[Temps de lecture estimé : 10 minutes]
Aujourd'hui est un jour comme les autres. Et pourtant...
Seule dans ma chambre, mon regard perdu dans le vide, une musique mélancolique me berce et mes pensées vagabondent.
Je lève une main vers le ciel. Faiblement éclairée par la seule lueur de l'écran du réveil, j'observe ma main bouger au ralenti au-dessus de mon visage. Je la regarde comme si elle n'était pas mienne. Ou comme si une autre main, invisible, venait la frôler, la caresser.
Ma main tendue dans la pénombre, comme un appel à l'aide adressé à une force mystérieuse.
Je ressens une légère chaleur et quelques picotements en sentant cette main qui frôle la mienne, juste du bout des doigts. Une main étrangère et familière à la fois.
Mes yeux se ferment et ma respiration ralentit doucement. Je sens la fraîcheur de l'air qui entre par mes narines. Tout mon buste se soulève lentement. Je retiens ma respiration juste une seconde, avant de laisser ressortir l'air devenu chaud.
Ma main toujours vers le ciel, mes yeux clos, je sens les doigts qui s'entrelacent avec les miens, avec une extrême douceur et lenteur. Nos doigts se frôlent encore et encore, comme une danse. Je profite quelques instants de ce moment, avant de laisser mon bras retomber, toujours dans un mouvement volontairement lent et maîtrisé.
Les yeux encore fermés, je me concentre à nouveau sur ma respiration. L'air chaud que j'expire me donne l'impression de sentir la main se rapprocher de mon visage.
Du revers, elle effleure à peine mes lèvres puis caresse ma joue. Mon coeur s'accélère à ce nouveau contact, pourtant imaginaire. La main invisible continue de frôler mon visage et descend dans mon cou.
Mon pouls s'accélère de plus belle. Cet afflux de sang réchauffe progressivement mon corps tout entier, me donnant l'impression que la main a désormais un corps. Un corps tout entier, tout proche, dont la chaleur irradie le mien.
Sans jamais ouvrir les yeux et la musique me berçant toujours, mon esprit donne petit à petit forme à la personne à mes côtés. Son corps allongé sur le côté, pour me faire face. Un bras plié sur le lit, pour soutenir sa tête. L'autre bras nonchalamment posé le long de son corps. Son visage est un mélange des personnes que j'ai aimées. Ses yeux, sombres dans l'obscurité de la pièce, brillent toutefois d'une douceur bienveillante en me regardant.
Je prends quelques minutes, le temps nécessaire, pour donner davantage vie à cette personne, visualisant de mieux en mieux chaque détail de sa posture, de sa tenue, de son corps, de ses cheveux, de son visage. Naturellement, spontanément, il prend doucement l'apparence de celui qui hante mes rêves. Mais cette fois je suis bien éveillée et maîtresse de la situation.
Mon visage se détend alors que je le vois sourire. Ce sourire qui creuse ses joues, remonte ses pommettes et fait briller ses yeux. Ce sourire si caractéristique, qui emplit mon cœur d'une douce chaleur.
Je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour, me remerciant intérieurement d'avoir su le matérialiser à mes côtés. Ou presque.
J'ai passé ces derniers jours à relire mes histoires et en écrire de nouvelles. Et cela m'a ouvert les yeux sur ce que mon cœur recherche. Mais, aujourd'hui, c'est avec les yeux fermés que j'espère y arriver.
Son visage est devenu plus sérieux. Son regard intrigué me laisse comprendre qu'il se demande où j'étais "partie" avec cette parenthèse dans mes pensées. Je laisse échapper un léger rire gêné et lui sourit pour le rassurer. Il sourit à son tour, dans un doux soupir de soulagement et retrouve une expression neutre, mais apaisée.
Je me perds dans ses yeux sombres quelques instants de plus, m'amusant de retrouver cette petite tache dans l'œil qui le rend unique. J'observe ensuite son visage, centimètre par centimètre, m'assurant de n'avoir omis aucun détail pour le modéliser le plus fidélement possible. Je remarque combien son visage a changé au fil des années, devenant un peu plus marqué, lui donnant davantage de caractère. Ma reproduction semble parfaitement fidèle à la réalité actuelle.
