Elle s'était laissée tomber dans l'herbe fleurie, le cœur en mille morceaux, pour laisser éclater son chagrin. Au milieu de ce tableau printanier, elle était seule, entourée par la douce caresse d'un vent léger. L'air embaumait les fleurs enivrantes, mais leur beauté ne parvenait pas à apaiser son âme en peine. C'était le printemps, symbole de renouveau, mais pour elle, la pluie avait été remplacée par un torrent de larmes qui s'écoulait sur ses joues innocentes.
Elle regarda autours d'elle pour voir ce qui l'entourait et elle vit le rouge intense des chrysanthèmes flamboyants, l'orange chaleureux des eschscholtzias dansants au gré du vent, le jaune lumineux des rudbeckias, le vert tendre de l'herbe s'étendant à perte de vue, le bleu infini du ciel, le violet délicat des violettes, le rose doux des asclépiades, le blanc pur des marguerites et le brun réconfortant de sa petite cabane, là-bas, vers l'horizon. Mais tout se brouillait autour d'elle, les couleurs vibrantes et chatoyantes, s'entremêlaient à la mélancolie d'une vie si riche et si complexe, formant un arc-en-ciel éphémère où la joie et la tristesse dansaient ensemble, comme deux amies inséparables.
Elle ferma désormais les yeux, laissant le calme de l'instant l'envelopper, et tendit l'oreille avec une attention particulière. Les grillons chantaient, tandis que les oiseaux s'épanouissaient en un chœur vibrant de vie. Et, au loin, elle crut percevoir les rires d'enfants, un son d'une pureté infinie, semblable à des éclats d'étoiles.
Elle laissa échapper un sanglot déchirant, puis, ne pouvant plus contenir l'afflux de ses émotions, elle pleura plus fort encore, avant que des larmes amères n'éclatent et ne martèlent son cœur comme des éclats de verre. Elle ne voulait pas étouffer sa tristesse au fond d'elle, emprisonnée comme un oiseau en cage, il lui semblait que pleurer était la seule façon de libérer ce chagrin insupportable. Elle se sentait si vulnérable, si désespérément désolée, dévastée par cet amour non partagé. Elle chérissait ce garçon avec une intensité qu'elle ne pouvait expliquer, mais l'écho de ses sentiments ne trouvait aucune résonance en lui. Malgré les regards complices et les longues conversations ambigus qu'ils entretenaient, elle avait réalisé avec une lourdeur accablante qu'elle devait abandonner cet espoir illusoire. Son ultime acte d'amour, c'est désormais de le laisser s'en aller et de s'éloigner, pour qu'il puisse trouver la bonne personne pour lui.
Elle prit une profonde inspiration, essuya ses larmes chaudes du revers de sa manche avec une délicatesse empreinte de douleur, puis ferma les yeux une seconde fois, cette fois non pas pour écouter la nature, mais pour se reposer. Dans l'obscurité de son esprit, elle se laissa emporter par ce rêve d'enfant, celui que l'on fait lorsque la fièvre embrase notre être. Tout devenait flou, un tourbillon de couleurs éclatantes et de formes dansantes, quand soudain, un visage magnifique émergea au centre de sa vision brouillée. C'était lui. Dans ce rêve enchanteur, elle ressentait la douceur de ses bras l'envelopper, la chaleur de son étreinte lui apportant un réconfort chaleureux. Puis la réalité l'arracha à son rêve et elle se réveilla, et se leva en un cri déchirant, le cœur au bord de l'abîme, désespérée à l'idée de ne jamais le revoir. Les larmes coulaient sur ses joues, et la panique s'empara d'elle alors qu'elle réalisait que tout cela n'était qu'un mirage, et que jamais plus elle ne pourrait l'étreindre comme avant.
Elle avait enfin saisi ce qu'il lui restait à accomplir, comme une étoile qui, dans son éclat, réalise qu'elle ne peut briller qu'à travers le prisme de son propre esprit. C'est le cœur lourd qu'elle se laissa tomber dans l'herbe, un hommage silencieux au dormeur du Val, car elle savait qu'elle allait finir comme lui. Alors, dans un geste empreint de mélancolie, elle choisit de rester là, allongée, les heures se fondant dans les jours, puis les nuits s'étirant comme autant de souvenirs fugaces. Un jour s'écoula, puis deux, et bientôt une semaine, tandis que le monde continuait de tourner autour d'elle. Le moment exact où elle glissa doucement aux côtés de Dieu reste un mystère, mais dans son voyage, elle n'a pas souffert, du moins pas autant que les blessures infligées par l'amour.
Celui qui l'avait tuée, même sans l'intention de le faire, fut averti cinq jours après la découverte de son corps. On ne l'a plus jamais revu. Certains disent qu'il est mort de chagrin et de regret, tandis que d'autres murmurent qu'il a pris un nouveau départ, espérant effacer toute trace de son ancienne vie. Certains vont jusqu'à dire qu'il a embrassé la mort, se jetant sous un train, ou se noyant dans la Seine.