Chapitre 7: Revêtement d'esprit

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Le souvenir qui s’offrait à moi maintenant m’entraînait loin des rivages familiers de Lomé, au-delà des horizons que j’avais toujours connus. Dans ce fragment du passé, je me retrouvais dans un pays étranger, une contrée où la langue, la culture, et même l’air semblaient exotiques, mystérieux. Loin de mon Togo natal, je me revis traversant de nouvelles frontières, à la recherche de réponses, de guérison, ou peut-être simplement d’évasion.

C’était une période de ma vie où j’avais besoin de partir, de me distancer des blessures laissées par Koffi et la trahison. Les mois qui avaient suivi ma rupture avaient été un mélange de rétablissement fragile et de tentatives désespérées de redécouvrir qui j’étais. C’est Thomas, mon ami de longue date, qui m’avait encouragée à prendre du recul, à voyager, à voir au-delà de ce que je connaissais.

Thomas était une âme particulière, et notre amitié remontait à des années. Même après que nous ayons pris des chemins différents dans nos vies, lui devenant un médecin respecté à Lomé et moi poursuivant mes études, nous étions restés proches. Il avait une sagesse tranquille, une manière de poser les mots avec justesse, qui apaisait mon esprit tourmenté. Et c’est ainsi qu’un jour, alors que nous partagions un café sous les flamboyants de notre quartier, il me suggéra un voyage.

« Tu as besoin de voir autre chose, de changer d’air, » dit-il. Ses yeux étaient emplis de cette bienveillance que je lui connaissais, cette capacité à sentir mes tourments avant même que je les exprime. « Pars. Même pour quelques mois. Il te faut de l’espace. Je connais des gens en Côte d’Ivoire, à Abidjan. Ce sera une expérience. »

Je me souviens de mon arrivée à Abidjan comme si c’était hier. La chaleur moite de la ville m’enveloppait, mais elle était différente de celle de Lomé ; ici, tout semblait plus rapide, plus grand, plus bouillonnant. Les rues étaient bondées de voitures, les klaxons retentissaient sans cesse, et les marchés débordaient de vie.

Abidjan, la perle des lagunes, était tout ce que je n’avais jamais imaginé. C’était une ville où modernité et tradition se mêlaient sans effort. Les gratte-ciels s’élevaient fièrement aux côtés des quartiers plus modestes, et les larges avenues étaient animées jour et nuit. Il y avait quelque chose d'électrique dans l'air, une énergie qui semblait me propulser hors de ma torpeur.

Je fus accueillie par Cécile, une amie de Thomas, qui m’avait généreusement ouvert sa porte. Cécile, une femme dans la trentaine, élégante et dynamique, était une journaliste respectée dans la capitale ivoirienne. Elle vivait dans un appartement spacieux dans le quartier de Cocody, à quelques pas de la lagune Ébrié. Sa maison offrait une vue imprenable sur les eaux tranquilles, et dès mon arrivée, je sentis que cet endroit allait me permettre de m’échapper, ne serait-ce que temporairement, de la réalité que j’avais laissée derrière moi.

« Bienvenue chez moi, » dit-elle avec un sourire chaleureux. Sa présence dégageait une assurance apaisante. « Tu peux rester aussi longtemps que tu veux. Thomas m’a parlé de toi. »

Les premiers jours à Abidjan furent comme une bouffée d’air frais. Je me promenais souvent seule dans les quartiers animés, absorbant les couleurs, les sons et les odeurs de cette ville vibrante. Le marché de Treichville me fascinait particulièrement : les étals débordant de fruits exotiques, les épices parfumées emplissant l’air, et les voix des commerçants se mêlant aux rires des enfants.

Je me laissais porter par cette nouvelle atmosphère, loin des souvenirs douloureux de Lomé. Pour la première fois depuis des mois, je me sentais légère, presque insouciante. Chaque coin de rue me semblait une nouvelle aventure, chaque visage étranger une histoire à découvrir.

Cécile, bien qu’occupée par son travail, m’intégra rapidement à son cercle d’amis. Les soirées à Abidjan étaient une expérience en soi, entre discussions passionnées et rythmes envoûtants de la musique locale. Je rencontrai des artistes, des entrepreneurs, des étudiants, tous animés par une passion commune pour leur ville et leur culture. Ces échanges m’ouvraient les yeux sur une réalité plus vaste, sur des perspectives que je n’avais jamais envisagées en grandissant à Lomé.

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