Chapitre 2 : Vagabons

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Je me dirigeais vers la forêt, portant dans mes bras le corps gelé de mon fils. L'avenir semblait flou, incertain, tout comme notre prochaine destination. Une brume épaisse enveloppait les lieux, tandis que les arbres, dans leurs mouvements agités, semblaient vouloir nous avertir d’un danger imminent.

Il était bien trop tard pour faire demi-tour, surtout maintenant que j'avais découvert la véritable nature de mon épouse. À chaque pas, mes pensées se tourmentaient, se heurtant à ces années perdues, gaspillées à combattre dans une guerre qui ne m’appartenait pas. Une guerre que je n'avais jamais approuvée.

Et si… Et si j'avais refusé de partir ? Ma femme et mon fils auraient-ils eu une vie meilleure ? Aurait-elle trahi mon amour ? Mon fils serait-il dans cet état ? La culpabilité me rongeait. Chaque question perçait mon cœur. Était-ce mon absence qui les avait condamnés ? Était-ce ma faute si Rowan, mon fils, gisait ainsi, à la frontière de la vie et de la mort ?

Mes bottes s’enfonçaient dans la boue à chaque pas, et mes pensées revenaient encore et encore à ce que ma vie aurait pu être… avec Rowan… si je n’étais jamais parti. Cela faisait des heures que nous avions quitté le village. Le corps frêle et famélique de Rowan frissonnait sous le froid mordant de l’hiver.

D’un geste rapide, j’arrachai un morceau de ma cape, essayant de l’envelopper dans ce maigre tissu de lin. C'était peu, trop peu, mais au moins ses sanglots se faisaient plus rares. Les frissons de son corps amaigri semblaient s’atténuer légèrement.

Il n’avait pas prononcé un mot depuis notre départ. Ses lèvres gercées semblaient comme scellées, incapables de laisser échapper le moindre son. À chaque regard que je posais sur lui, mon cœur se serrait davantage. Son visage, marqué par la faim, la crasse et les blessures, me remplissait d’une haine sourde. Une haine dirigée vers Elyana… et son amant.

La nuit tombait peu à peu, mais malgré l'obscurité et la brume oppressante, le chant des oiseaux résonnait encore, accompagné par le bruit des rongeurs sautillant de branche en branche dans les pins environnants.

Je m'arrêtai, posant doucement Rowan sur le sol. Il était temps de faire un feu, avant que le froid n'emporte ce qui restait de vie en lui. D'une main, je ramassai des branches éparpillées et récupérai des morceaux d'écorce des arbres environnants. Le cœur lourd, je commençai à construire un foyer.

Creusant un trou peu profond, j'y déposai des pierres avant d’empiler soigneusement brindilles et écorces. Mon regard se porta ensuite sur la petite bourse à ma ceinture. J'en sortis une pierre de feu, celle qui m’avait été remise lors de ma première mission.

Un objet si commun, si bon marché, et pourtant d’une valeur inestimable en cet instant. J'alluma le feu et installa Rowan près de celui ci, posant sa tête sur une de mes jambes en guise d'oreiller.

Je restais attentif aux environs, cragnant que la fumée attire un monstre curieux, toujours la main sur la garde de mon épée. Pourtant, je ne pû m'empêcher de fermer les yeux un court instant tel la fatigue m'était insupportable. La journée avait été longue et cela faisait déjà 2 jours que je n'avais pas fermé l'oeil.

Le feu mourut doucement, les dernières braises rougeoyantes luttant contre l'obscurité glaciale. Rowan n'avait pas bougé, toujours inconscient dans mes bras, son souffle à peine perceptible. Chaque seconde qui passait me rappelait combien il était fragile, combien le temps nous était compté. Rester ici ne serait que signer son arrêt de mort. Je devais continuer, avancer coûte que coûte.

Il fallait trouver un abri. Une auberge où nous pourrions nous reposer, manger, et où Rowan pourrait reprendre des forces. Une rumeur persistait parmi les voyageurs, celle d'une auberge isolée au cœur de cette forêt, un refuge pour ceux qui erraient dans ces terres désolées. Cela me semblait désormais notre seule chance de survie.

Je ramassai les quelques affaires que nous possédions, enveloppai Rowan dans ma cape, et repris la route. Le silence de la nuit était seulement brisé par le craquement des branches sous mes bottes et le murmure du vent qui s’insinuait entre les arbres. La brume était devenue si épaisse que la lune, autrefois visible, avait totalement disparu, plongeant la forêt dans une obscurité quasi complète.

Les heures passèrent, mes pas devenant de plus en plus lourds, mon esprit de plus en plus embrumé par la fatigue et le froid. La forêt semblait interminable, chaque arbre se ressemblant, comme si nous tournions en rond. Le désespoir commençait à s’insinuer en moi, tandis que je sentais le corps de Rowan devenir plus froid, plus lourd.

Puis, au loin, je crus apercevoir quelque chose. Une forme indistincte, quelque chose qui tranchait avec les silhouettes des arbres. Mon cœur battit plus fort. Était-ce l'auberge ? Je pressai le pas, le souffle court, espérant que la lumière soit celle d'un foyer. Mais à mesure que je m'approchais, je compris que ce n'était pas une auberge.

C'était une cabane. Une vieille cabane, à moitié enfoncée dans la terre, rongée par les années. Ses murs de bois semblaient pencher sous le poids du temps, et son toit était couvert de mousse et de branches mortes. Pas de lumière, pas de signe de vie. Abandonnée.

Je m'approchai avec précaution, mes espoirs se dissipant, remplacés par une résignation froide. Ce n'était pas le refuge que j'avais espéré, mais c'était tout ce que nous avions. Je poussai la porte d'un coup d'épaule. Elle grinça sinistrement, s'ouvrant sur une pièce sombre et poussiéreuse. L'air à l'intérieur était froid, presque aussi glacial qu'à l'extérieur, mais au moins, nous serions à l'abri du vent.

Je déposai Rowan sur une vieille paillasse rongée par les mites, essayant de l'envelopper du mieux que je pouvais avec ce qui restait de ma cape. Ses lèvres bleuties tremblaient légèrement, signe que le froid continuait de le ronger. Je devais faire un feu, ici aussi.

Je fouillai la cabane du regard. Un vieux poêle, rouillé et à moitié couvert de toiles d'araignée, se trouvait dans un coin. Il y avait quelques morceaux de bois pourri dans une caisse. Ça ferait l'affaire, au moins pour quelques heures. Je ramassai ce que je pouvais, rassemblai de quoi allumer un feu et, après quelques efforts et une prière silencieuse, les flammes commencèrent à danser à l’intérieur du poêle.

La cabane s’emplit peu à peu d’une chaleur légère, mais suffisante. Je m’assis à côté de Rowan, l’épuisement me submergeant. Mon corps réclamait du repos, mais mon esprit restait en éveil, hanté par la situation. Cette cabane, bien que pittoresque et désolée, offrait une certaine tranquillité, une pause dans notre course effrénée vers un refuge que je ne savais même plus comment trouver.

Le silence autour de nous devint oppressant. Aucun bruit de la forêt ne semblait nous atteindre ici, comme si la cabane était coupée du monde extérieur. Je jetai un coup d'œil à Rowan, son visage toujours pâle, mais ses frissons s'étaient un peu atténués grâce à la chaleur. Il n’était pas sauvé, pas encore, mais au moins il vivait.

Mes pensées dérivaient malgré moi vers Elyana et l’homme avec qui elle m’avait trahi. C’était de leur faute si nous étions là, perdus dans cette forêt, avec mon fils entre la vie et la mort. Mon cœur se serra, et je dus me retenir de crier ma colère dans cette nuit sans fin.

Il n’y avait plus qu’à attendre l’aube. Peut-être, avec la lumière du jour, trouverions-nous enfin un vrai refuge. Peut-être que cette forêt finirait par nous offrir une sortie, une chance de survie.

Mais pour l’instant, je restai là, à veiller sur Rowan, écoutant les crépitements du feu dans le poêle rouillé, espérant que cette nuit dans la vieille cabane ne serait pas notre dernière.

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Monster's TavernerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant