2. Le lendemain

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Ce fut le claquement de la porte d'entrée qui le réveilla. Il se redressa en sursaut, son corps humide de sueur.
- Ça va Cha ? Pardon pour la porte, c'est dur de la fermer silencieusement. T'as bien dormi ?
Il hocha difficilement la tête, sans oser regarder son ami dans les yeux.
- Je suis vraiment désolé pour hier soir, j'avais totalement zappé que tu devais passer. Tu... Enfin, je sais pas trop à quelle heure tu es arrivé...
Au vu de l'heure des messages, il devait avoir sa petite idée. Bien qu'au courant de la réponse qu'il cherchait, Sacha haussa les épaules.
- Eh, je vois bien que t'oses même plus me regarder. T'es arrivé quand Océane et moi on couchait ensemble, c'est ça ?
Son ton était léger, mais il ne parvenait pas à savoir si son détachement était feint ou non. Il se contenta de hocher la tête.
- Désolé vieux... Je pensais pas que ça pouvait arriver, je t'ai dit, j'avais zappé. On t'a pas empêché de dormir au moins ?
Incapable de dire la vérité, il secoua la tête :
- Non, pas du tout. J'ai mis mes écouteurs et je ne vous ai plus entendu.
- Tant mieux, tant mieux. Encore désolé hein.
- C'est rien.
En disant cela, il se força à le regarder en souriant, comme si de rien n'était. Pourtant, en voyant son visage, un brin juvénile, son sourire complice et son regard profond, il ne put s'empêcher de repenser à ce même visage, avec l'expression de pure jouissance qu'il arborait la veille. Sacha rougit furieusement.
Heureusement, Gabin sembla ne rien remarquer et demanda simplement :
- Je te sers un café ?
Il approuva et profita qu'il ait le dos tourné pour se rhabiller. Après une toux un peu forcé, il regarda autour de lui et questionna :
- Océane est partie ?
- Oui, oui. Elle reste rarement là le week-end de toute façon. Puis quand elle a vu que t'étais là, elle était gênée. Elle faisait que répéter qu'hier on n'avait même pas fermé la porte de la chambre et que t'aurais pu tout voir... Enfin, elle était un peu parano.
De nouveau, les joues de Sacha prirent une belle couleur pivoine.
- Non, non, elle n'était pas ouverte. Enfin, je n'ai pas vu quoi. Je n'ai pas quitté le canapé, puis comme je t'ai dit, j'ai presque rien entendu avec les écouteurs.
Gabin hocha la tête, amusé.
- Oui, oui, je me doute.
Comment pouvait-il être aussi détaché de tout ça ? Son ami était pourtant quelqu'un d'assez pudique. Si la nudité ne le dérangeait que peu, tous deux n'avaient jamais partagé les détails de leur vie sexuelle, qu'ils jugeaient comme trop intime. Pourtant, Gabin ne semblait pas si dérangé par le fait que son meilleur ami ait pu l'entendre en plein ébats sexuels. Sacha secoua la tête. En même temps, avec la version qu'il avait eu, il n'avait pas trop de quoi s'inquiéter. S'il avait su que non seulement il les avait entendus, mais qu'il les avait aussi observé l'espace de quelques secondes et les avait écouté jusqu'au bout, faisant lui aussi de son corps un moment charnel, il n'aurait probablement pas réagi de la même manière.
- Eh, ça va ?
D'un geste anodin, Gabin fit claquer doucement sa main sur sa cuisse mais le contact lui fit presque peur. Il retira sa jambe puis bredouilla pour s'expliquer :
- Oui, pardon. Je suis juste un peu fatigué. C'est la séance d'hier.
- Ok, ok. Si c'est par rapport à hier, tu me dirais ?
- Non, non, vraiment pas.
- "Non" ce n'est pas par rapport à hier ou "non" tu ne me le dirais pas ?
Il rit nerveusement.
- Non gars, c'est juste que c'était chelou de tomber sur toi comme ça, dans cette position... Enfin, dans cette situation quoi. Mais c'est tout, c'est rien, je suis passé à autre chose.
Cette fois, Gabin paraissait aussi un peu mal à l'aise, ce qui eut pour effet de le rassurer. Au moins, il n'était pas le seul.
Après quelques minutes de flottement, ils engagèrent une conversation sur un autre sujet tout en buvant leur café, le moment de gêne était passé. Alors qu'ils rangeaient la vaisselle, Gabin demanda :
- Tu viens ce soir ? C'est Max qui fait une soirée.
- Oh, oui j'avais oublié. Oui pourquoi pas, j'ai rien de prévu.
- Dac, tu peux passer la journée ici si tu veux. La douche est à toi. Tu devrais en profiter pour te raser mec.
Sacha passa la main dans sa barbe et approuva. Son ami lui fournit une serviette et il se dirigea vers la salle de bain, heureux de pouvoir se laver. Il se sentait encore moite de la nuit qu'il venait de passer. Ce fut seulement lorsqu'il se retrouva nu devant la glace, qu'il repensa à sa vision d'hier. Il connaissait bien le corps de son ami, ils nageaient souvent ensemble. Pourtant, c'était comme s'il avait observé une autre personne à ce moment-là. Chaque courbe de son corps, chaque muscle lui avait semblé nouveau. Quelle étrange sensation que de voir son ami dans une telle posture.
Sans même qu'il ne s'en rende compte, son corps s'était réveillé à nouveau, à la simple pensée de cette nuit. Il mit ça sur le compte de ces derniers mois, qui avaient été assez avares en relation charnelles. Cela avait été pareil hier soir, son corps avait juste besoin de se défouler. Sans penser à rien, de façon presque automatique, il assouvit sa pulsion sous l'eau de la douche.

Le soir arriva rapidement. Les deux amis avaient passé une journée tranquille, à jouer aux jeux vidéos ou à discuter de leur vie respective, bien qu'il n'y eut rien vraiment de nouveau.
Gabin, coquet comme il était, passa un bon moment dans la salle de bain, à se laver, se parfumer, s'habiller et se coiffer. Enfin, se coiffer était un grand mot car ses boucles étaient depuis toujours indisciplinées, mais il y mettait du soin. Sacha lui, n'avait de toute manière pas de quoi se changer, et se contenterait donc de ce qu'il avait sur lui.
- T'es sûr que tu veux pas un autre tee-shirt ou une chemise ?
- Mais non... Puis c'est Max, il s'en fout...
- Oui mais il y aura peut-être des jolies filles...
Il lui fit un sourire plein de sous-entendus.
- C'est vrai, mais ça ne me fait pas changer d'avis. Elles n'ont qu'à m'aimer comme je suis.
Son ami éclata d'un rire cristallin et tous deux sortirent de l'appartement.
Arrivés chez leur pote, Gabin l'empêcha d'avancer d'une main sur son épaule.
- Attends, on attend Océane, elle arrive là.
- Oh, je savais pas qu'elle venait.
Il repensa à la dernière fois qu'il l'avait vu et bégaya quelque peu en disant :
- Je devrais sûrement monter. Tu m'as dit qu'elle était gênée ce matin alors...
- Non... Ça devrait aller... Il faut bien que vous puissiez être dans la même pièce quand même...
- Je préfère pas, on se retrouve là-haut.
Sans attendre de réponse, il sonna à l'interphone et entra dès qu'on lui eut ouvert. Par chance, ce fut Maxime qui lui ouvrit la porte une fois arrivé en haut :
- Cha ! Trop cool que tu sois là, y a pas Gab avec toi ?
- Si, si. Il est en bas, il attend sa copine et ils montent.
- Top !
Il fut surpris en entrant à l'intérieur. Les soirées chez lui étaient, d'habitude, plutôt calmes. Là, on aurait dit une fête étudiante avec une musique bien trop forte pour discuter et de l'alcool bien trop fort aussi pour pouvoir y penser de toute façon. Il regretta presque instantanément d'être venu. Depuis qu'il avait quitté les études, ce genre de réjouissances lui avait déplu.
Tant bien que mal, il salua quelques potes et quelques connaissances, et fut présenté à d'autres personnes qu'il rencontrait pour la première fois. Comme Gabin l'avait prédit, il y avait effectivement beaucoup de jeunes femmes de son âge, dont certaines lui plurent presque immédiatement. Mais il n'avait pas envie d'un coup d'un soir, et se savait de toute manière, extrêmement nul en drague. Il accepta donc un verre le temps que son ami arrive, en espérant qu'Océane ne serait pas trop dérangée par sa présence.
Par chance, ça ne semblait pas être le cas. Peut-être grâce à l'euphorie de la soirée, la jeune femme souriait et riait, tout en lui parlant comme si de rien n'était. Si elle faisait semblant, ça restait très bien fait. Gabin était particulièrement de bonne humeur, ce qui lui permit de se détendre et de se satisfaire de l'ambiance de la soirée qui n'était, ma foi, pas si mauvaise.

Vision NocturneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant