Le feu de la Passion

Les premiers pas au stade

Esthia se souvient encore du jour où elle a découvert le stade pour la première fois. Elle n'avait que quatre ans, et pourtant, cette journée reste gravée dans sa mémoire comme un rêve éveillé, empreint d'une fascination presque magique. À cet âge, tout semblait immense, presque démesuré. Dès qu'elle avait franchi les portes du stade avec son père, le monde avait pris une autre dimension.

Le vert éclatant de la pelouse s'étendait à perte de vue sous ses petits pieds. Elle se souvient d'avoir tiré sur la main de son père, fascinée par la grandeur de cet espace ouvert. Le bruit des crampons qui résonnait dans l'air, les cris des joueurs qui semblaient si loin mais pourtant si proches, tout cela éveillait en elle un mélange d'excitation et de curiosité. Elle ne comprenait pas encore pourquoi son père adorait autant ce sport, mais elle sentait que cet endroit était spécial, rempli d'une énergie qu'elle n'avait jamais ressentie ailleurs.

Le ballon de rugby que son père lui avait montré semblait énorme dans ses mains. Enfant, elle ne savait pas encore ce que signifiait vraiment courir sur cette pelouse, affronter d'autres joueurs, se relever après une chute. Mais déjà, elle pouvait percevoir la force, la détermination, la camaraderie qui habitaient cet endroit.

Elle avait levé les yeux vers les gradins, immenses, presque vertigineux, se demandant comment des gens pouvaient tous s'asseoir là-haut pour regarder ce jeu de géants. Ses petites jambes l'avaient portée jusqu'au bord du terrain, ses yeux se perdant dans les gestes rapides des joueurs qui semblaient danser une chorégraphie brutale et pourtant élégante.

Son père, à ses côtés, lui parlait doucement, lui expliquant ce qui se passait, mais Esthia n'écoutait que partiellement. Elle était captivée par l'intensité, par cette atmosphère électrique qui enveloppait le stade. Elle se souvenait d'avoir ressenti pour la première fois l'envie de comprendre ce monde, de faire partie de cette histoire qu'elle voyait se dérouler devant elle.

Le rugby lui avait alors paru comme un monde d'adultes, un monde de force, de discipline et d'émotion, et même si elle était encore une enfant, elle savait, au fond d'elle-même, que ce monde l'appelait.

Le lendemain de son retour, après un petit-déjeuner en famille, Esthia décida de se rendre au stade. C'était un lieu emblématique pour elle, presque sacré, là où tout avait commencé. 

La veille, les réseaux sociaux avaient parlé sans relâche de son retour, et les messages continuaient d'affluer. Mais ce matin, elle avait besoin de calme, de se reconnecter avec cet endroit qu'elle n'avait pas foulé depuis trois ans.

Elle passa les grilles du stade, le cœur battant fort dans sa poitrine. Tout avait l'air si familier, et en même temps, quelque chose avait changé. La première chose qui la frappa fut l'immensité du terrain. Le stade paraissait encore plus grand que dans ses souvenirs. Peut-être était-ce le contraste avec les terrains plus modestes où elle s'était entraînée en Irlande, ou simplement l'effet du temps qui était passé, mais ce lieu lui semblait à la fois intime et imposant.

Alors qu'elle s'avançait, ses chaussures crissant sur le gravier, elle remarqua des détails nouveaux : les gradins avaient été rénovés, et les tribunes arboraient des sièges flambant neufs, d'un rouge vif éclatant. Le stade avait pris une toute autre envergure. Les murs du bâtiment principal étaient recouverts de nouvelles fresques représentant des scènes de rugby, avec des joueurs en pleine action. Elle reconnut plusieurs figures locales, dont son père, représenté en pleine course avec son légendaire maillot.

Elle s'arrêta quelques instants pour observer les fresques. L'une d'elles la représenterait peut-être un jour, qui sait ? Un frisson la parcourut. Ce stade n'était plus seulement le lieu de ses premiers exploits, c'était devenu un véritable écrin pour le rugby local. Elle se demandait si tout cela avait été prévu pour marquer le retour des grands joueurs, ou simplement pour améliorer l'expérience des spectateurs.