Tribulations d'une zèbre musulmane

20 - MARIONNETTE

« Le premier pas pour avoir ce que vous voulez, c'est d'avoir le courage de quitter ce que vous ne voulez plus » Anonyme.

Le travail casse ton élan de vie, ton grain de folie.
Tu deviens livide, tristement mentale ; rationnalisant car incapable de comprendre tes émotions, sans parler de celles des autres.

Tes tenues noircissent, devenant presque accordées à ces cernes violacées, bleutées, noirâtres qui soulignent ton regard. Noir, gris, bleu marine ou encore bordeaux pour les plus originaux, la mode est à la sobriété. Il faut avant tout ne pas faire de vagues, se mêler à la foule, être plat car ce qui est triste et linéaire renvoie l'image d'une personne classe, distinguée, à l'image de ces corps meurtris que l'on voit flageller dans les défilés.

Et pourtant de chair et d'eau fraîche nous sommes tous constitués, dotés d'un coeur et d'une âme, chanceux dépositaires que nous sommes.

Ce qui dans ma culture est naturel devient gênant car l'individualisme, la méfiance et l'égoïsme ont pris le pas. Partager un paquet de biscuits, faire un compliment, rendre le bonjour ou simplement sourire devient difficile. Les rares fois où, naturellement, je m'étais tentée à ces prouesses, je l'avais amèrement regretté.

"Je ne suis pas lesbienne", m'avait rétorqué cette fille à qui j'avais salué la coiffure.
"Non merci, il n'en veut pas", avait sèchement lâché la maman du petit Noah, à qui j'avais tendu mon second Kinder Bueno.

Nous gardons tous en mémoire un épisode qui nous a marqué à jamais au fer rouge. C'était pour ma part le souvenir de Chams qui me hantait.

Mon cœur était devenu meurtri, incapable d'aimer ou de ressentir. On disait des regards qui m'entouraient qu'ils étaient intéressés, et pourtant c'était comme si de ma bulle opaque je n'étais pas en mesure d'apercevoir une quelconque forme de vie. Alors que devrais-je dire d'un sourire. J'étais persuadée que comme je faisais l'impasse sur le monde avoisinant, il m'ignorerait a son tour.

Pourtant ce monde était farouchement décidé à me faire ressentir sa présence. J'ouvris finalement les yeux et m'essaya à ce principe bouddhiste : vivre l'instant présent, conseillent-ils.