30 jours pour survivre

J-6

Pdv Djilsi:

C'était son anniversaire.

C'est en parti pourquoi on avait organisé cette sortie entre pote, pour passer du temps ensemble bien sûr, mais aussi pour son anniversaire. On allait rouler jusqu'en Normandie, là où habitait un de nos amis commun. On voulait installer nos tentes sur sa propriété, mais passer presque tout notre temps au bord de la mer, sur la plage Omaha, tout près de notre lieu de campement.

Et j'étais celui qui avait organisé cette sortie, une semaine plus tôt. J'avais passé tellement de temps à tout préparer, dans les moindres détails, du lieu où on allait dormir jusqu'à la couleur des papiers cadeaux. Quelle blague.. L'idée d'avoir tout donné, avec tant de hâte et de joie, pour faire une surprise à l'homme qui m'avait brisé le cœur le jour d'après me donnait maintenant envie de vomir.

J'avais même hésité à ne pas venir. Mais Nicolas m'ayant forcé, j'avais pas vraiment eu le choix. On était parti tôt ce matin, il fallait environ 3 bonnes heures pour y arriver en partant de Paris.

On a pratiquement pas parlé du trajet, Nicolas avait du deviner que j'avais pas la tête à ça. Il avait dormi tout le long, tandis que je conduisais. Il essayait toujours de comprendre, ça lui paraissait insensé. Pourquoi Maxime, un gars gentil qui avait les étoiles dans les yeux à chaque fois qu'il me regardait m'aurait-il trompé? Il ne trouvait pas d'explications.

Mais moi non. J'avais arrêté d'essayer de comprendre. J'avais juste mal, et c'était suffisamment douloureux pour que je continue d'y penser. Et pourtant j'y pensais continuellement. Chaque heures, chaque minutes, chaque secondes qui passaient je pensais à ça, je pensais à lui.

Et ça me retournait le ventre, me plantait des aiguilles dans le cœur. Un mélange de haine et de tristesse, mais au fond, surtout de déception.

Depuis toujours, j'étais terrifié par l'abandon. Chaque rencontre que je faisais, je m'y accrochais comme à une bouée de sauvetage, jusqu'à ce qu'on la perce et qu'on me laisse couler.

J'aimerais tellement venir en arrière. Revenir à mon enfance insouciante, sans peur, parsemée de magie et de rêves. Jusqu'à mon 10ème anniversaire, où je n'avais pas soufflé mes bougies. Où au lieu du sourire rassurant de ma mère, j'avais eu le droit à ses larmes. Où elle s'était accroupi près de moi, tentant de m'expliquer que mon papa ne sera pas présent aujourd'hui, et qu'il ne le sera plus jamais, car il s'était fait renverser par un vieux chauffeur de poids lourds qui s'était endormi au volant. Ce jour où, au lieu de recevoir des fleurs, c'était moi qui avait du en déposer sur une tombe. Il avait promis. Il avait promis d'être là, de prendre un jour de congé pour venir à mon anniversaire. Mon moi de 10 ans avait passé la journée entière à espérer le voir franchir la porte de me chambre, me disant que tout ça n'était qu'une blague et que tout irai bien. Mais il n'était pas venu. Il n'est jamais revenu.

C'est depuis ce jour que j'ai cette boule au ventre à chaque fois que je rencontre quelqu'un, de peur qu'il ne me laisse aussi.

Et à chaque fois c'est la même chose. Ils promettent, mais finissent toujours par partir. Lui aussi m'avait promis, de toujours être là, de ne pas m'abandonner comme les autres. Mais il avait menti, comme les autres, brisant mon cœur une nouvelle fois. Mon tatouage me brulait le poignet à chaque regard.

A chaque fois, je me disais que mon cœur était définitivement brisé, que cette fois il n'y avait plus rien à casser. Mais à chaque fois il parvient à se broyer un peu plus. Je commençais presque à m'habituer à cette sensation. Celle de sentir mon souffle se couper, comme si mes poumons refusaient de prendre de l'air, celle de sentir mon cœur s'arrêter de battre pendant quelques secondes, me donnant l'impression qu'il ne battra plus jamais, celle de sentir les larmes couler, franchissant les barrières que je tentais de construire, en vain.