Chapitre 43

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Leurs pas étaient lourds, chaque foulée résonnait dans le silence pesant qui enveloppait le groupe, comme un écho à la gravité de leur situation. Cela faisait trois jours qu'ils marchaient, et la fatigue s'était insinuée dans leurs corps et leurs esprits. Chaque souffle, chaque mouvement était empreint de cette tension presque palpable qui les entourait. Ce retour vers Pisani n'était pas seulement difficile physiquement, il l'était aussi mentalement.

Le fardeau de la découverte qu'ils avaient faite dans le tombeau pesait sur chacun d'eux comme un poids invisible, rendant l'air presque irrespirable. Comment pourraient-ils ne pas être tendus après avoir vu leur dernier espoir s'effondrer ? Le vide dans ce tombeau n'avait pas seulement révélé l'absence du corps d'Eberg, il avait aussi anéanti toute possibilité de retour en arrière. Ce moment avait scellé leur destin, gravant en eux une vérité irrévocable : il n'y avait plus de rédemption, plus de pardon, plus de retour possible.

Leurs vies de rodeurs, bien qu'empreintes de doute et de compromis, appartenaient désormais au passé. Ils avaient franchi un point de non-retour. Le chemin qu'ils avaient emprunté ne leur laissait plus aucune échappatoire. Ce n'était pas seulement un constat amer, c'était une certitude qui grandissait en eux à chaque pas. Désormais, ils étaient des « rodeurs libres », une existence marquée par la traque, la clandestinité, et cette liberté trompeuse qui venait avec un prix qu'ils allaient devoir payer.

Le silence qui régnait entre eux n'était pas seulement le résultat de la fatigue physique, mais aussi de la contemplation de ce nouveau rôle qui leur était imposé. Chacun, dans le creux de ses pensées, essayait de comprendre ce que cela signifiait vraiment. Leurs vies ne seraient plus jamais les mêmes. C'était comme s'ils étaient déjà condamnés, leurs chemins scellés par un destin qu'ils ne contrôlaient plus.

Les regards qui s'échangeaient de temps en temps entre eux reflétaient une compréhension mutuelle, mais aussi une résignation sourde. Ce n'était pas de la peur qui les animait, mais une forme d'acceptation amère, celle d'avoir perdu une part d'eux-mêmes dans cette quête.

Ils avaient déjà trop perdu, et sacrifié bien plus qu'ils n'auraient pu l'imaginer en quête de ce corps mythique qu'ils pensaient trouver au fond de ce tombeau. Chaque pas qu'ils avaient fait les avait rapprochés un peu plus de la mort. Aujourd'hui, poursuivre la recherche d'un corps disparu depuis des décennies dans ce monde en ruines, où le chaos régnait en maître, c'était comme essayer de retrouver une aiguille perdue dans une mer de débris. C'était une quête insensée, une tâche vouée à l'échec avant même d'avoir commencé.

Leur espoir, déjà mince au départ, s'était effondré comme un château de cartes dans ce tombeau vide. L'absence du corps d'Eberg ne représentait pas seulement une déception; elle scellait leur destin dans une spirale où la mort semblait inévitable. Chercher encore, à travers les terres dévastées, serait suicidaire. Ils le savaient tous, au fond d'eux. Il ne leur restait que deux options : fuir ou affronter ce qui les attendait, mais dans les deux cas, ils savaient qu'ils seraient poursuivis, traqués comme des bêtes.

La perspective de fuir les tentait à peine. Ce monde ne leur offrait aucune cachette durable, aucun refuge où ils pourraient espérer échapper à la justice brutale qui les attendait s'ils échouaient à accomplir cette mission. Les Counters les traquerait sans relâche, et tôt ou tard, ils seraient rattrapés, sans doute jugés, condamnés, exécutés ou pire encore : torturés pour des informations qu'ils ne possédaient même pas.

Quant à affronter... Cette idée résonnait dans leurs esprits comme une sombre promesse. Ils n'avaient plus d'alliés, plus de soutien. Le royaume les voyait déjà comme des ennemis potentiels, et les rodeurs libres étaient des traîtres aux yeux de tous. Mais affronter quoi exactement ? Ils n'avaient ni la force ni les ressources pour lancer une attaque directe. Non, affronter signifiait autre chose. Cela signifiait faire face à ce qu'ils étaient devenus, accepter la nouvelle voie qui s'ouvrait devant eux.

Ostru: Fragments d'un Monde DéchuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant