Âme sœur

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Je marchai sur le trottoir au côté d'Eliot. Nous venions de terminer une longue journée de cours et rentrions chez lui à pied. Seulement 10 minutes nous séparaient d'un chocolat chaud et d'un bon gouté. Mon visage était enfoncé dans ma grosse écharpe alors que lui, il roulait sur son skateboard à toute vitesse avec comme seul protection contre le froid une petite veste. Il avait toujours été inconscient.

Après 14 ans d'amitié, je l'avais bien cerné. Je me plaisais à croire que personne ne le connaissait mieux que moi. Il fallait toujours tout lui rappeler, s'assurer qu'il avait pris ses dispositions chaque fois qu'on organisait une sortie. Il cherchait toujours à faire rire ceux qui l'entourait, la plupart du temps c'était une réussite. Pour moi, personne n'était plus drôle que lui.

- Dépêche-toi, on se les gèle, cria Eliot qui était à quelques mètres devant moi.

- Tu n'aurais pas aussi froid si tu avais pris une veste. Le réprimandai-je en accélérant la marche.

Je le regardai s'élancer sur le trottoir en pente. Il adorait cet endroit et allait toujours plus vite bien que je lui avais répété maintes fois qu'il devait faire attention. « Oui maman » répondait-il à chaque fois. Mais cette fois je ne l'avais pas dit. Cette fois, tout se passa différemment. J'avais sorti mon téléphone pour voir si en effet, je nous avais mis en retard.

16h42.

Mes oreilles sifflent, j'entends les passant s'agiter mais moi, je suis paralysée. Je finis par courir en bas de cette rue. La pente me fait prendre beaucoup de vitesse, je manque de tomber mais je continue. J'arrive sur la route où un camion bloque la circulation. Eliot est allongé au sol alors que sa planche est bien une dizaine de mètres plus loin. Je lui attrape sa main encore chaude et la serre de toute mes forces. Je crie. Je pleure. Mais rien n'y fait, ses yeux restent clos.

Des ambulanciers finirent par arriver et le retirèrent du bitume froid. Je me relevai et regardai autours de moi. Une dizaine de passants me regardaient avec pitié, tristesse et horreur mais je ne pouvais difficilement en avoir moins quelque chose à faire de leurs états d'âme.

Un policier finit par m'emmener loin de cette scène et tenta de me parler. Je répondis vaguement à ses questions. Le nom de la victime, son âge, le numéro de ses parents. En quelques secondes, tout avait changé. Je regardai ma montre brisée qui affichait toujours 16h42. 

*

Je m'appelle Eliot, j'ai 17 ans. J'adore la musique, le skateboard, me balader en forêt, mon groupe d'ami et surtout, Léna, ma meilleure amie, j'utiliserai même le terme sœur.

Oh et je crois que je suis mort. Vous allez me dire que je devrais le savoir, mais apparemment non.

J'allais trop vite, c'est clair. J'ai dérapé. La faute bête. Je ne dérape jamais comme ça, je maîtrise mon skate. Au moment où j'ai relevé la tête, j'ai vu le camion arriver, j'ai entendu un bruit de klaxon, et tout est devenu noir. Black-out total. Notez que, contrairement aux idées reçues, je n'ai pas vu ma vie défiler en quelques centièmes de secondes, j'ai juste vu les phares de ce foutu camion et je me suis dit tiens c'est bizarre ces phares allumés alors qu'il fait jour. C'est drôlement con, une dernière pensée.

Je suis aveugle, comme si j'étais coincé dans une pièce noire où la seule chose que je perçois sont mes propres pensées. Je me souviens alors de ce monologue qui m'avait tant touché.

« Les hommes de foi nous disent que la vie après la mort et l'éternité est-il possible de rester sain d'esprit pour l'éternité ? Je suis assis dans cette pièce depuis un million d'années maintenant, entretenant ces mêmes pensées. Je ne suis en aucun cas proche de la fin de l'éternité. Je prie pour la mort mais elle ne vient jamais. Juste moi et mes pensées. Il n'y a pas de vie après la mort et le bonheur se trouve dans les choses autour de nous que l'on peut contrôler. On doit se battre pour le bonheur. »

Âme sœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant