Chapitre 17

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Fabien


Merde.

Re-merde.

Voilà une heure que je suis planté devant ma tablette et je n'ai pas avancé d'un iota. Le tic-tac irritant de la pendule parentale me nargue, les dix fenêtres de mon navigateur internet me provoquent et, assis face à moi, mon frangin se délecte de ma détresse.

— Allez ! se marre-t-il. C'est quand même pas sorcier ! Tu choisis le premier hôtel venu pas trop pourrave et...

D'un regard, je lui intime le silence. Pourquoi l'ai-je mis dans la confidence ? Ah oui, parce qu'il était en mesure de me donner le numéro d'Ana. Ce simple constat a suffi à me rendre dingue. Il me rappelle à quel point elle fait plus partie de cette famille que moi. Elle est devenue l'enfant chérie des Gantier, tandis que je m'efforçais de me faire oublier. Puis-je décemment lui en vouloir ? S'il n'y avait pas eu Lola, j'aurais probablement coupé les ponts, depuis longtemps. C'est nul, je sais. Mais prendre des décisions idiotes est mon plus grand talent, il parait.

Romain semble se délecter de ma contrariété. Il pioche dans son saladier de chips, sourire aux lèvres, et enfourne son butin sans aucune grâce avant de reprendre :

— Tout ce que je dis, c'est qu'elle s'en fiche, ton Ana, de votre lieu de villégiature. Vous pourriez tout aussi bien squatter chez l'un ou l'autre qu'elle aurait encore des étoiles plein les yeux.

Même si ça me tue de l'admettre, il n'a sans doute pas tort. Malgré tout, j'ai à cœur de faire les choses bien. Au moins pour cette fois.

— Peut-être, concédé-je du bout des lèvres.

Romain souffle, s'affale sur son siège.

— Ce que tu peux être compliqué comme mec.

Je me garde bien de répondre et reporte mon attention sur l'écran. Si j'étais honnête, j'avouerais que la perspective de concrétiser les choses avec Anastasia me terrifie. Et si elle n'aimait pas celui que je suis devenu ? Si elle s'était créé une image parfaite, loin de la réalité et que cette escapade était l'occasion de découvrir à quel point je suis une déception, pour elle aussi ?

Mentir à Ana n'a jamais été une option. Avec elle, tout était facile. Valérie arguait que c'était l'apanage des adolescentes que d'être fascinées par des types comme moi. Belle gueule, bagou, position sociale confortable... Selon ma charmante compagne, j'étais un fantasme pour Ana, rien de plus. Elle se plaisait à me rabâcher que notre lien était basé sur du vent, sur des apparences futiles et des considérations absurdes. Et moi ? J'ai fini par rendre les armes pour ensuite le regretter durant des années.

Le destin nous offre une nouvelle chance et cette fois, je refuse de la laisser passer. Du bout de l'index, je fais défiler les avis clients concernant une chambre d'hôtes, tente d'évaluer ses avantages par rapport à celle consultée un peu plus tôt, quand mon téléphone me tire de mes pensées.

Lola [Hey Pap's ! Ça roule ?]

Moi [Coucou Lo. J'espère que tes vacances se passent bien ?]

Lola [Ça va. C'est moins long que ce que j'avais imaginé. Mais tu me manques quand même bcp]

Une pointe de culpabilité se fiche dans ma poitrine. D'ordinaire, nous communiquons davantage. Oui, mais d'habitude, t'es chez toi, à picoler et faire la fête, à traîner les bars et te perdre entre les cuisses d'Elsa ou de n'importe quelle nana consentante.

Lola n'en sait jamais rien car je m'astreins à lui écrire quotidiennement. L'ai-je fait, ces dernières vingt-quatre heures ? Minc,e je crois que non. Se sent-elle... délaissée ? L'idée même de peiner mon ado rebelle me broie le cœur et je m'empresse de pianoter sur mon clavier.

Ceux qu'on étaitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant