-Est-ce que tu me fais confiance ?
La voix d'Abbas qui était à peine un murmure sous le grondement furieux de la bête qui les poursuivait, aurait pu se perdre si Kamra ne se tenait pas si près de son aîné, courant à en perdre haleine, le corps engourdi par le froid nocturne. Elle releva la tête, croisant les iris rougeoyants de son frère et essaya de lui adresser un sourire.
-Toujours.
Derrière eux, ou devant eux, elle ne savait plus, des hurlements retentirent. Ils avaient réussi à prendre de l'avance, connaissant la forêt comme leur poche mais la bête n'allait pas tarder à les trouver, alléchée par l'odeur du sang et de la peur qui imprégnait leur peau et leurs habits. Ils continuèrent à courir, jusqu'à apercevoir devant eux une étendue d'eau. Le cœur de Kamra bondit dans sa poitrine. Elle reconnaissait ce lac ! Ils étaient proches de Djawa ! Quelques centaines de mètres les séparaient du lac mais déjà, les grondements étaient dans leur dos.
-Kamra, il faut que tu m'écoutes.
Abbas lui attrapa le bras, la forçant à courir plus vite et à se concentrer sur son visage. Le jeune homme faisait peine à voir. Son arcade sourcilière avait été ouverte et du sang coulait de manière abondante, maculant toute la partie droite de son visage. Des marques de griffures couraient le long de sa joue, en entailles profondes, qui mettraient du temps à guérir. Kamra tendit une main pour caresser la joue blessée mais Abbas l'en empêcha. A la place, il glissa entre ses petites mains son épée, celle héritée de Qadir le Téméraire lui-même.
-Prends-la, lui dit-il en se baissant pour ramasser l'arme de Kamra, une petite dague en bronze ornée d'une pierre précieuse aux teintes bleutées.
-Mais...c'est ton épée !
-C'est la nôtre. Voici mon premier ordre, non pas en tant que ton grand frère, mais en tant que ton supérieur, Kamra: je veux que tu cours aussi vite que tu peux jusqu'au lac et que tu le traverses, d'accord ? Je te rejoindrai dès que j'aurai semé la créature.
Incapable de parler, elle hocha la tête. Un hurlement furieux retentit et l'air se chargea d'une odeur putride, qui lui serra le cœur de terreur.
-Cours aussi vite que tu peux. Ne t'arrête pas. Ne regarde pas en arrière. Je te rejoindrai une fois que j'en aurai terminé ici.
-Mais...
-C'est un ordre, Kamra. Cours et ne te retourne pas.
Elle aurait dû obéir. C'était un ordre direct de l'héritier de l'Asyr, d'un des Gardiens du royaume et de son frère bien-aimé. Mais elle était une enfant, apeurée, tourmentée et affaiblie. Alors, elle fit la seule chose qu'une enfant pouvait faire en présence de celui qui avait toujours su calmer ses angoisses, qui avait toujours su la réconforter avec tendresse.
Elle se retourna pour le trouver.
Et l'enfer se déchaîna.
Une main se posa sur son visage. Elle ouvrit les yeux, prête à bondir mais deux poignes fermes la retenaient fermement contre le matelas. Elle n'essaya pas de se débattre, analysant rapidement la situation jusqu'à reconnaître les visages qui se penchaient sur elle, visiblement inquiets et les yeux rouges qui la dévisageaient en silence.
-Zayn, Qadir, enlevez tout de suite vos mains ou je vous assomme, dit-elle en se forçant à ne pas hurler.
Son cousin obéit immédiatement, levant les mains en l'air avec une grimace d'excuse. Mais Qadir se pencha un peu plus, jusqu'à empiéter de manière totalement inconvenante sur son espace personnel. C'était sa main qui avait été sur sa joue, une seconde plus tôt, elle le savait.
VOUS LISEZ
Les Héritiers de l'Hassadie : Le Chant des Khadymm (Premier Jet)
FantasyEn 1485 alors que la Reconquista déchire l'Espagne, des dizaines de caravanes disparaissent mystérieusement pour être transportées dans un monde doté de magie : LantArda. Des siècles plus tard, les descendants de ces humains règnent en maître sur l...