3. Une soirée intense

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Sacha enchaîna les verres d'alcool, bien plus vite qu'il ne se l'imaginait. Bientôt, il se retrouva à entamer une danse un peu trop sensuelle avec une fille un peu plus jeune que lui, dont il ignorait le nom. Cette dernière, charmante et enjouée, ne cessait de se coller à lui, tout en effleurant son cou avec ses lèvres. Les chansons passaient mais leur danse ne changea pas, se faisant simplement un peu plus suggestive à chaque fois. Au bout d'un certain moment, Sacha n'aurait pas pu l'estimer, il fut tiré par le bras d'un geste brusque. Il se retrouva face à Gabin, surpris.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
Il sentit bien que les syllabes n'étaient pas très claires et commença à réaliser son niveau d'alcoolémie.
- Quoi, "qu'est-ce qu'il y a ?" ? Tu fais quoi avec cette meuf ? Tu la connais même pas !
- Et alors ? Je suis libre à ce que je sache...
- Non mais ok, t'es surtout bien bourré. Prends son numéro si tu veux, mais ne fais pas ça ce soir, s'il te plait.
L'air demandant de son ami l'étonna. Il parvint à bredouiller simplement :
- Mais, pourquoi ?
- Parce que ! T'es pas du genre à faire ça et demain, tu regretteras. Viens, on va boire de l'eau.
Ennuyé, Sacha se contenta de faire un signe de main à la fille, qui lui répondit avec un clin d'œil. Il commençait à être excité. Gabin ne l'emmena pas vers la cuisine, sûrement à cause du monde qu'il y avait, mais directement à la salle de bain. Il referma la porte derrière eux, ouvrit grand le robinet et ordonna :
- Tiens, bois.
Il obéit. Après de longues gorgées, il se redressa et sa vision se brouilla un instant.
- Ça va ?
Gabin s'était rapproché de lui et posa ses deux mains sur ses épaules, pour le retenir de vaciller. Son visage était soucieux, malgré l'alcool qui détendait ses traits. Sa bouche se tordait en une moue assez adorable.
- Eh oh, ça va ?
Ce fut presque instinctif. Sans réfléchir, il pencha sa tête vers celle de son ami, dans l'espoir d'y découvrir ses lèvres. Il n'eut pas le temps de les sentir contre les siennes qu'il fut vivement repoussé.
- Oh ! Ça va pas oui ?!
L'air furieux de son ami le fit regretter directement. Mais rapidement, Gabin secoua la tête et eut un rire fébrile :
- Dis donc, elle t'as drôlement chauffé cette meuf. Tu devrais aller te coucher.
- Pardon vieux, je sais pas ce qu'il m'a pris. J'ai trop bu...
- J'ai bien vu !
Il eut beau rire, le cœur n'y était pas.
Quand enfin Gabin repartit de son côté, il décida de s'échapper de la soirée. Il n'avait plus envie d'être là. À l'abri des regards et des questions, il récupéra sa veste et sortit discrètement. Seule l'une des personnes à l'entrée l'arrêta pour savoir s'il partait déjà, mais il s'en sortit en prétextant qu'il allait fumer.
Une fois dehors, l'air frais lui fouetta agréablement le visage. Il avait besoin de se mettre les idées au clair. Qu'est-ce qui lui avait pris de vouloir embrasser Gabin ? L'alcool lui avait fait faire bien des choses, mais c'était la première fois qu'il perdait autant le contrôle. Déjà qu'ils avaient dû affronter un moment de gêne ce matin, est-ce que ça allait devoir recommencer le lendemain ?
Sacha déambula dans les rues, sans vraiment savoir où il était. Après ce qui lui sembla être des heures, il crut enfin reconnaître une rue, avant de réaliser qu'il avait tourné en rond. Il n'aurait pas dû partir.
- Cha ? Qu'est-ce que tu fous là bordel ? Ça fait une demi-heure que je te cherche !
Il se retourna et fit face à Gabin. Sans réfléchir il lui tourna le dos et continua de marcher, refusant de lui faire face.
- Oh ! Tu m'ignores maintenant ? C'est bon, viens avec moi, je te ramène.
D'un geste affectif, il lui prit le bras et le guida à travers la ville silencieuse.
- Ça fait bien longtemps que je t'avais pas vu aussi bourré mec. Qu'est-ce qu'il t'a pris ?
- Je suis désolé, je voulais pas t'embrasser, c'est juste la meuf qui...
- Non, je parlais pas de ça... T'inquiète, c'est oublié.
- Non, mais tout est bizarre depuis ce matin...
Sacha ne contrôlait plus ce qu'il disait. Il le sentait.
- Comment ça depuis ce matin ? Tu veux dire... Oh. C'est-à-dire "bizarre" ?
- De t'avoir vu comme ça... Je voulais pas...
Son ami s'arrêta et il sut qu'il venait de faire une gaffe.
- Tu nous as vu ?
Il refusa de répondre. Si son cerveau ne filtrait plus rien et que ses lèvres ne lui obéissaient plus, il préférait se taire. Gabin continua de le questionner quelques fois le long du trajet mais il tint bon. Ses pensées étaient toutes embrouillées.
Devant la porte, il regarda l'immeuble et dit sans conviction :
- C'est pas chez moi...
- Non, c'est chez moi patate.
- Mais... Océane ?
- C'est bon, elle dort chez elle. Et si t'es déçu de pas pouvoir jouer au voyeur, je te laisse sur le pas de la porte.
- Gab... Je voulais pas...
- C'est bon, je sais.
Il le poussa presque jusqu'à son appartement, et lui proposa de s'asseoir dans le canapé. Heureusement, il revenait à lui peu à peu. Après quelques verres d'eau, Gabin demanda :
- Alors, ça va mieux ?
- Oui, merci.
Il lui tapa dans le dos affectueusement, puis enleva son tee-shirt. Sans même le vouloir, Sacha regarda attentivement le geste, puis resta quelques instants à observer son torse nu. Il fit semblant de regarder quelque chose derrière lui quand son ami surprit son regard. Tous deux furent affreusement gênés.
- Je vais me doucher rapidement, je peux te laisser ici sans que tu fasses des conneries ?
- Oui, bien sûr.
Il n'osa pas croiser son regard et resta immobile les minutes qui suivirent. Il réagit simplement lorsqu'il entendit l'eau couler et procéda à se déshabiller pour dormir. Lorsqu'il fut en caleçon, l'eau de la douche se coupa et la porte de la salle de bain grinça.
- Tu veux te rincer, toi ?
- Non, ça ira.
Dans son état, il n'en avait plus la force.
- Et tu veux que je te file un caleçon ? J'imagine que t'en as plus des propres.
- Non, non... Peut-être demain, on verra. Je peux venir me laver les dents ?
- Euh... Oui, viens.
Il se leva, titubant encore légèrement, fouilla dans son sac à dos pour trouver sa brosse à dent et alla vers la salle de bain. En ouvrant la porte, il se retrouva face à Gabin, simplement vêtu d'une serviette. Il resta bêtement interdit dans l'encadrement, sans faire un geste. Son ami leva les yeux au ciel :
- Tu perches, redescends.
Le mouvement des pupilles fut comme un flash-back. Gabin, nu, dans son lit, le bassin remuant de plaisir. Il cessa immédiatement de fixer son ami quand il sentit une chaleur entre ses jambes.
- Pardon, je veux juste me laver les dents.
- Oui, j'avais comp-
Il arrêta sa phrase. C'était trop tard, il avait vu. Ça avait été rapide, mais son regard s'était posé sur son caleçon l'espace d'une seconde. Sacha secoua vivement la tête.
- Je suis désolé, je repensais à la meuf de tout à l'heure et...
- Eh, je comprends, t'en fais pas. Essaie de te calmer, prends une douche si tu veux, moi je vais changer les draps.
- Changer les draps ?
- Oui, on dort ensemble si ça te va.
Il était étonné et ça devait se voir sur son visage. Gabin parut gêné.
- Enfin, si ça te dérange pas hein. D'habitude je te fais dormir sur le canap' parce qu'il y a Océane, ou alors parce que je dors déjà quand t'arrives. Mais là, je me disais... Puis, vu ton état...
- Oui, non, pardon. Ça me va très bien le lit. C'est bien. C'est mieux.
- Parfait alors.
Comme son ami lui avait demandé, il essaya de se calmer. Mais ça s'avérait difficile. Il essayait de se persuader que c'était cette danse collés-serrés avec cette fille qui l'avait mis dans un tel état. Mais aux dernières nouvelles, il avait été particulièrement normal avant de voir son ami à moitié nu, lever les yeux au ciel.
Il dut attendre bien dix minutes, à penser à des choses aussi réjouissantes que la catastrophe climatique et la misère dans le monde, pour que l'intérieur de son caleçon se remette en place.

Quand il arriva dans la chambre, son ami était déjà couché, seule sa chevelure épaisse ressortait de sous la couverture, ce qui le fit rire. Gabin jeta un œil dans sa direction :
- Qu'est-ce qui te fait marrer comme ça ?
- Toi.
Il grommela en guise de réponse. Le pas peu assuré, Sacha se glissa sous la couverture. Une douce chaleur enveloppa son corps.
- Ça va mieux ?
Il ne sut pas s'il parlait de son alcoolémie ou de son "petit problème" de tout à l'heure. Dans le doute, il répondit tout simplement :
- Oui.
Le silence se fit, mais il sentait que son ami ne dormait pas du tout. Lui-même gardait les yeux grand ouverts. Au bout de quelque minutes, Gabin chuchota :
- Dis, par rapport à tout à l'heure...
- Je préfère pas en parler.
