Chapitre 12

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"L'heure la plus sombre est celle qui vient juste avant le lever du soleil." Paulo Coelho

Il a choisi Le Café Grumpy pour se voir, et moi, l'heure pour s'y retrouver. J'étais pourtant certaine qu'il ne me recontacterait plus. Que je ne reverrai plus jamais. Pas après l'avoir menacé de tout dévoiler à sa femme sur notre liaison s'il faisait irruption à nouveau dans ma vie. Pas après presque un an, à des milliers de kilomètres de New York. Je m'arrête devant la devanture, incapable d'avancer quand je me remémore son message.

[Il faut que l'on parle.]

Direct.

Impersonnel.

Il sait.

Un élan de stress s'infiltre dans tous les pores de ma peau, accentuant la fraîcheur des températures de ce mois de novembre. Je frissonne et plonge mon nez dans la douceur du tissu de mon écharpe. C'est à ce moment-là que je l'aperçois dans la salle pourtant pleine de monde. Je n'ai pas le temps de m'attarder aux émotions qui me submergent puisque lui aussi m'a remarquée. Il me dévisage d'une expression grave, dénuée de chaleur. J'inspire une grande bouffée d'air frais pour me donner le courage nécessaire de le rejoindre. Chaque pas vers lui ravive ma colère, mon sentiment de trahison. Je garde en tête que je suis venue pour ma fille ; seul son bien-être m'importe. Je le scrute sans faillir tout en m'asseyant en face de lui.

― Abby.

― Grant.

Un seul mot qui gronde tout mon ressenti. Ma rancœur. Je sens pourtant qu'il est important que je garde la maîtrise de moi-même. Je clos un bref instant les paupières en me débarrassant de mon écharpe et de mon manteau que je laisse pendre sur le dossier de la chaise. Je croise les bras et le couve d'un regard peu amène.

― Que puis-je vous servir ? s'enquiert une serveuse.

Je secoue la tête en lui dédiant un semblant de sourire.

― Rien, merci.

Je n'ai pas l'intention de m'éterniser alors autant qu'il le sache. Un rapide coup d'oeil à sa tasse, déjà entamée, m'informe qu'il a pris un Mocha*.

(* À base d'espresso, de lait chaud et de sirop de chocolat.)

Il a toujours été un amateur de chocolat, et plus particulièrement sur mon corps nu. Le coin de ma bouche s'étire de nostalgie au souvenir de nos ébats. Je me sentais si bien avec lui. J'avais la sensation que nous étions connectés.

― Je t'ai aimé.

Les mots sont à peine sortis d'entre mes lèvres que je les regrette aussitôt. Je n'ai pas réfléchi... Décidément, le passé ne me sert pas de leçon. Une lueur de douceur teinte ses iris d'une couleur ambrée qui m'a toujours attirée. Qui m'avait toujours attirée, me corrigé-je. Ce qui décuple mon agacement.

― Tu as été importante pour moi aussi. Si je n'étais pas marié...

― Mais tu l'es, le rabroué-je. Qu'est-ce que tu fais à New York ?

Je me force à décroiser les bras et à poser les mains sur mes genoux.

― Ta boîte a fait de nouveau appel à mes services. Un de vos clients...

― Je m'en tape de la raison ! En tant que consultant, tu pouvais le faire de chez toi.

Et surtout loin d'ici.

― C'était mon intention avant que Max m'apprenne que tu es mère depuis peu.

― Depuis trois mois.

La mélodie du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant