Shoot on Sight

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The Neighbourhood— Daddy issues

Je rentre enfin chez moi après cette soirée éprouvante. Mes nerfs sont à vif, chaque muscle tendu comme un arc prêt à se rompre. La fatigue me pèse, mes paupières lourdes menacent de se fermer à tout instant. Heureusement, demain est mon jour de repos. Sans cela, je ne tiendrais pas une seconde de plus. Pourtant, l'idée même de pouvoir me reposer m'échappe. Ce n'est pas un repos réparateur qui m'attend, mais plutôt une journée à guetter, à surveiller chaque ombre, chaque bruit. Il va venir, c'est certain. Je le sens, comme une menace suspendue au-dessus de ma tête, prête à s'abattre.

Le soleil commence à peine à se lever, le ciel teinté de rose pâle et de gris. Je me gare à trois pâtés de maisons de chez moi, mes jambes tremblantes alors que je sors de la voiture. Je marche vite, trop vite peut-être, pressée de retrouver le refuge de mes quatre murs. Pourtant, même chez moi, je sais que je ne serai pas en sécurité. L'angoisse me tenaille. J'ai l'impression que ses yeux me suivent, que son souffle est encore dans ma nuque.

Puis, je m'arrête net.

Devant ma porte, il est là. Mon nouveau voisin, celui qui vient d'emménager récemment. Il est appuyé contre le chambranle, les mains dans les poches, comme s'il m'attendait. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Pendant une seconde, je me demande si c'est vraiment lui ou un mirage, un reflet de mes peurs. Mais non, il est bien là. Et son visage... Son sourire. Ce sourire tordu, légèrement en coin, qui me glace immédiatement le sang. Il ressemble tellement à celui de l'intrus. Ce même rictus, ce même air sûr de lui, comme s'il savait quelque chose que je ne savais pas encore. Comme s'il me possédait déjà.

Il se redresse lentement en me voyant approcher. Je me fige, incapable de bouger pendant un instant, alors qu'il commence à s'avancer vers moi. Chaque pas qu'il fait résonne dans ma tête, et plus il se rapproche, plus je réalise qu'il est grand, bien trop grand. Sa silhouette me surplombe, me donnant l'impression d'être insignifiante, vulnérable. Ma main glisse instinctivement sous ma veste, mes doigts se crispant autour de mon arme. Mon souffle se coupe alors que mon cœur bat de plus en plus vite, comme une alarme.

Il continue de sourire, un sourire qui m'énerve autant qu'il me terrifie. Pourquoi ce type me donne-t-il cette impression de déjà-vu ? Il dégage une aura à la fois intimidante et captivante. Un charme vénéneux. J'ai vu des hommes beaux, bien sûr, mais lui... C'est autre chose. Il a quelque chose de magnétique, d'irrésistible et pourtant, profondément dérangeant. C'est comme s'il portait un masque, cachant quelque chose de plus sombre derrière ce visage parfaitement lisse.

— Bonjour, dit-il d'une voix basse, presque suave. Je viens juste d'emménager, et...

Ses yeux descendent soudainement vers mon cou. Je suis pétrifiée. Je porte la main à ma gorge, et c'est là que je réalise. Mon foulard. Il est tombé à un moment donné, et je ne l'ai pas remarqué. Je n'ai plus rien pour cacher les marques qui ornent ma peau, ces traces laissées par l'intrus. Mes doigts effleurent les cicatrices encore fraîches, et la honte m'envahit. Il a vu. Ses yeux se sont attardés sur ce qu'il ne devrait jamais voir.

Je réajuste ma veste précipitamment, cherchant à masquer ces blessures comme si cela pouvait effacer l'horreur qui s'y rattache. Mais c'est trop tard. Son regard s'attarde encore un peu trop, comme s'il prenait plaisir à contempler les preuves de ma vulnérabilité. Un sourire narquois effleure ses lèvres. Ça me met hors de moi.

— Je suis Kavish Politzer, dit-il en tendant la main vers moi.

Sa voix a un accent léger, indéfinissable. Son nom sonne bizarrement, comme s'il l'avait inventé sur le moment. Je baisse les yeux vers sa main tendue. J'ai vraiment la tête ailleurs, mais je sais qu'il vaut mieux ne pas me faire d'ennemis, surtout avec un voisin. Pourtant, chaque fibre de mon corps me hurle de rester loin de lui.

HEARTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant