À travers les jours gris

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Je me réveille en sursaut, la respiration haletante. Encore ce cauchemar. Toujours le même, ou presque. Je ne me souviens jamais des détails précis, juste de cette sensation oppressante, comme si une main invisible tentait de m'étouffer. Mon cœur bat à tout rompre, et il me faut quelques minutes pour calmer le tambourinement dans ma poitrine.

Je suis assise dans mon lit, les yeux perdus dans le vide. Ce n'est pas la première fois, loin de là. En fait, ces cauchemars font partie de ma vie depuis... toujours, j'ai l'impression. C'est comme si, à force de les vivre, j'avais appris à les accepter, à les ranger quelque part dans un coin sombre de mon esprit. Ça fait partie de moi, de mon existence. Ils m'accompagnent comme des fantômes, des souvenirs que je n'arrive jamais à fuir. Mais aujourd'hui, quelque chose est différent. Ce cauchemar-là m'a secouée. Peut-être plus que je ne veux l'admettre.

Je regarde l'heure sur mon téléphone : 6h30. L'angoisse se mêle à la fatigue, lourde et pesante, mais je n'ai pas le luxe de rester au lit. Pas quand mes frères se disputent déjà dans la cuisine. Je les entends crier, se chamailler, comme tous les matins.

Keke et Adzin sont comme ça, tout le temps. Des disputes pour des broutilles, des querelles qui me dépassent. Mais aujourd'hui, je ne supporte pas ce vacarme.

« C'est mon tour, t'es qu'un voleur ! » hurle Keke.

« Arrête de faire ton gamin ! Tu l'auras après ! » réplique Adzin avec agacement.

Je ferme les yeux, prenant une grande inspiration. Je n'ai pas l'énergie pour gérer ça. Pas aujourd'hui.

« Ça suffit ! » Ma voix claque, plus sèche que je ne le voulais. Mais je n'arrive pas à m'en empêcher. Le silence tombe aussitôt, mes frères se tournent vers moi, surpris. Ils me dévisagent sans un mot. Je ne crie pas souvent, et quand je le fais, ça les prend toujours au dépourvu.

« Je vais sortir un moment, » dis-je d'un ton neutre, en attrapant mon manteau. Ils ne posent pas de questions, habitués à mes départs brusques. J'ai besoin d'air, de calme, de distance.

Je marche rapidement jusqu'au tabac. Je ne fume pas tout le temps. En réalité, c'est plus une habitude ponctuelle qu'un véritable besoin. Mais aujourd'hui, après ce cauchemar, j'ai envie d'une cigarette. Juste une. Pour apaiser cette tension qui serre ma poitrine. C'est rare que je fume seule, d'habitude, je fume avec Nadia à la pause, mais là, je ne pouvais pas attendre.

La vendeuse du tabac me connaît bien. Je suis une cliente régulière, même si je ne viens pas souvent.

« Salut Adila. Le même paquet que d'habitude ? »

« Oui, merci. » Je lui tends l'argent, attrape le paquet, et sors aussi vite que je suis entrée. Je ne veux pas m'attarder. Dehors, le froid mordant me réveille un peu plus. Il est encore tôt, le soleil n'est pas tout à fait levé. L'air glacial, presque tranchant, s'infiltre à travers mon manteau, me faisant frissonner.

Quand j'arrive au lycée, la journée semble déjà interminable. J'avance dans les couloirs, les yeux baissés, en évitant les regards des autres élèves. À la pause, je retrouve Nadia dans notre coin habituel.

« T'as une sale gueule, ma vieille, » lance-t-elle en allumant sa cigarette. Elle rigole, mais je sais que c'est sa manière de me dire qu'elle s'inquiète.

Je hausse les épaules, l'air détaché. « Ouais, juste une mauvaise nuit. »

« Une mauvaise nuit ou toute ta vie ? » Elle éclate de rire, tirant une longue bouffée de sa cigarette.

Je souris, mais le cœur n'y est pas. Je tire à mon tour sur ma cigarette, sentant la nicotine se répandre dans mon corps, calmer légèrement mes nerfs. On fume ensemble souvent, mais ce matin, j'ai besoin de cette pause plus que d'habitude. Comme si sans elle, je m'effondrerais.

Adila - Entre Ombres et Lumière Où les histoires vivent. Découvrez maintenant