Chapitre 61

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Les sirènes résonnaient de plus en plus fort, et la panique monta à nouveau en moi. Le bruit des secours qui approchaient semblait marquer un point de non-retour. Je regardai ma sœur. Elle était toujours figée, le visage livide, incapable de cacher la peur qui montait en elle.

__ Reste calme,  murmurai-je en essayant de me convaincre autant que de la rassurer. __ On doit paraître choquées, mais pas coupables. On est arrivées en même temps et on a trouvé Vincent comme ça.

Elle hocha à peine la tête, trop terrifiée pour formuler une réponse. Je pouvais sentir que sa méfiance à mon égard n’avait pas disparu, mais elle savait qu’elle devait jouer le jeu. Nous n'avions plus d'autre choix.

Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit brusquement. Les ambulanciers entrèrent, suivis de deux policiers. Tout se passa très vite. Ils se précipitèrent vers Vincent, mais dès qu'ils virent son état, il était clair qu'il était trop tard. Je fis de mon mieux pour jouer mon rôle, les mains tremblantes et les yeux remplis de fausse terreur.

__  Nous... nous l'avons trouvé comme ça, dis-je d'une voix presque brisée. __On ne savait pas quoi faire.

Les ambulanciers firent quelques tests rapides, puis l’un d'eux se tourna vers nous.

__ Il est mort.

Même si je le savais déjà, l’entendre officiellement prononcé me fit un effet étrange. Comme si le poids de ma culpabilité devenait soudain bien réel. Ma sœur éclata en sanglots, ses mains tremblant violemment. Cela jouait en notre faveur, donnant l’illusion d’une tragédie inattendue.

Les policiers prirent rapidement nos déclarations, mais je sentais qu'ils n'étaient pas entièrement convaincus. L’un d'eux, un homme au regard perçant, me fixa un instant de trop. Mon estomac se noua. Est-ce que j'avais dit quelque chose qui m'avait trahie ?

Après avoir pris des notes, il se tourna vers moi, toujours ce même regard inquisiteur.

__  Vous avez dit que vous l'avez trouvé ensemble ?

Je retins ma respiration.

__ Oui, c’est ça. Nous venions vérifier si tout allait bien.

Il hocha lentement la tête, mais je savais que cette conversation n’était pas terminée.

__ Nous allons prendre en charge le corps et si nous trouvons des failles, nous vous contacterons.

__ D'accord !

Je hochai la tête avec un air docile, essayant de ne pas montrer à quel point je me sentais étouffée par l'angoisse. Tout avait l'air sous contrôle, mais ces mots – « si nous trouvons des failles » – continuaient de résonner dans ma tête. Ils étaient un rappel implacable que le moindre faux pas pourrait tout faire s'effondrer.

Les ambulanciers s’affairaient à déplacer le corps de Vincent avec une efficacité clinique, pendant que les policiers faisaient quelques derniers relevés dans la pièce. Ma sœur, toujours en pleurs, ne parvenait pas à reprendre ses esprits. Son état émotionnel était si chaotique que j’avais peur qu’elle finisse par dire quelque chose d’incriminant sans même s'en rendre compte.

Je m'approchai d'elle doucement, posant une main réconfortante sur son épaule.

__  Ça va aller, murmurai-je, espérant que mes mots soient suffisants pour la calmer. En réalité, je me sentais aussi perdue qu'elle. Tout pouvait basculer à tout moment.

Les minutes passèrent comme des heures. Quand enfin, l’équipe médicale et les policiers quittèrent la villa, le silence qui s’installa fut presque assourdissant. Le calme après la tempête, mais un calme fragile.

Je me tournai vers ma sœur. Ses larmes s’étaient taries, mais son regard était toujours empli de confusion et de peur.

__ Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ?  souffla-t-elle, sa voix brisée par l'épuisement.

Je ne savais pas quoi lui répondre. Tout dépendait de la suite, de ce que la police découvrirait. J'avais beau avoir pensé à chaque détail, il restait toujours cette angoisse sourde que quelque chose m'avait échappé.

__ Pour l’instant, on ne peut que rester discrètes, répondis-je finalement.__On a donné nos déclarations. Il faut rester calmes, ne rien faire qui puisse attirer leur attention.

Elle me regarda longuement, toujours méfiante.

__ Et si… ils découvrent ce que tu as fait ?

Mon cœur se serra à cette question, mais je gardai un visage impassible.

__  Ils ne le découvriront pas. À moins que quelqu'un leur dise quelque chose.  Mes mots étaient un avertissement. Elle comprit, et son regard se durcit.

Le poids de notre secret devenait de plus en plus lourd.

*
*

Deux mois avaient passé, mais le poids de mes actes restait lourd sur mes épaules. Chaque jour était un rappel constant du secret que ma sœur et moi partagions. J’essayais de me concentrer sur la nouvelle vie qui grandissait en moi, mais même cela me semblait teinté d'ombre.

Ma belle-mère, Rita, continuait de m’éviter. Je ne savais pas si elle avait des soupçons ou si elle cherchait simplement à se protéger du scandale que la mort de Vincent aurait pu provoquer. Quoi qu'il en soit, elle restait à l’écart, évitant toute confrontation.

Quant à Martin, le frère jumeau de Vincent, et à mon beau-père, ils avaient disparu sans laisser de traces. J’ignorais s'ils étaient encore en vie ou s'ils avaient eux aussi été victimes de cette spirale tragique qui s'était enclenchée. Le mystère entourant leur absence me hantait parfois, mais je n'avais pas le luxe de chercher des réponses.

Ma sœur, elle, était dans un état presque végétatif. Depuis ce jour, elle était devenue une ombre d'elle-même, vivant dans la terreur constante d’être découverte. Sa culpabilité semblait la ronger à chaque instant, mais elle n'osait rien dire, trop effrayée par les conséquences.

Quant à moi, je faisais de mon mieux pour maintenir les apparences. Chaque sourire, chaque interaction avec le monde extérieur était un mensonge bien calculé. Je n’avais pas le choix. Il fallait que je continue à jouer le rôle de la veuve éplorée, de la future mère qui tentait de reconstruire sa vie après une tragédie.

Mais au fond de moi, je savais que cette façade ne tiendrait pas éternellement. L’enquête sur la mort de Vincent n’était toujours pas close, et bien que les autorités n'aient trouvé aucune preuve directe contre moi, je savais que la moindre erreur pouvait tout faire s'effondrer.

Et puis, il y avait cette voix intérieure qui ne cessait de me rappeler que le temps n’était pas mon allié. Plus les jours passaient, plus je sentais que quelque chose allait finir par éclater. Que ce soit ma sœur qui craque sous la pression, ou un élément de l’enquête qui resurgit, je sentais que cette tranquillité relative ne durerait pas.

POURQUOI J'AI TUÉ MON MARI ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant