air méprisant avant de parler, sa voix trahissant une froide satisfaction.
— Parfait. Tu auras l'argent, mais je veux que cette histoire se termine aujourd'hui.
Il se tourna vers son fils.
— Martin, tu la conduiras chez Maître Laurent pour régler cette affaire. Je ne veux plus jamais la revoir.
Martin, encore sous le choc, hocha simplement la tête, son visage tordu par une colère contenue. Il savait que j'avais touché un point sensible. L'idée de me voir disparaître, de me rayer de leur vie, semblait lui procurer un étrange soulagement.
Je pris une profonde inspiration. C'était peut-être la fin d'un chapitre, mais c'était aussi le début de ma liberté, même si cela me laissait un goût amer.
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Quelques jours plus tard
Après avoir vécu un véritable calvaire auprès de Martin, il avait finalement accepté de me laisser partir. La procédure de divorce devait être enclenchée dans les jours à venir, ce qui me laissait largement le temps d'approfondir mes recherches.
Le père de Martin m'avait remis la moitié de la somme et stipulé qu'il me donnerait le reste après l'annonce officielle du divorce. L'argent que j'avais en ma possession me permettait d'accomplir mon objectif, en espérant que, cette fois-ci, les cieux soient avec moi.
Assise à bord de l'avion, j'étais anxieuse. Je me rendais en Corse, là où tout avait commencé. Des questions et des doutes remplissaient mon esprit.
Et si je m'étais trompée ?
Je secouai la tête, refusant d'accepter cette éventualité. Je devais résoudre ce mystère autour de l'attaque de mon époux.
Une heure plus tard, en arrivant au poste de police, l'atmosphère était tendue, presque étouffante. Le souvenir de ma dernière rencontre avec le lieutenant Farel refit surface, teinté d'une nervosité palpable. À l'époque, il avait été direct, tranchant, sans pitié pour Martin. Je me demandais s'il aurait encore cette même attitude, maintenant que les choses avaient changé.
Je poussai la porte du commissariat et sentis immédiatement les regards se tourner vers moi. Je n’étais plus cette femme timide et apeurée qui avait fui une situation intenable. Je portais en moi une résolution nouvelle : obtenir des réponses.
Le lieutenant Farel apparut dans l'encadrement d'une porte, un air indéchiffrable sur le visage. Son regard perçant scruta chacun de mes mouvements alors que je m'approchais de lui. Rien dans son expression ne trahissait ses pensées, mais je savais qu'il se souvenait de moi.
— Madame Asare ?, dit-il enfin d'une voix rauque. Que faites-vous ici ?
Je pris une grande inspiration, comme pour me donner du courage.
— Il y a des choses que je dois comprendre, Lieutenant Farel, répondis-je calmement. Je veux savoir ce qui s'est vraiment passé. Et je sais que vous seul pouvez m'aider à le découvrir.
Un silence s’installa. Le lieutenant Farel posa son regard sur moi, pesant mes paroles. Il semblait hésiter, comme s’il n’était pas sûr de ma sincérité et soupçonnait un piège.
— Venez dans mon bureau.
Le lieutenant Farel m'invita à le suivre dans son bureau. L'atmosphère changea aussitôt dès que la porte se referma derrière nous, coupant court à l'effervescence extérieure. Je ressentais une tension palpable, mêlée à une étrange sensation de déjà-vu. Son bureau était simple, mais encombré de dossiers, des papiers empilés de façon presque négligée. Le poids des affaires non résolues y régnait en maître.
— Asseyez-vous, dit-il en me désignant une chaise devant son bureau.
Je m’exécutai, le cœur battant. Il s'installa en face de moi, bras croisés, ses yeux scrutant chaque détail de mon visage. Il laissa passer un instant avant de reprendre la parole.
— Madame Asare, je vous écoute. Dites-moi en quoi je peux vous être utile.
Je sortis une mallette de ma valise, la brandissant devant lui avant de l'ouvrir.
— Tout ceci sera à vous si vous m'aidez à découvrir ce qui est arrivé à mon époux !
Ses yeux se posèrent sur la mallette, pleine de billets de banque neufs.
Le lieutenant Farel fixa la mallette avec une lueur indéchiffrable dans les yeux, un mélange de surprise et de méfiance. Il se redressa légèrement, prenant soin de garder un ton calme et mesuré.
— Vous pensez vraiment que c'est ainsi que vous obtiendrez des réponses ? me demanda-t-il en désignant la mallette du regard. Vous jouez un jeu dangereux, Madame Asare.
Je ne fléchis pas. J'avais franchi une limite, je le savais, mais je n'avais plus le luxe de perdre du temps ou de laisser des secrets m'échapper. Si l'argent était nécessaire pour obtenir des informations, alors je l'utiliserais.
— Ce n'est pas un jeu, répondis-je fermement. Je veux seulement savoir la vérité. Mon époux a été attaqué, et je sais que tout ce qui s'est passé depuis est lié. Mais je suis dans l'obscurité et je ne peux pas avancer sans votre aide.
Il prit une profonde inspiration, fermant les yeux un instant, comme pour réprimer une réaction instinctive. Lorsqu'il les rouvrit, son regard était plus perçant, plus professionnel.
— Je ne vais pas accepter votre argent, dit-il en repoussant doucement la mallette sur le côté du bureau. Mais je vais vous aider… parce que je crois que vous méritez de savoir ce qui est réellement arrivé. Cependant, ce que vous découvrirez ne sera peut-être pas ce que vous espérez.
Je serrai les poings sur mes genoux, tentant de calmer la tempête intérieure qui menaçait de me submerger. La vérité. C'était tout ce que je voulais, mais je savais aussi que la vérité pouvait être douloureuse, brutale.
— L'homme que j'ai laissé au Ghana n'est pas mon époux. Il n'est pas le véritable Martin Asare !
Le silence qui suivit ma déclaration était lourd, presque oppressant. Le lieutenant Farel fronça les sourcils, clairement déconcerté par cette révélation. Son regard se fit plus intense, comme s'il cherchait à comprendre ce que je venais d'insinuer.
— Pas le véritable Martin Asare ? répéta-t-il, incrédule. Qu'est-ce que vous êtes en train de dire, Madame Asare ?
Je pris une profonde inspiration, me préparant à dévoiler ce que je savais.