La Nuit des Déceptions

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- Comment as-tu pu me faire ça ?! Je croyais qu'il y avait quelque chose entre nous...

- Mon chou, ne t'emporte pas comme ça.

- Je devrais réagir autrement ?! Cela fait moins d'un mois qu'il y a... nous ! Et tu jettes déjà tout en l'air ?

- Tu prends tout trop au sérieux.

- Bien sûr ! Après tout ce qu'il s'est passé là-bas, tout ce qu'on s'est dit... Excuse-moi d'avoir voulu que cela dure...

- Ne prends pas cette tête-là : elle me fera toujours fondre.

- Arrête de jouer avec mes sentiments ! Je ne supporte plus tes élans contradictoires, c'est impossible de te comprendre.

- Mais non Emilie chou. Avec quelques tours, on peut me lire très facilement. Et c'est pour ça que tu m'aimes, n'est-ce pas ?

- Non. Non ! Tu l'as dit toi-même : ça ne marche pas comme ça. Puisque tu refuses d'avoir des regrets, alors je crains vraiment ce dont tu es capable si nous continuons.

- Tu sais très bien de quoi je suis capable. Allez, viens donc te coucher, les autres ne devraient plus tarder. Il fait bien chaud sous la couette.

- Hors de question de dormir dans la même pièce que toi.

- Et où iras-tu donc ? Les garçons sont gentils, mais tu sais bien que Georges ira te rapporter si tu essaies de dormir dans leur dortoir.

- Je n'ai pas besoin d'eux. Je trouverai un endroit.

- Quelle abnégation. Si jamais tu as froid, tu sais où me trouver.

- Je te hais.

Emilie claqua violemment derrière elle, alors que son ancienne amie la narguait depuis le lit double qu'elles partageaient autrefois. Il ne s'agissait pas en réalité d'un lit pour deux personnes, l'école de Magie ne possédant que de couches simples, mais plutôt d'un arrangement entre leur deux lits. Ainsi, elles pouvaient passer leur nuit ensemble, l'une contre l'autre, en ne se souciant que du battement de leur cœur. Mais cette idylle, tout autant savoureuse qu'elle fut, n'était qu'un lointain souvenir. Un souvenir qu'Emilie, en larmes, souhaitait à tout prix effacer de sa mémoire, pour ne plus jamais souffrir en se remémorant du visage de celle qu'elle aimait. Déambulant d'un pas frénétique, l'étudiante quitta le bâtiment, plongeant ses bottes de civile dans les flaques boueuses, reflétant un ciel nocturne aux étoiles tristement dissimulées derrière des nuages épais. Emilie était sur le point de traverser le portail encore ouvert exceptionnellement cette nuit. Si on ne les avait pas laissés sortir, tout irait encore pour le mieux. Mais au lieu de ça, il a fallu qu'elle assiste à...

- Eh ma p'tite dame ! Où que tu te rends ?

C'était Tim, le garde en poste ce soir. Son service ne s'étendait jamais à la nuit, mais étant donné l'occasion exceptionnelle, il s'était porté volontaire pour veiller jusqu'au retour de tous les élèves. Emilie n'aurait pas été étonnée d'apprendre qu'il l'ait fait sans obtenir la moindre augmentation de sa solde. Ses épais sourcils roux dépassaient largement de son casque beaucoup trop grand pour sa tête chauve, et l'obscurité cruelle rendait la lecture de ses yeux absolument impossible. On ne pouvait presque pas voir sa bouche articuler, mais sa moustache frétillante, et qui faisait sa fierté, indiquait grossièrement les mouvements entraînés par ses paroles. C'était sans doute la personne la plus simple qu'Emilie n'ait jamais rencontrée. Et c'était pourquoi tout le monde à l'école l'adorait.

- Je pars rejoindre les autres Tim, ne t'inquiète pas.

- Ne me raconte pas des boniments ! Tu ne partiras pas d'ici...

La Nuit des DéceptionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant