Tout s'est passé si vite, je ne comprends toujours pas. Ce n'est pas douloureux, cela ne procure aucune souffrance. Je savais exactement ce qui venait de se produire, pourtant, je demeure incapable de l'expliquer. Mes idées sur ce monde nouveau étaient maladroites, il ne correspond en rien aux esquisses que j'avais forgées. L'atmosphère est indéfinie, floue. Tout est terminé.
Je me tenais debout, immobile, au coin de la pièce, près de l'entrée, les bras croisés derrière moi. Je n'éprouvais nul besoin d'arrêter ces silhouettes qui se succédaient, se précipitant autour de mon ancien corps, étendu sur le lit. Ils allaient et venaient, inconscients de ma présence persistante. J'ai vu tante Diane me frôler sans m'adresser un regard, sans un sourire. Un vide émotionnel m'habitait, comme si tout cela n'était qu'une scène de théâtre dont j'étais l'unique spectateur. Il m'est difficile d'expliquer qu'en dépit de tout, rien n'a vraiment changé : mes sens sont demeurés aussi aiguisés que jamais. La seule différence, c'est leur incapacité à percevoir ma présence. Pourtant, il paraît que certaines personnes sont capables de ressentir la présence des "endormis", du moins selon les récits que j'ai pu entendre.
Bientôt, la salle se vida. Le docteur recouvrit délicatement mon corps d'un linge blanc, propre, puis quitta la pièce à son tour. Le silence régna alors. Je pouvais entendre mon cœur battre, étrangement. Je me demandais : "Est-ce cela, la mort ? La vie après la mort n'a-t-elle donc rien de si extraordinaire ?". Je m'approchai de mon ancien corps. Il paraissait triste, figé dans une expression d'abandon, les yeux clos, totalement absorbé par l'inconscience.
Nous étions le lundi 23 décembre 2022.
La montre murale indiquait 18h35. À travers les rideaux entrouverts, on devinait une agitation vive dans les rues de Lomé, comme un tableau flou d'une frénésie urbaine.
Je commençais à m'ennuyer. Il n'y avait plus personne à qui parler, personne pour partager mes pensées. Je fixai mon ancien corps une dernière fois, comme on regarde un souvenir qui s'éloigne, puis je traversai la porte, sans l'ouvrir. Dans le couloir sombre, des bancs d'attente vides s'alignaient, désertés. Au bout du corridor se trouvait la porte qui menait au balcon. Là, je m'arrêtai un instant pour contempler la nature, redécouvrant avec étonnement sa beauté saisissante. Tout semblait neuf, plus intense, comme si mes yeux voyaient enfin pour la première fois.
Peu après, je quittai l'hôpital, un lieu qui me paraissait désormais sans importance. Je marchais le long de la route, enveloppé par l'ambiance nocturne, mais sans vraiment prêter attention. Je n'avais plus rien à craindre. Où allais-je ? Partout où ma curiosité me mènerait. Cela faisait presque quatre heures que je n'avais pas prononcé un mot. Je tentai de parler, simplement pour voir si j'en étais encore capable. Quel soulagement de sentir les premières syllabes franchir mes lèvres !
Mais quelque chose d'étrange se produisait. La circulation ralentissait, la nuit semblait s'éclaircir peu à peu, comme si la fraîcheur s'évaporait doucement. Pris d'un soudain besoin de connaître l'heure, je réalisai que je n'avais pas de montre. Je me demandais si les lois du temps avaient été altérées pendant mon absence. Autour de moi, tout paraissait normal, les gens vaquaient à leurs occupations, inconscients de ma présence. Personne ne me voyait, cela ne faisait aucun doute.
Poussé par ma curiosité, je me rendis dans une boutique de montres murales. Mon seul but était de vérifier l'heure. Étrangement, les deux premières montres à l'entrée indiquaient des heures différentes. Je poursuivis mon exploration parmi les autres montres et me rendis compte que les deux premières n'étaient pas déréglées : elles étaient exactes. Il était 16h12.
Un instant, je remis en question ma capacité à comprendre le temps. Je me souvenais pourtant clairement avoir vu 18h35 à l'hôpital. Comment était-ce possible ?
Peu à peu, la vérité s'imposa à moi : le temps régressait. J'étais curieux de découvrir jusqu'où cela me mènerait.
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UNE EIV
Mystery / ThrillerUne EIV est une œuvre singulière qui interroge la nature du temps et de l'existence à travers un prisme inusité. L'âme d'une femme récemment décédée devient spectatrice de l'au-delà, mais découvre avec stupéfaction que le temps ne suit plus son cour...