Azurite

Chapitre 1

Camp militaire de Red Deer, Février 2006, Alberta

Mes yeux surfent sur les mots, mon esprit embué de questions.

Qui est-il ? Comment allons-nous trouver son identité ? Pourquoi n'était-il pas sur la scène de crime avec son complice ? Mon travail ne réside pas dans la résolution de ces questions, pourtant, elles m'obsèdent. D'ici quelques jours, nous accueillerons le premier coupable, je suis angoissée. Je n'aie toujours pas saisi la raison pour laquelle le président Milton a mis cet homme sous ma responsabilité. Je ne suis capitaine que depuis deux ans, est-ce parce que nous avons la même origine ? J'espère que non, même si je crains que ça ne soit le cas.

L'identité du premier tueur a été un jeu d'enfant à trouver pour la police, l'homme était sur les lieux et n'a pas eu le temps de s'enfuir.

Il y a de ça deux heures, Lewis est arrivé en trombe dans mon bureau pour m'apporter les dernières nouvelles de cette affaire. Nous savions qu'il y avait un tueur, mais nous avons appris qu'en réalité, ce sont deux tireurs qui étaient présents sur les lieux. Cette information change beaucoup de choses, je sais que je vais devoir avoir les yeux rivés en permanence sur notre nouveau venu. Parce qu'il a un complice. Le tireur à un complice. Je dois avouer être angoissée par la situation. J'ai une responsabilité énorme sur les épaules. Je dois aussi être devenue un peu obsédée par cette affaire, surtout depuis la réunion, il y a de ça quelques semaines. Je n'avais jamais assisté à une réunion de ce genre, elles sont si rares. Mais mon obsession s'est empirée il y a deux heures, lorsque mon supérieur a prononcé ces mots : "Le tireur avait un complice"

J'ai beau éplucher tous les documents que la police nous a fournis, excepté le dossier de Scarrow, je n'arrive pas à trouver un indice de l'identité de ce mystérieux homme. Lison a dû me pousser de mon siège pour me forcer à les rejoindre à table.

Assise à la table des supérieurs, Lison nous raconte l'une de ses nouvelles recettes médicales. Lison est ma collègue et grande amie. C'est une ancienne militaire de trente ans et également médecin. Autant dire qu'ici, elle ne peut pas s'ennuyer. Avec les blessures occasionnées lorsque les soldats se battent, car oui ils leur arrivent de se battre, ou les maladies occasionnelles, en plus des soldats dont elle doit s'occuper, Lison a de quoi faire. Elle aime cueillir des plantes médicinales et produire ses propres remèdes pour la pharmacie du camp.

L'après-midi est consacrée à un cours de secourisme. Étant initialement médecin, Lison était aux anges le jour où Lewis lui a proposé ce rôle. Conscients de l'intégralité de leurs missions et de leur importance, chacun est très investi dans cet apprentissage.

Après le souper, le salon est ouvert. C'est une grande pièce au haut plafond, au centre se trouve un canapé ainsi que plusieurs fauteuils et poufs entourant une grande table basse. Cette pièce est ouverte le soir ou les jours de repos, il y a de nombreux jeux de société, une immense bibliothèque qui fait mon bonheur et une télé avec un lecteur DVD. Nous avons une panoplie de films en tout genre et de toute époque, il est habituel pour nous de faire des soirées jeux de sociétés ou films, ça détend l'atmosphère après une dure journée et ça nous permet de créer une bonne ambiance et de bonnes relations avec nos soldats.

Ces soldats font partie des élites, du moins ils ont les compétences et nous les entraînons pour. Ils sont entraînés pour tuer, mais ils sont bien plus efficaces s'ils ont la possibilité de se reposer et de se comporter comme des humains et non comme des machines de guerre.

Le film de ce soir ne m'intéresse pas, je l'ai déjà vu au moins une dizaine de fois. À force, je connais les dialogues par cœur sans même jeter un œil à l'écran vieilli, agaçant certains au passage. En regardant l'horloge accrochée au mur à ma gauche, je remarque que la soirée est déjà bien avancée. Je ferme le livre que je tiens entre mes doigts et me lève du long canapé. Je fais quelques pas silencieux vers Lison, assise en seiza, les jambes un peu sur le côté. Elle est absorbée par ce film et ne me remarque que lorsque je pose ma main sur son épaule.