I - Je rêvais d'être un oiseau

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Cela fait déjà une semaine que nous avons atteri, mes parents et moi, dans la ville de Grenoble. Officiellement, le patron de mon père lui a offert une opportunité qu'on ne peut refuser. Officieusement... J'avais besoin de changer d'air, et même si ça leur fait mal de l'admettre, mes parents aussi. Nous espérons trouver un peu de calme dans cette ville.

Je regarde par la fenêtre, tente de mémoriser les routes qui défilent devant mes yeux envoûtés par le paysage. Je n'habite pas très loin du... « lycée Sweet Amoris ». Je vais devoir m'habituer pour ne pas dire « école secondaire ».
En parlant d'habitudes, je devrai également oublier l'autobus scolaire qui venait me chercher au pas de ma porte. Si ça peut m'éviter les œufs pourris sur la figure et les moqueries, alors je m'en passerai. De plus, faire le chemin en compagnie de ma mère chaque matin me rassure un peu. Elle est probablement la personne qui me connaît le mieux au monde.

Je l'aime beaucoup. Me confier à elle sur tous mes petits tracas semble si naturel... Et nous partageons un lien plus fort que tout. Bien sûr, j'aime beaucoup mon père aussi, mais ce n'est pas pareil. Nous nous comprenons davantage.

« Ma belle, ne t'en fais pas! Tout va bien se passer. J'ai eu ta directrice au téléphone. Elle a l'air plus allumée que celle à ton ancienne école. »

« Je sais, maman. Je t'écrirai pour te donner des nouvelles. »

« J'espère bien! Oh, nous sommes arrivées... Veux-tu que je vienne te chercher après l'école ? »

« Non merci, ça ira! Je vais apprendre le chemin pour que tu n'aies pas à le faire tous les jours, si jamais tu as une urgence. À ce soir, je t'aime! »

Elle m'enlaça avant de me laisser sortir de la voiture, un peu à contre-cœur. Je sais qu'elle se fait du souci à mon égard, peut-être même plus que moi.
Mais ça ira.

J'observe les autres élèves marcher en direction des portes de l'école. J'essaie toutefois de me faire discrète. Comment faire pour marcher droit, déjà ?

Je me rends à mon premier cours. Mon professeur est monsieur... Faraize. Il enseigne l'histoire. Voilà une matière qui me fait frémir, malgré mon application à obtenir de bonnes notes, même dans ce cours.

J'ouvre la porte, puis je me dirige vers une place toute en avant, à côté de la fenêtre. Des murmures de la part de mes collègues de classe se font entendre, mais je ne pourrais discerner ce qu'ils disent. Une fille s'asseoie à côté de moi.

« Hey! J'imagine que tu es la nouvelle ? Je m'appelle Rosalya. Tout le monde n'a pas arrêté de parler de toi depuis que Peggy nous a informé que tu arriverais aujourd'hui! »

Alors que j'allais lui répondre poliment, le professeur demanda le silence sans grand respect de la part d'autres élèves. Les murmures se firent de plus en plus bas à chaque « Silence! » pour finir presque inaudibles.

« Mademoiselle... Elena Blight, veuillez me rejoindre à l'avant pour que vous puissiez vous
présenter. »

Un professeur qui vouvoie ses élèves ? Alors ça... C'était pour le moins inattendu. Est-ce parce que tout le monde le fait ou parce qu'il semble ressentir plus de respect envers ceux-ci que ceux-ci envers lui ?
Fixant le mur au fond de la salle, je me présentais brièvement :

« Bonjour. Comme vous le savez déjà, je m'appelle Elena. Je suis canadienne et j'ai déménagé ici il y a peu. Si vous avez des questions... Et bien, vous pourrez venir me voir à la fin du cours. »

« Pourquoi ne pas faire cela dès maintenant ? Beaucoup semblaient curieux à votre sujet. »

Il lança un regard désapprobateur en direction d'une autre fille que je n'avais pas remarquée. Celle-ci leva la main.

« Pourquoi as-tu déménagé en cours d'année ? »

« Mon père a eu une offre professionnelle de la part de son patron. Il n'aurait pas pu laisser passer cette chance. »

Une autre main plus timide se leva.

« Comment c'est d'avoir autant de neige chaque hiver ? »

« Mes parents et beaucoup d'autres diraient que c'est pénible, mais je trouve cela magnifique. Ça l'est un peu moins lorsque vient le printemps, par contre... »

Une voix s'éleva au fond de la classe.

« Est-ce que vous habitez vraiment dans des igloos ? Vous déplacez-vous à dos d'ours polaire ? »

Fou rire général de la classe. J'ai eu du mal à contenir le mien.

« Pas les canadiens en général, mais les inuits vivent dans des igloos. »

Plusieurs questions se fracassaient contre les murs de la salle, mais une se fit plus claire que les autres.

« D'où vient cet accent ? D'une minable citée canadienne ? Et ces vêtements... J'ai honte pour toi. »

Fou rire de la part de l'envoyeur et ses deux amies au fond de la salle. Je ne pensais pas que mon accent était aussi prononcé. Remarque, c'est difficile de se fondre dans la masse avec leur propre accent français si différent du nôtre.

« Je crois que nous avons fait le tour! Mademoiselle Ambre, je vous conseille fortement de vous tenir et de relire vos cours d'histoire. Mademoiselle Elena, prenez place. »

Et le cours débuta. Je ne me préoccupais pas trop de cette Ambre, même si, je dois bien l'avouer, une petite voix me soufflait dans ma tête que tout allait recommencer. Bon sang, j'en ai marre que l'on me marche sur les pieds! Ça n'arrivera plus.

~

L'avant-midi passa rapidement. Tout le monde se rua vers la cafétéria, mais ma mère m'avait informée que je devais finaliser mon dossier avec le délégué principal. Il me semble que ça devrait être une tâche pour un adulte ?
Peu importe, j'imagine. Les choses ne sont pas les mêmes, ici. Tout finira par avoir un sens, enfin de crois.

Après avoir demandé mon chemin et pris mon goûter dans mon casier, j'ouvrais timidement la porte de la salle des délégués.

« Excusez-moi ? Je cherche le délégué principal, je dois finaliser mon dossier d'inscription avec lui. »

« Entre! C'est moi, je suis Nathaniel. Nous sommes dans la même classe. »

Suite à quelques vérifications, ma photo d'identité donnée et les frais de dossiers acquittés, mon dossier fût fin prêt à être remis à la directrice.
Je m'apprêtais à partir lorsque Nathaniel pris la parole d'une voix hésitante.

« D'ailleurs, je suis désolé pour ce que Ambre t'a dit. Elle peut se montrer difficile, mais elle deviendra gentille quand tu apprendras à la connaître. Et puis, je trouve ton accent charmant. »

« Et bien, merci... Mais je ne vois pas trop en quoi cela te concerne ? Ce n'est pas de ta faute. »

« Tu sais, Ambre est ma sœur... J'avoue me sentir responsable d'elle. Enfin bref, ne t'en fais pas trop, d'accord ? »

J'hochais la tête.

« Bon dîner! »

« Bon... quoi ? »

Casque sur les oreilles et sandwich à la main, je me dirigeais vers le jardin de l'école que j'avais remarqué ce matin. Là, je pourrai manger tranquille et prendre le temps de m'adapter à ce lieu étranger.

Assise sur le banc, je sondais mon environnement. Les portes de sortie, le brouhaha des gens étouffé par les murs de briques, les oiseaux nonchalants... Je les enviais, fût un temps.
Pour la première fois depuis un moment, je me sentais apaisée. Un vent frais faisait valser l'herbe et les feuilles d'arbres à un rythme régulier. La rue devant l'école n'était pas très occupée. Les voitures se faisaient rares, à mon plus grand bonheur.
J'envoyais un message à ma mère pour la rassurer, lui dire que tout allait bien.

Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais bien.

Je Rêvais D'être Un OiseauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant