Chapitre 7

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Je commence à rassembler nos affaires, parcourant la pièce du regard pour m'assurer de ne rien oublier. Chaque objet que je choisis a un poids symbolique : un manteau de voyage robuste, une carte ancienne usée par le temps, des provisions soigneusement empaquetées par les serviteurs. Ceux-ci défilent en silence, obéissant à mes ordres sans poser de questions. Je leur indique avec précision tout ce dont nous aurons besoin pour notre périple, mais au fond, un doute m'assaille : suis-je réellement prêt pour cette aventure ?

Alors que je m'affaire, mes pensées s'embrouillent. Je saisis mon épée, une lame ornée de gravures anciennes, et la fixe à ma ceinture. Mon geste se fige un instant : ma main tremble. Je serre les dents, frustré par ce signe de faiblesse. Pourquoi ce tremblement ? Est-ce la fatigue ? Ou simplement la peur de l'inconnu ? Peut-être est-ce l'accumulation des émotions violentes qui m'ont traversé ces dernières vingt-quatre heures. Tout est flou. Je ne sais même pas où cette quête va nous mener. Je suis aveugle face à ce qui nous attend.

Un bruit léger derrière moi. La porte de ma chambre s'ouvre doucement. Je lève les yeux, pensant voir Marcus, mais c'est Emirya qui se tient là, à l'entrée. Ses longs cheveux noirs tombent en cascade sur ses épaules, et bien qu'elle ait l'air épuisée par les récents événements, une étincelle de détermination brille dans ses yeux.

— Tu ne devrais pas être ici, tu devrais te reposer. On part bientôt, dis-je en lui jetant un regard inquiet.

Elle s'approche sans hésiter, son visage marqué par l'irritation.

— Je vais bien, arrête de t'inquiéter, dit-elle sèchement. Tu me donnes le tournis à force de te poser des tonnes de questions. C'est d'ailleurs pour ça que je suis ici, poursuit-elle en croisant les bras, visiblement agacée.

Je soupire en la fixant. Cette connexion magique qui nous lie commence à m'étouffer.

— Pourrais-tu arrêter de lire en moi ? C'est... gênant, dis-je, la mâchoire crispée.

Elle esquisse un sourire sarcastique avant de répondre.

— Caissan, mon cher prince, dois-je te rappeler que je suis connectée à toi et que je ressens la moindre de tes émotions ? Qu'elles soient puériles ou non, ajoute-t-elle, un brin moqueuse. Je suis donc venue pour te rassurer ou pour répondre à tes questions, si ça peut te calmer, dit-elle, avec un regard légèrement adouci.

Je laisse échapper un rire nerveux, tentant de masquer mon malaise.

— Très bien... Je t'écoute, dis-je enfin, me tournant complètement vers elle, croisant les bras pour m'obliger à rester calme.

Elle prend une profonde inspiration avant de se lancer.

— Nous allons commencer par rejoindre une taverne appelée "La Licorne Dorée". Je connais une centaure qui pourra nous aider, explique-t-elle, son ton devenant plus sérieux.

Je fronce les sourcils, surpris par cette révélation.

— Une centaure ? Je croyais que la Cour des Sabots avait été dissoute il y a des décennies, dis-je en plissant les yeux, sceptique.

Emirya secoue légèrement la tête.

— Dissoute, oui, mais cela ne signifie pas qu'ils sont tous morts. Ils survivent comme ils peuvent, cachés dans l'ombre. Par contre, je te préviens : ne dis à personne que tu es prince, et ton frère non plus. N'oublie pas que c'est ton grand-père qui a détruit leur cour. Et crois-moi, je n'ai aucune envie de traîner ton cadavre derrière moi, ajoute-t-elle avec une pointe de gravité.

Je hoche la tête, sentant une nouvelle vague d'appréhension monter en moi.

— Et en quoi cette centaure peut-elle nous aider ?

— Elle sait où sont partis les autres membres de la royauté sanguine après la guerre. Certains ont fui en exil, refusant d'accepter la montée au pouvoir d'Angel. Mon objectif est de retrouver chaque souverain en exil et de les convaincre de se rallier à ma cause... Mais je ne suis pas experte en diplomatie, avoue-t-elle, son regard se perdant un instant dans le vague.

Je laisse échapper un léger rire, cette fois plus naturel.

— Alors là, tu ne comptes pas sur moi pour les négociations. C'est mon frère le diplomate, je suis juste bon à manier une épée, dis-je avec un sourire en coin.

— Il aura finalement son utilité, répond-elle en souriant, presque malgré elle.

— Ne sois pas si dure avec lui, il fait de son mieux... Enfin, si tu sais où nous devons aller, je vais faire préparer nos chevaux, dis-je en me dirigeant vers la porte, prêt à en finir avec cette conversation.

— Pas la peine pour moi, annonce-t-elle d'un ton léger. Je suis une princesse de Sang Noir, héritière légitime. Je ne monte pas n'importe quoi, ajoute-t-elle, un sourire espiègle aux lèvres.

Je m'arrête, intrigué par sa déclaration. Une légère inquiétude me serre le ventre. Quel genre de créature peut-elle bien monter ?

— Très bien, comme tu voudras, dis-je en haussant les épaules. Allons-y.

Nous descendons ensemble dans la cour, où les chevaux nous attendent. Mon frère est déjà là, ajustant la bride de son étalon. Je monte sur mon propre cheval, un magnifique gris pommelé, habitué aux longues chevauchées. Je jette un coup d'œil à Emirya, qui reste immobile, un sourire mystérieux aux lèvres.

— Où est ta fameuse monture, "princesse" ? la taquinai-je, amusé.

Elle ne répond pas, se contentant de siffler d'un air nonchalant. Presque instantanément, un hennissement strident résonne dans l'air, un son si aigu qu'il me fait frissonner. Les arbres autour de nous frémissent, comme secoués par un vent invisible, et les chevaux paniquent. Mon étalon se cabre, et je dois tirer fermement sur les rênes pour le calmer.

Sortant des ombres des arbres, un gigantesque cheval noir à huit pattes émerge. Sa mâchoire est garnie de crocs acérés, et ses yeux rouges luisent comme deux braises dans la pénombre. Il fonce droit sur Emirya, mais s'arrête brusquement à quelques centimètres d'elle. Sans un mot, elle murmure dans une langue ancienne, incompréhensible, et la bête se calme immédiatement sous sa caresse.

— C'est un... équidiator, souffle mon frère, sa voix à peine un murmure.

— Voici Atlas, déclare Emirya en grimpant avec grâce sur l'immense créature. Seuls les plus grands de notre lignée ont pu monter ses ancêtres. Il est le roi des chevaux, mais aussi le roi des cauchemars, ajoute-t-elle avec un sourire empreint de fierté.

Je la regarde, impressionné malgré moi.

— Ça, je veux bien te croire, dis-je en fixant la bête d'un œil prudent.

— Bien, ouvre la voie, nous te suivons, dit Cain d'une voix grave, toujours sous le choc de la vision de l'équidiator.

— C'est parti, lance Emirya en s'élançant au galop, Atlas laissant derrière lui une traînée d'ombres

Le peuple de l'air : La Princesse OubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant