Voria - Le Cycle du Vortex, T2

Chapitre 21

Le voyage vers la planète d'Aucyne, même avec les moteurs extrêmement puissants de Met-Ahne, prit quasiment huit jours.

Les tirs qu'avait encaissé le vaisseau n'avaient pas été sans conséquences. De nombreux systèmes avaient été touchés, mais par chance, ni les vitaux, ni ceux qui permettaient la navigation dans l'ultralux. Mais une partie de l'armement et des boucliers, notamment, était en rideau – heureusement, les compensateurs qui protégeaient les voyageurs dans l'entre-dimension étaient câblés sur un système différent, sans quoi le franchissement de la Limite leur aurait été à tous fatals.

— J'ai d'excellent techniciens à la Station, indiqua Aucyne lorsque les rapports d'avarie arrivèrent. Je vous promets qu'on va prendre soin de votre beauté... !

Il caressa la paroi immaculée d'un geste précautionneux, presque sensuel, qui rappela à Claire l'air quasi extatique de ses premiers moments à bord.

— Il me plaît bien, lui, commenta Met-Ahne. Vous l'avez trouvé où, déjà ?

— Je suis à votre service, chère amie, s'inclina l'homme d'affaire. Il ne sera pas dit qu'un Kasmant néglige une merveille telle que vous !

Les lumières du carré papillotèrent, et Claire s'imagina que le vaisseau rougissait. En tout cas, leur invité ne semblait pas éprouver la répulsion instinctive des habitants du Quadrant envers les IA conscientes, et Met-Ahne était déjà sous le charme.

Etonnamment, la cohabitation forcée avec l'homme d'affaire se révélait plutôt plaisante. Sous ses dehors froids et cyniques se cachait une personnalité charmeuse qui, dotée d'un humour pince-sans-rire, les régala d'anecdotes en tout genre, issues de ses voyages sur des planètes plus exotiques les unes que les autres.

Ils apprirent ainsi à mieux connaître le contrebandier qu'ils avaient si opportunément sauvé de Margnez, et sans qui ils n'auraient jamais pu franchir l'Anneau. Ce qui n'expliquait pas comment il s'était retrouvé dans la situation très embarrassante dans laquelle ils l'avaient trouvé, et n'indiquait pas non plus qu'ils pouvaient lui faire confiance...

Comme ils l'avaient compris lors de leur première rencontre sur Maytessy, Aucyne Kasmant était à la tête, entre autres, d'une jolie petite entreprise de contrebande de denrées diverses et variées – d'où ses connaissances étendues sur les diverses planètes où ses marchandises étaient recherchées. Si la façade officielle de ses affaires était une prospère société d'import-export, tout à fait légale, il trempait aussi, manifestement et allègrement, les mains, et tout le reste du corps, dans la pègre galactique.

Cela en faisait un personnage dangereux. Il pouvait tout aussi bien les soutenir que choisir de les livrer directement à Kivilis, en signe de bonne volonté, ou alors les vendre à l'un des multiples chasseurs de prime alléché par la récompense offerte sur leurs têtes depuis l'attentat d'Armora.

Certes, il paraissait sincère. Aussi bien Claire que Marc s'accordaient sur ce point : il n'avait, pour l'instant du moins, pas l'intention de les trahir. Il n'éprouvait, de toute évidence, aucune loyauté particulière envers Kivilis, mais le bizarre respect qu'il semblait éprouver envers Camyl – qu'il appelait, comme Yavad Det parfois, Kuria, terme honorifique archaïque tiré d'un vieux mot margneralien qui n'était utilisé que parmi les Vieilles Familles – l'avait mise, d'une certaine façon, sur un piédestal. Le serment qu'il leur avait fait sur son épée, là-bas, sur Margnez, paraissait extrêmement important à ses yeux.

Ladite épée, comme ils le découvrirent bientôt, était bien plus qu'un accessoire de mode. Aucyne savait parfaitement s'en servir, même si, comme il le reconnut sans peine, les occasions de duels étaient rares. Mais sur sa planète natale, Lottaret, les hommes portaient l'épée au côté – même s'ils apprenaient également dès le plus jeune âge à se servir d'un pistolaser. Alors que Giles ricanait, Aucyne avait confié, impassible :