Ma sélection faite, je m'occupe de changer les vinyles du jukebox. Les clients apprécient de connaître des groupes peu connus qui ont façonné ou qui ont donné une note unique au jazz de la Nouvelle-Orléans.
― Et voici le Nouna !
Je me retourne et découvre ma mère devant l'entrée, le regard perdu dans la contemplation de la salle.
― T'es venue ! me réjouis-je.
― Tu en doutais ? m'interroge-t-elle comme si ça la surprenait.
Un peu, oui. Plus rien d'autre ne comptait que son inquiétude pour Ty et Kris, ainsi que sa désapprobation sur ma personne. Je la rejoins et la prends dans mes bras, heureux de la voir enfin ici.
― Bienvenue au Nouna, éludé-je.
Pas dupe, elle me caresse la joue en souriant, puis marche jusqu'au milieu de la pièce pour jeter un regard circulaire tout autour d'elle. Ses yeux s'attardent sur la trompette de sa mère que j'ai exposée sur un mur, entouré de ses 45 tours. Dans l'intimité, Nouna jouait à merveille de la trompette en l'honneur de son défunt mari, lui-même trompettiste. Un grand-père que j'ai connu jusqu'à l'âge de mes quatre ans, avant qu'il soit emporté par le cancer.
― Je n'aurais manqué cela pour rien au monde.
L'émotion la gagne, je l'entends à sa voix. Une oeillade à chacun des portraits de Nouna exposés dans la salle à l'impressionnante collection de vinyles que j'ai exposée sur un plan de mur, près du jukebox. Tout ce que j'ai reçu en héritage fait partie intégrante du décor.
― C'est un magnifique hommage que tu lui fais. Elle aurait beaucoup aimé.
― Elle n'est pas qu'un simple souvenir. Je veux qu'elle continue d'exister à travers ce lieu. À travers moi.
Elle opine d'un signe de tête, les larmes lui brouillant la vue.
― Weston, mon coeur. Tu es l'homme le plus sensible que je connaisse.
― Papa n'est pas mal dans son genre.
― C'est vrai, glousse-t-elle. Tous les deux, vous avez le don de rendre l'impossible possible.
Je la dévisage, étonné par sa révélation, puis lui rends son sourire. Je savoure cette reconnaissance.
― Merci. Mais si tu avais besoin d'un câlin, tu pouvais juste me le demander.
Elle pouffe et s'engouffre dans mes bras grands ouverts.
― Tu as changé. Tu n'es plus ce doux rêveur.
Je lève les yeux en l'air, étouffant mon soupir. Mes parents ont consacré leur vie et leur énergie à la pêche pour se faire un nom dans la restauration de la Nouvelle-Orléans. Mon frère, Liam, a suivi leurs traces. Avec son associé, Mason, qu'il connaît depuis la fac, ils ont ouvert un restaurant qui a la cote maintenant. Ils servent les produits de la pêche de notre père ; quant à moi, j'ai toujours préféré profiter de toutes les opportunités du moment, sans établir de plan sur la comète. Jusqu'à maintenant, ça m'a plutôt bien réussi.
― Tu veux boire quelque chose ?
― Un café, merci.
Le temps que je le lui prépare, elle se concentre, le sourire aux lèvres, sur chaque vinyle accroché au mur et se perd dans ses souvenirs. Je m'apprête à lui demander de me partager une anecdote quand mon regard est attiré par une valise, posée au coin de l'entrée.
La surprise passée, je m'empare de la tasse et la rejoins. Maman a sélectionné "My Josephine" de Preservation Hall Jazz Band. Elle ferme les yeux et berce son corps au rythme de la trompette et du saxophone. Je dépose la tasse sur la table et m'assieds, profitant de ce moment d'intimité qu'elle m'offre. Elle finit par s'asseoir en face de moi et me confie :
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La mélodie du bonheur
Romance!! Un spin-off de Succomber malgré moi !! Si vous ne l'avez pas lu, aucun souci, l'histoire se lit indépendamment de ma précédente histoire. Abby, une jeune femme célibataire, est sur le point d'accoucher, mais elle ignore ses propres contractions p...