Amour Mortel

0.1

-ATTENDEZ !

Le chauffeur sursauta.Sans donner d'explication,Ella remonta dans le bus et fila à sa place récupérer le sac à main que sa mère lui avait exceptionnellement prêté pour la soirée.Elle le montra au chauffeur en passant.

-Pour un peu,je l'oubliais.Merci !

De la taille d'un livre de poche,impression crocodile,teinté bleu pétrole,il contenait ses clés,son téléphone et l'adresse du restaurant où elle avait réservé une table pour deux.

La robe fuseau qu'elle portait était également empruntée à sa mère.Malgré une étroitesse qui empêchait des foulées de plus de vingt centimètres et un blanc virginal forcément salissant,Ella avait tout de suite su,en se détaillant dans le miroir,qu'elle l'enfilerait pour son premier rendez-vous avec Zaelyn.

Cette robe lui allait à la perfection.Non seulement sa peau légèrement hâlée paraissait franchement bronzée,mais surtout Ella,sapée chic,avait l'impression d'être non pas face à une ado discrète de dix-huit ans,plus à l'aise en jeans baskets,mais au contact d'une jeune femme à l'assurance certaine,bien droite (ou un peu près) dans des bottes à haut talons,taille 38, elles aussi prêtées par sa mère :

-À te voir habillée comme ça, j'ai le sentiment que c'est moi qui vais à ce rendez-vous, lui avait dit Julia.Je sui toute émue.Il me plairait, au moins,ce Zaelyn,que je n'ai pas encore rencontré,avec qui nous t'autorisons ton père et moi,à dîner en ville un soir de semaine ?

-Mais madame Trévisse,vous le connaissez,s'était empressée de la rassurer Marianne,l'amie d'enfance de Ella qui assistait aux essayages.C'est son moniteur de plongée.

Et tout en délivrant cette information.Marianne avait réalisée qu'un fois de plus,elle n'avait pas su tenir sa langue.Pourtant elle se méfiait de Mme Trévisse,dont elle redoutait la capacité incroyable a vous faire confesser n'importe quoi : de la petite indiscrétion insignifiante à l'aveu le plus embarrassant.

Des propos intimes qu'elle s'empressait de répéter à son mari et ses deux fils aînés. « Nous sommes une famille ouverte où il n'y a pas de secrets.Entre nous on se dit tout ».

Pas étonnant que sa fille ne lui racontait rien.Devant l'air agacé de Ella,Marianne avait souri,avant de complimenter son amie :

-Heureusement que tu t'habilles pas comme ça tous les jours ! Parce qu'à tes côtés,je passerais inaperçue !

Et elle s'était empressée de la prendre en photo avec son portable, sans s'inquiéter de son accord.

-C'est pour Valeska. Qu'elle voie au moins comme tu es belle.

Marianne était physiquement l'antithèse de Ella.Grande,quand son amie était de taille moyenne.Des cheveux aux épaules,ondulés châtain clair,quand Ella les avait bruns, longs et raides.Des yeux bleus pour un regard noir.Le toit exalté par un tempérament joyeusement bruyant, un chouïa forcé,quand Selma était d'un naturel réservé.La faute à l'opulence de ses seins,paraît-il.

-Je t'assure,Ella, tu aurais une poitrine aussi avantageuse que la mienne,tu serai obligée de l'assumer.

Et Marianne d'être forte en gueule,de parler plus haut que les autres,directe et abrasive,histoire que les garçons lève la tête quand ils s'adressent à elle.

Pendant que Ella vérifiait le nom de la rue où elle se trouvait,son téléphone sonna.C'était Marianne qui s'inquiétait : est-ce qu'elle était déjà arrivée au restaurant ? Et Zaelyn, il était là ? Il ne lui avait pas posé de lapin ?

-Je sors de peine du bus,Marianne.Je cherche mon chemin là.

"T'aurai dû me laisser te déposer.Ç'aurait été plus simple."