Chapitre 12

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- Je n'ai pas pu y résister, ma chère Anna-Louise, souffla Monsieur Charlemagne d'une voix rauque et un brin amusée, tout en entraînant la jeune femme sur la piste de danse.

Anna-Louise, bien que réticente, esquissa un sourire figé, crispé par l'ennui. Elle se laissa néanmoins guider, sans réelle opposition, car dans les salons mondains du Cap-Haïtien, on ne refusait pas la danse à un homme tel que Monsieur Charlemagne. Il était l'un de ces personnages qui, bien que d'un autre âge, jouissait encore d'un respect hérité de ses années d'influence. D'après ce qu'on lui avait rapporté, à chaque réception, il ressassait les mêmes histoires, se plaisant à évoquer des souvenirs de ses soirées grandioses d'antan.

- Vous savez, Anna-Louise, j'ai assisté à tant de réceptions magnifiques au temps de ma chère épouse. Paris, New York, Port-au-Prince... J'étais invité partout. Ah, quelle époque ! dit-il en riant doucement, sa main tremblante mais ferme autour de la sienne.

- J'imagine que ce devait être impressionnant, répondit-elle, sa voix douce mais dépourvue de véritable intérêt. Son esprit, quant à lui, errait ailleurs, cherchant une échappatoire à cette conversation interminable.

- Vous auriez adoré ces soirées, j'en suis sûr ! Des salons pleins de grands esprits, des discussions enflammées sur la politique, l'art, et bien sûr... l'amour. Il la fit tournoyer doucement, l'œil brillant d'une nostalgie dévorante.

Anna-Louise souria par politesse, mais au fond, elle se sentait étouffée par cette danse monotone et par le discours trop familier de son cavalier. C'est alors qu'elle aperçut, à travers la foule qui dansait sous les lustres scintillants, une silhouette familière. Milo. Son regard sombre croisa le sien, intense et perçant, et un frisson involontaire traversa son corps.

Milo n'était pas simplement séduisant, pouvait t'elle constater; il était l'incarnation du pouvoir et du charme. Il était un riche propriétaire terrien et homme d'affaires influent, il dominait ces réceptions non seulement par son élégance mais aussi par sa réputation d'homme irrésistible, convoité par toutes. Pourtant, c'était à Anna-Louise qu'il réservait ces regards pénétrants, et cela la troublait plus qu'elle ne voulait l'admettre.

- Excusez-moi, Monsieur Charlemagne, une voix profonde interrompit brusquement la conversation. Milo se tenait à côté d'eux, un sourire énigmatique aux lèvres. Je crains que je doive vous voler cette danse.

Charlemagne, pris de court, leva un sourcil mais ne put dissimuler une certaine admiration pour Milo.

- Ah, Milo! Je suppose que je dois m'incliner devant la jeunesse. Il éclata de rire. Ma chère Anna-Louise, je vous laisse entre de bonnes mains.

Anna-Louise voulut protester, mais avant qu'elle ne puisse dire un mot, Milo l'avait déjà prise par la main, et en un clin d'œil, elle se retrouva contre lui. Leur proximité soudaine la déstabilisa.

- Je ne suis pas sûre que c'était nécessaire, murmura-t-elle, tentant de retrouver son calme alors qu'ils se mettaient à danser.

- Ne me dites pas que vous préféreriez continuer avec cet... antiquaire ? répondit-il, un sourire amusé au coin des lèvres.

- Monsieur Charlemagne est respectable, rétorqua-t-elle, bien que sa voix trahissait une légère nervosité. Et je n'ai pas besoin de vous pour choisir mes cavaliers.

Milo fit tourner Anna-Louise avec une aisance déconcertante, et leurs regards se croisèrent à nouveau, plus intenses cette fois.

- Vous avez raison, vous n'avez besoin de personne. Vous êtes bien trop intelligente pour ça, dit-il doucement, son ton soudainement plus sérieux. Mais... vous avez aussi le droit de vous amuser ma douce.

Le retour des beaux joursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant