Le temps presse, Minerva.

Où es-tu ?

Dans la ville, les bruits de moteurs omniprésents ne laissent aucunement place au calme. S'ajoutant à cela, les cliquetis redondants des horloges présentes à tous les recoins de la citadelle, s'accordent aux rythmes des pas des passants qui ne s'arrêtent jamais de marcher dans ces rues voilées de fumée, provenant des machines les amenant à leur destination. Que ce soit dans les airs ou sur terre, les moyens de transport ne manquent pas. Il n'y a aucun lieu au sein de cette ville qui ne possède pas un arrêt de bus,de train ou d’aéronef. Chaque rue en est dotée d'au moins un.

Et la rue dans laquelle se trouve une jeune femme avec des cheveux chatains clairs qui entourent son visage fin et blanc tel la porcelaine, jurant avec les alentours sombres et gris de la ville mais dont la tenue se fondait avec, étant vêtue d'une simple chemise et d'un foulard blanc,d'un corset,d'une veste, d'un chapeau et d'une jupe évasée couleur bistre,dont les volants sont d'un bleu cobalt avec des accessoires et des motifs dorés ne fait pas exception.

Cette inventrice aux yeux marron avec des reflets dorés attend calmement l'arrivée de l'aéronef,ticket à la main, pour se rendre à un lieu du moins mystérieux : une usine abandonnée que les autorités lui ont demandé d'inspecter et,si possible, de réaménager. 
N'étant pas friande des lieux comme celui-ci, elle voulait refuser,mais la récompense plutôt onéreuse la fit changer d'avis.
De plus,elle pourrait ajouter cet exploit à son palmarès déjà plus que bien rempli. Elle a créé un nombre phénoménal de mécanismes en tout genre, de systèmes innovants et d'objets inutiles,complexes et alambiqués à outrance mais l'ayant mise à rude épreuve.

Cependant, c'est principalement la récompense qui l'a poussée à accepter ce travail. En effet,bien qu'elle soit connue,elle n'a jamais gagné d'argent grâce à ses créations. Personne n'est au courant de sa réelle identité et les profits de ses inventions ne lui reviennent presque jamais car elle ne se crédite pas. Puisque ses œuvres n'ont aucun auteur, la population a décidé d'appeler ce génie qui créa moult innovations : “L'Héron”, en référence à Héron d'Alexandrie, père des machines à vapeur et ayant eu une grande influence sur ce domaine,tout comme cette inventrice. De plus,les inventions de “L’Héron” sont toujours accompagnées d'un héron mécanique c'est pourquoi la population l’a nommé comme tel.

Ne regrettant rien,cette jeune femme s'aventure dans le zeppelin dont l'extérieur est en tissu et les fondations en cuir,acier et bois. Les imposants moteurs à vapeur et les hélices actionnés par des mécanismes et des engrenages complexes, sont à l'arrêt.  Elle est contrôlée par un poinçonneur qui crie son nom et poinçonne son ticket.

Elle se dirige vers un siège en cuir marron, sali, usé et de piètre qualité, et observe la ville à travers le hublot. Le ballon dirigeable s'élève dans les cieux jusqu'à ce que plus rien ne soit visible ,mis à part les usines à charbon crachant une fumée abondante,les pignons des églises assez hautes arrivant à traverser cette épaisse couche de brouillard artificiel , et une immense tour horloge au milieu de la ville dont le tic-tac peut être entendu à travers toute la ville.
Sa contemplation de l'extérieur a été interrompue par un crieur qui énonce les informations du jour avec une voix claire et vive :

“ Oyez, oyez, braves gens! Les informations sont tombées en ce beau jour de mars ! L'affaire Dreyfus fait encore débat au sein de la France ! De nouvelles preuves prouvant qu'il n’est pas coupable ont été découvertes par son frère, Mathieu Dreyfus, accablant le commandant Ferdinand Walsin Esterhazy ! Cette histoire n'en finit pas ! Êtes-vous antidreyfusards ou dreyfusards ? En dehors de cette affaire qui suscite des débats intenses et violents chez la population française. “L’Héron” : ce génie du XIXème siècle dont la réelle identité nous est inconnue, nous a créé une nouvelle invention ! Une caméra argentine portative qui permet de filmer partout ! Tout cela est compact et d'une qualité superbe. En effet,les dimensions quand l'appareil est plié ne sont que de 20 cm sur 20cm. Cependant, quand il est déplié, elles sont de 50 cm sur 50cm ! Son prix n'est que de 260 francs.

Pendant que le crieur présente d'autres actualités, la jeune femme sourit doucement,fière de sa création qui a été décrite d’une si belle manière par ce crieur. Après 10 minutes, elle arrive enfin à destination. Elle descend de l'aéronef et se dirige vers l'usine. Elle constate que le bâtiment est dans un piteux état,les murs ont été rongés par la rouille et les fondations ne sont plus stables. Elle inspecte les lieux et observe si le bâtiment peut être rénové, mais rien n'indique cette possibilité. Les murs ont été envahis par la nature, les vitres sont brisées et des équipements abandonnés sont éparpillés sur le sol sale et poussiéreux. Elle traverse le lieu,faisant fuir les rats présents, et tombe sur une note écrite avec des lettres de journaux. Au-dessus se trouve une vieille montre dorée avec un compte à rebours. Il y est écrit :

“Heureuse de retourner ici,Minerva ? J'espère que tu te plais (a jouer les mort et ne pas etre connue malgre ton talent indicible ) à ne pas être connue. Dans tous les cas si tu l'étais, personne n'aurait acheté tes inventions. Après tout,qui voudrait avoir les créations d'une assassin ! Si tu ne veux pas que ce secret soit dévoilé, reviens ici dans 6 mois avec la chose que tu m'as volée.

Iussktz i'kzgoz j'gbuox rk ygtm jk zky vgxktzy yax rky sgoty ?

Signé fawjsnR.”

La jeune femme équarquille les yeux et déglutit. Lors de sa relecture,  elle remarque que le 6 est souligné et que chaque début de phrase possède le chiffre 1 qui est inversé,sa respiration devient saccadée et paniquée : elle a compris que cet individu la connait bien. Trop bien pour être bienveillant. Elle arrache le papier et le déchire. Elle hésite mais décide de prendre la montre qui indique 6mois 1 jour 3 heures 7 minutes avec elle. Elle se dirige vers l'arrêt d'aéronefs et s'enfuit de cette usine.