Quand j'étais petit, je rêvais d'avoir des mains qui se confondraient avec l'écorce d'un grand chêne. Mon père avait ce genre de mains, et ça voulait dire quelque chose : il travaillait dur. Il adaptait son corps par la force de son esprit. Il faisait fi de la douleur, la disant superficielle, car elle finissait toujours par s'atténuer.
Je les voulais ces mains. Et j'ai finis par les avoir. Je me suis mis au maille dès que mes guibolles arrivaient à tenir plus d'une heure sous la flotte, ou sous la chaleur. Les années passèrent, j'ai pris quelques centimètres et j'ai perdu quelques dents. Histoire de carences, pas de quoi faire un drame.
Un beau matin, je me suis réveillé, j'ai passé une main dans mes cheveux gras, et je me suis ouvert le front d'un coup : TCHAK ! Mes paluches étaient tellement rugueuses qu'en un mouvement je m'étais égratigné.
Fallait voir comment j'étais content. Ca faisait un bail que mon père nourrissait les pissenlits par la racine, alors je suis aller voir sa tombe. Pendant une heure, j'ai déblatérer sur ma vie, et à quel point elle était constituée que de labeur et de sueur. Ca faisait une paye que je lui avais pas rendu visite au paternel.
Puis bon, la vie a reprit son cours. Voilà qu'un jour, je touche un arbre. J'ai l'impression de serrer la main à un vieux collègue. Ca m'a fait doucement rire.
Les seuls humains que je vois, c'est ceux du marché. Paul, mon acheteur, Manon, la boulangère, et Vengance, le chien. Il appartient à un vieux qui a fait la guerre. Bref, je me retrouvais à sentir plus de chaleur au contact d'un arbre que d'un comme moi. La sensation était étrange. Non, la sensation était agréable, c'est ce que ça me fait ressentir qui était étrange.
Je commençais à me perdre. Et je connais qu'un seul remède contre ça : ma mère. Je l'ai pas mentionné dans les humains que je côtoie, parce que s'en est pas une d'humaine. C'est une sorcière.
"Je t'ai mis des confitures dans le panier, cette année les mûres se jetaient dans mes bras !"
Bon, vu comme ça, on dirait pas. Mais gaffe à l'eau qui dort.
"Alors, c'est quoi qui te tourmente mon fils ?
- Je déraille. Je me met à parler aux arbres.
- Et ils te répondent ?
- Bah non.
- Alors tu vas très bien !
- Bahahah ! Aaah, tu m'avais manqué maman.
- Tu peux t'en prendre qu'à toi même. J'habite à deux rues de chez toi.
- Ouais, mais le travail...
- Et les arbres...
- Comme tu dis, les arbres... Fin' non !
- Fou quand même, que tu parles plus à des troncs qu'à ta vieille mère.
- Allez, allez. Je te demande pardon ma p'tite maman.
- Me voilà bien ! J'ai des excuses de mon fils. Je vais en faire une confiture tiens.
- Bon, tu veux quoi dis ?
- Rien. Je te taquines. Ecoute, je veux pas que tu te transformes en gros rondin. C'est fort un chêne, mais ça parle pas. Ton père, à la fin de sa vie, fallait lui arracher ses mots à la tenaille. C'est fastidieux, et chiant surtout. Rend moi service, et commence à parler à Vengeance. Ce sera un bon début."T'as toute l'histoire maintenant vieux cabot. Alors, tu me conseilles quoi ?
CZYTASZ
Humain veut mains
Short StoryÇa tient à pas grand chose les rêves. Y'en a ils les poursuivent toute leur vie. Moi je dors.