Je relève lentement mon bras, approchant ma main de son visage. D'un geste extrêmement lent, je fais glisser une de ses mèches de cheveux entre mes doigts et la repousse délicatement derrière son oreille, pour dégager son visage. Je caresse sa joue du revers de la main. Sa peau est douce et chaude. Je repense à ses petites joues arrondies, la première fois que je l'ai vu. Mais il est bien différent aujourd'hui.
Ma main hésite un instant en approchant ses lèvres. Elles aussi je les connais par coeur. Je pose délicatement la paume de ma main sur sa joue, il ferme les yeux, et je frôle sa lèvres du bas avec mon pouce. Malgré moi, je sens mon coeur s'accélérer à ce simple contact.
Oserai-je aller plus loin ? En suis-je seulement capable, sans que l'illusion ne se brise ?
Sans relâcher sa joue, j'approche mon visage du sien, le coeur battant si fort que c'en est presque douloureux. Plus je m'approche, plus je sens la chaleur qui émane de son visage. Sans plus d'hésitation, je me risque à poser mes lèvres sur les siennes. Nos lèvres se rencontrent et se répondent dans un baiser d'une infinie douceur.
Sa main vient se glisser dans mes cheveux, à l'arrière de ma tête, me retenant dans ce tendre instant. Je continue de caresser son visage, sans relâcher ses lèvres. Je veux profiter de chaque seconde, de chaque sensation, et les graver en moi. Peu m'importe que ce soit réel ou non. Mes émotions, elles, le sont.
Ce baiser se prolonge, comme un moment suspendu. Doux et si agréable, sans jamais essayer d'être plus. Il est le témoin de tout l'amour et de tout le respect que je lui porte. Mais aussi d'un manque de tendresse, profondément ancré en moi, qui me pèse chaque jour.
Je finis par détacher mes lèvres des siennes, mais sans relâcher sa joue. Je garde les yeux fermés, juste un instant de plus. Puis les rouvre pour me retrouver à nouveau plonger dans son regard bienveillant. Un doux sourire discret se dessine sur ses lèvres, apaisant mon cœur.
Je me retourne sur le lit et viens me blottir contre lui, sentant la chaleur de son corps dans mon dos et son souffle chaud dans ma nuque. Il passe ses bras autour de moi et pose son visage dans le creux de mon cou, m'enveloppant dans une étreinte douce et chaleureuse.
Mes yeux se ferment à nouveau. Du bout des doigts, il caresse mon bras, dans un geste qui se veut tendre et réconfortant. Mon corps frissonne légèrement à ce contact, puis se détend peu à peu, totalement. Une larme perle au coin de mon oeil fermé, puis roule doucement sur ma joue.
La musique se fait plus silencieuse petit à petit, jusqu'à s'arrêter complètement. Dans ce silence pesant, le corps contre le mien disparaît progressivement et sa chaleur s'évanouit avec. En seulement quelques secondes, il m'échappe et je me retrouve à nouveau seule, dans ce lit froid.
Je me recroqueville en position foetale, dans un dernier recours, comme pour m'étreindre moi-même. Je sens un énorme vide, glacial, dans mon cœur, à l'endroit même où une chaleur intense rayonnait seulement quelques instants plus tôt.
Mais, le plus triste dans cette histoire, c'est que je ne suis pas vraiment seule dans ce lit qui est le mien. Alors pourquoi un vide si grand dans mon cœur ? Pourquoi une telle distance entre nous ? Depuis quand est-elle présente ? Ou a-t-elle toujours été là ?
Que me manque-t-il aujourd'hui, mais que j'avais avant ?
Je ne peux que me raccrocher à mes rêves, qu'ils soient endormis ou éveillés, pour trouver un peu de réconfort et la tendresse recherchée.
C'est pourquoi, quelques années après la première occurrence, je tiens à te remercier à nouveau d'être celui qui occupe mes rêves et pensées depuis tout ce temps. Ce texte ne t'est pas vraiment destiné, puisque tu ne le liras jamais. Mais j'espère que mes pensées de gratitude sauront t'atteindre d'une façon ou d'une autre, de la même manière que ta main à su atteindre la mienne dans ce moment magique.
今もこれからも、あなたを愛しています。