Chapitre 1- Imany

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8 ans auparavant

Je boucle ma valise et la traîne jusque dans le hall. L'appartement est d'un calme presque oppressant. Mon père est absent, comme d'habitude. Je lève les yeux, espérant le croiser une dernière fois, mais je sais qu'il est déjà parti. Un léger silence flotte dans l'air, seulement troublé par le bruit de mes pas sur le parquet. Je me dirige vers la cuisine, me rappelant qu'il m'avait dit qu'il me laisserait un mot. Et en effet, un post-it jaune vif est collé sur la porte du frigo. Je l'arrache d'un geste rapide, puis me sers un verre de jus d'orange, espérant que cela chassera la sensation de vide qui me serre la poitrine.

"Coucou ma puce, 
Je suis parti en voyage d'affaires pour une longue durée. Je ne sais pas quand est-ce que je rentrerai en France, donc j'ai prévenu ta tante. Tu resteras là-bas le temps que mon voyage dure. Au passage, prends plus d'affaires, te connaissant, tu as dû prendre des vêtements pour deux semaines seulement. J'ai réglé les mensualités du paiement de l'appartement pour cinq mois donc pas besoin de t'en occuper. 
PS : Je te ferai un virement pour tes loisirs une fois par mois. Et trouve-toi un job !!"

Je repose le mot, un mélange de colère et de résignation me traversant. C'est tellement typique de lui. Toujours sur la route, toujours à fuir, comme s'il n'était pas capable de rester en place ou d'assumer ses responsabilités. J'avale une gorgée de jus, l'acidité me réveillant légèrement. C'est comme si, à chaque fois qu'il partait, je devais réapprendre à me débrouiller seule. Cette fois-ci, il s'assure que je ne sois même pas dans notre appartement, mais chez ma tante. Six mois loin de chez moi... Comme si je n'étais pas déjà assez perdue.

Je prends une profonde inspiration, ravalant l'amertume qui monte en moi. Je ne peux pas laisser ça m'atteindre, pas encore une fois. Je retourne dans ma chambre et prends une autre valise, me rappelant que, comme d'habitude, j'ai été trop optimiste sur la durée de mon séjour. Mon père me connaît trop bien. J'ajoute des vêtements, quelques carnets de croquis, et surtout ma machine à coudre. C'est un peu mon refuge. Dans les moments où je me sens dépassée, je me plonge dans mes créations, et c'est comme si le monde autour de moi cessait d'exister.

Je boucle la valise avec un claquement sec et la hisse en bas, avec une légère grimace. Descendre tout ça, ça va me prendre un moment. Une fois les valises et ma machine à coudre dans le hall, je prends un sac fourre-tout dans lequel je glisse mes essentiels : quelques livres, mon porte-monnaie, mon chargeur, mon ordinateur portable, et une banane pour la route. Ce petit sac, c'est comme une extension de moi. Il contient tout ce dont j'ai besoin pour survivre aux longues heures de solitude qui m'attendent.

Je ferme la porte de l'appartement à clé, une étrange mélancolie m'envahissant. Chaque fois que je quitte cet endroit, c'est comme si je laissais une partie de moi-même derrière. Pourtant, ce lieu n'a jamais vraiment été chez moi. Trop de souvenirs éparpillés, trop de silences non résolus. Je prends une dernière inspiration et monte dans ma voiture, réglant le GPS pour me rendre chez ma tante. Quatre heures et demie de route, ce n'est pas grand-chose. Du moins, c'est ce que je me dis pour me convaincre que ce changement ne va pas bouleverser toute ma vie.

**sur la route**

Deux heures plus tard, je commence à ressentir la fatigue. Mes jambes sont engourdies, mes yeux piquent légèrement à force de fixer la route qui défile sans fin. La monotonie du trajet me pèse, et mes pensées dérivent malgré moi. Je pense à mon père, à ses voyages constants, à cette distance qu'il a toujours mise entre nous. Je me demande parfois si cette distance n'était pas volontaire, s'il n'a pas choisi de se tenir à l'écart pour éviter d'affronter ce qu'il ne voulait pas voir.

L'ÉCLAT DU PASSÉOù les histoires vivent. Découvrez maintenant