Althaïr ( VF )

Chapitre 15

À cet instant, alors que ces mots auraient dû éveiller en elle un certain plaisir, tout s'effondra. Son attirance pour lui, fragile, disparut d'un coup. Aline avait espéré, peut-être naïvement, qu'il meure sans jamais exprimer ce qu'il ressentait. Elle avait cru qu'il était différent, qu'il possédait une certaine noblesse, une fidélité farouche à son dieu, une dignité qu'elle n'avait encore jamais vue, et finalement, c'est ce qui l'avait tant attirée. Mais à cet instant, elle ne voyait plus qu'un homme ordinaire.

À cet instant, le visage d'Althaïr, autrefois fascinant, se transforma en une caricature grotesque, tout ce qu'elle avait admiré en silence devint soudain insupportable. Un instant auparavant, elle l'avait désiré, maintenant elle le méprisait. La vitesse avec laquelle son esprit avait basculé la laissait étourdie, mais elle n'avait plus aucun contrôle.

Comment avait-elle pu s'imaginer qu'il était différent ? Althaïr n'était pas ce qu'elle s'était construit dans sa tête, un homme mystérieux, fort et dévoué. Il n'était qu'un autre homme soumis aux mêmes vices que les autres. Elle le voyait maintenant comme un prédateur. Un danger. S'il exprimait du désir pour elle, que pourrait-elle faire ? Althaïr, avec sa carrure imposante, ses muscles, sa force brute évidente, aurait un contrôle total sur la situation. Il pourrait aisément faire ce qu'il voulait d'elle, et cette idée la terrifiait plus que tout. Si cela arrivait, elle n'aurait pas les moyens de se défendre.

Aline se sentit minuscule, vulnérable, et elle maudissait cette sensation. Elle, qui avait appris à se protéger, à se battre contre le monde, se retrouvait maintenant face à quelqu'un contre qui elle ne pourrait jamais rivaliser. Son cœur battait plus vite, non plus à cause de l'attirance qu'elle avait cru ressentir pour lui, mais à cause de la menace qu'il représentait. Il était trop puissant. Et ce pouvoir qu'il avait sur elle, même tacitement, était devenu insupportable.

Et si elle disait non ? Il pourrait le prendre mal et la délaisser, mais il pourrait aussi la forcer. Dans les deux cas l'issue était terrible. Ne sachant plus que faire pour maîtriser la situation, incappable de répondre quoi que ce soit, Aline fut envahie par une envie viscérale de fuir. Sans réfléchir, elle tendit la main vers le verrou et, dans un geste impulsif, le déverrouilla d'un coup sec. La porte s'ouvrit brutalement derrière elle. Althaïr, qui s'était appuyé contre, manqua de perdre l'équilibre. Son corps bascula en avant. Aline fit un pas rapide hors de la pièce. Elle savait ce qu'elle faisait : quitter la cachette, c'était s'exposer. Mais quitte à tomber nez à nez avec les policiers, quitte à se faire repérer, en cet instant, ça lui semblait mieux que de rester enfermée ici, coincée avec lui. Sa silhouette se faufila hors des toilettes avant qu'Althaïr ne puisse réagir.

Le souffle court, il se redressa rapidement, son visage se durcissant alors qu'il jetait un coup d'œil rapide à la scène. Aline venait de fuir. Son cerveau peina à comprendre pourquoi. Pourquoi cette réaction soudaine ? Il avait pensé que tout se passait bien, qu'elle comprenait les risques, qu'elle lui faisait confiance. Il se redressa, la mâchoire serrée. Elle avançait trop vite pour que ce soit normal. Quelque chose clochait. Elle fuyait. Aline avait toujours été imprévisible, mais cette fuite brutale éveillait en lui une frustration sourde. Il se rendit compte qu'elle l'avait perçu comme une menace, et cette idée lui fit plus mal qu'il ne voulait l'admettre.

Pourquoi ?

Le regard d'Aline avait viré de l'attirance à l'effroi. Et maintenant, elle prenait le risque insensé de se jeter dans les bras de la police. Althaïr pivota lentement sur ses talons, jetant un regard circulaire autour de lui. Les hommes en uniforme n'avaient pas encore réagi. Ses yeux glacés suivaient chaque mouvement d'Aline. Il ne pouvait pas la laisser partir comme ça. Pas sans comprendre. Aline ne regardait pas derrière elle. Elle ne l'attendait pas. Elle passa devant les policiers comme si de rien n'était.