Son ton était un peu trop sec, un peu trop cassant. Mais il préférait vraiment oublier tout ça.
- Je sais mais... Non rien.
Il soupira. Sacha sentait que ça le tourmentait. À regret, il demanda :
- Bon... quoi ?
- C'était par rapport à moi ?
- Non ! Bien sûr que non !
- Pardon...
- Non mais tu me connais ! C'est juste que j'ai trop bu et que j'ai repensé à la meuf et... Ça m'a fait de l'effet, c'est tout.
- Je parlais plutôt de... Non rien, laisse tomber.
Sacha sentit le feu lui monter aux joues quand il comprit que son ami parlait du moment où il avait failli l'embrasser. Heureusement, il n'insista pas.
Lorsque Gabin changea de position, son bras frôla le sien et resta ainsi, laissant quelques centimètres carrés de leurs peaux nues en contact. Il ferma fort les yeux, en se demandant s'il devait se décaler, mais il ne voulait pas que son ami se méprenne. Après tout, quelques jours auparavant, cette situation n'aurait rien eu d'exceptionnel. Il essaya de dormir mais Gabin était bouillant, et il ne pouvait s'empêcher de penser à ce contact.
Une pensée lui traversa l'esprit et il sut que quelque chose ne tournait définitivement pas rond dans sa tête. En réalisant que sa main était juste à côté de la sienne, il avait eu envie de la prendre dans la sienne.
- Arrête de bouger.
Il se tourna vers le jeune homme, qui venait de lui mettre un coup de coude.
- Quoi ?
- Avec ton pied là, t'arrêtes pas de remuer.
- Pardon.
En faisant ce geste, la main de Gabin était retombée sur son avant bras, et était restée là. C'était pour le moins inhabituel. Pourquoi ne l'enlevait-il pas ? Son cœur battait si fort qu'il avait l'impression qu'il s'entendait dans toute la pièce.
- Gab ?
- Mmmh...
- Tu peux enlever ta main s'te plaît ?
Il la retira comme s'il s'était brûlé.
- Oh pardon.
- T'es brûlant en plus.
- Ouais, désolé. J'ai chaud.
- Il fait froid pourtant.
- C'est l'alcool.
Il n'ajouta rien. Les battements de son cœur continuèrent de résonner.
- Ton cœur bat super fort dis donc.
- C'est l'alcool.
La réponse fut si immédiate qu'elle fit rire Gabin. Puis, sans qu'il s'y attende, sa main, douce et agréablement tiède, se posa sur sa poitrine. Sa respiration en fut coupée.
- T'es sûr que ça va Cha ? T'as bu assez d'eau ?
Son ami se pencha sur lui et une vague de désir l'emporta. Sans trop voir, il tâtonna son visage de ses mains, puis la passa dans ses cheveux. Il pensait se faire rejeter immédiatement mais Gabin n'en fit rien. Il se laissa faire. Alors Sacha, dont l'excitation montait ardemment, tenta de rapprocher légèrement son visage du sien, en l'attirant avec sa main. Il s'arrêta lorsqu'il resta quelque centimètres d'écart. Il avait peur. Son cerveau ne fonctionnait plus comme il fallait, il ne réfléchissait pas.
Leurs respirations s'entremêlèrent, il sentait son haleine chaude et mentholée contre ses lèvres. Au bout de quelques secondes qui s'éternisèrent, alors qu'il en pouvait plus et qu'il allait craquer - sans savoir s'il allait le repousser ou l'embrasser - Gabin planta sa bouche sur la sienne.
À ce moment-là, plus rien ne compta. Le monde autour de lui s'évapora tandis qu'il s'emparait de ses lèvres avec passion. Tout son corps était en ébullition et ne demandait qu'à se coller au sien. Tout se passait très vite, ils tournaient et viraient dans le lit, à la recherche de toujours plus de contact. Leurs bouches se découvraient, leurs langues se caressaient, leurs mains se baladaient. C'était à peine s'il parvenait à respirer correctement. Il dit adieu à la pudeur lorsqu'il vint plaquer une main sur ses fesses rondes et musclées, et qu'il colla son bassin au sien, pour sentir son excitation. Lorsque leurs sexes, au travers de leurs sous-vêtements, entrèrent en contact, tout s'arrêta.
Leurs gestes se firent plus timides, leurs baisers plus espacés. Le moment était passé et la gêne était palpable. Ce fut Sacha qui se recula un peu et murmura dans un faux rire :
- Qu'est-ce qu'on fout putain...
Gabin, encore essoufflé, rit aussi faussement que lui.
- Pardon... j'ai beaucoup bu aussi. Je sais pas ce qu'il m'a pris. C'est des conneries...
- Ouais, des conneries, c'est sûr.
Les deux jeunes hommes se séparèrent, avec un mélange de regret et de soulagement. Loin l'un de l'autre, ils ne dirent plus rien, tandis que leurs corps mettaient du temps à se calmer.

Vision NocturneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant