Chapitre 41

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Des jours ? Des mois ? Ou seulement quelques heures ? Les journées se ressemblaient tellement que Phran avait fini par perdre toute notion du temps. Tout était flou, chaque instant se fondait dans l'autre, rendant impossible toute tentative de mesurer la durée de son calvaire.

La plupart du temps, elle restait dans cette pièce constamment éclairée, une lumière agressive qui lui brûlait les yeux et l'esprit. Les cris résonnaient autour d'elle, venant d'autres cellules ou peut-être des échos de ses propres pensées tourmentées. Tout ce qu'elle avait réussi à deviner, c'est qu'elle était probablement dans un laboratoire. Les expériences, les bruits d'appareils et les voix en arrière-plan étaient ses seuls repères dans ce lieu sans nom. Ses tortionnaires savaient ce qu'ils faisaient : l'empêcher de dormir, de se reposer, pour mieux la briser mentalement, la pousser à la limite de ses forces.

Puis il y avait ces autres moments, bien pires. Ceux où on la transportait dans cette autre pièce, celle qui la hantait le plus. Là-bas, elle se retrouvait immobilisée dans un siège, les bras et les jambes bloqués, incapable de bouger. Le même siège sur lequel elle s'était assise quelques jours auparavant, lorsque Huges avait restauré sa vue. Ironie cruelle. Ce qui devait être une bénédiction s'était transformé en malédiction. Parfois, elle se surprenait à souhaiter ne plus voir du tout, ne plus avoir à affronter cette réalité visuelle si dévastatrice. La lumière qui la blessait, les visages effrayants, les instruments froids et cliniques... tout aurait été plus supportable dans l'obscurité.

Comment en était-elle arrivée là ? Comment tout avait-il pu dégénérer aussi rapidement ? Ses souvenirs étaient fragmentés, mais elle se rappelait clairement la dernière chose avant le cauchemar. Elle s'était disputée avec Aster. Encore une fois. C'était presque devenu une routine, ces désaccords. Il avait, comme d'habitude, agi en suivant ses propres décisions, sans prendre en compte ce qu'elle pensait. Une bouffée de colère monta en elle rien qu'à l'évocation de son nom. Aster. Rien que le penser lui donnait des frissons de haine. C'était à cause de lui. C'était toujours à cause de lui. Chaque fois qu'elle pensait avoir touché le fond, il trouvait une manière de creuser encore plus profond.

Si seulement elle avait pu se détourner de lui bien plus tôt, tout cela aurait pu être évité.

Elle repensait à ses regrets, à ses remords, alors qu'elle se trouvait prisonnière de cette pièce, étouffée par les murs métalliques et entourée d'objets froids, brillants sous la lumière crue. Les fioles remplies de produits chimiques étaient posées çà et là, leurs contenus dégageant une odeur âcre qui agressait ses sens. Phran distinguait à peine les contours de ces instruments et de l'espace autour d'elle. Sa vue, bien que partiellement restaurée, restait encore floue et faible. Mais cela suffisait pour qu'elle puisse imaginer parfaitement cet endroit : un laboratoire clinique, dépourvu d'humanité. Elle se laissait emporter dans les méandres de ses pensées, revisitant encore et encore les mauvais choix qui l'avaient conduite ici, lorsque soudain, une voix glaçante la tira brutalement de sa réflexion.

« Phran ! Comment vas-tu ? » La voix d'Huges résonnait dans la pièce, douce mais imprégnée d'une satisfaction perverse. « Ta vue ? Elle s'améliore, j'espère ? Bien que... ça prendra plus de temps sans repos. » Phran pouvait deviner le sourire cynique qui accompagnait ces mots, même sans le voir distinctement.

Son cœur se serra, battant à toute vitesse. Elle ne l'avait pas entendu depuis les trois jours où elle était ici, enfermée et coupée de tout. Elle n'avait vu ni Huges ni Aster depuis ce jour-là. Seulement des infirmiers, des silhouettes anonymes qui s'occupaient d'elle de manière mécanique. Ils lui administraient sans cesse des produits, chacun plus douloureux que le précédent. Certains d'entre eux lui infligeaient une souffrance telle qu'elle finissait par s'évanouir, sombrant dans une inconscience qui ne la soulageait jamais vraiment. Tant de questions se bousculaient dans sa tête, des questions qu'elle aurait voulu lui cracher à la figure. Mais à cet instant, sa voix restait coincée, étouffée par une haine si viscérale qu'elle l'empêchait de parler.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant