4. Franchir la limite

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Quand il se réveilla, Sacha mit un instant à se remémorer les évènements de la veille et il en mit encore plus à réaliser qu'il n'était donc pas seul dans le lit. C'était même pire que ça, Gabin était allongé derrière lui, son torse presque collé contre son dos, sa main nonchalamment posée sur sa hanche. Lorsqu'il essaya de se dégager, son ami resserra son étreinte un peu plus fort, se collant encore plus contre lui. Ce geste le fit frissonner. D'une voix rauque, il entendit dans son oreille :
- Salut toi...
Qu'est-ce qui lui prenait ? Hésitant sur la conduite à tenir, il bredouilla :
- Euh... Salut ?
Le corps derrière lui se raidit, avant de se reculer d'un bond. Il se retourna et vit son ami, assis sur le rebord du lit, qui l'observait avec surprise :
- Pardon ! Pardon... J'ai l'habitude de dormir avec Océane.
Il se prit la tête entre les mains. Pour essayer de détendre l'atmosphère, Sacha demanda avec un demi sourire :
- Et alors ? J'ai la même carrure qu'elle ?
Gabin laissa échapper un petit rire et secoua négativement la tête. Ses yeux étaient encore gonflés de sommeil. Quand leurs regards se croisèrent, il fronça les sourcils comme s'il essayait de se rappeler de quelque chose. Puis en quelques secondes, ses yeux s'agrandissèrent comme des billes et son visage devint aussi rouge qu'une tomate. Sacha sut immédiatement à quoi il pensait.
Gabin se défit alors des draps dans des mouvements maladroits et précipités. Encore en caleçon, il semblait tout à coup être devenu timide et se mit à chercher des vêtements aussi rapidement que possible.
- T'as des choses à faire aujourd'hui ?
On était dimanche, et non, il n'avait rien de prévu. Mais au ton de son ami, il préféra répondre :
- Ouais, j'ai pas mal de trucs à faire. Je vais pas tarder à partir.
Le soulagement se lut sur le visage de Gabin.

Quand il arriva au niveau de la porte pour lui dire au revoir, il eut une étrange sensation. Comme s'il n'allait plus jamais le revoir, comme si, à force de gêne, il aurait préféré le rayer de sa vie. Il se sentit ridicule quand il dit, sur le palier :
- On se revoit ?
Gabin sembla hésiter, puis tout d'un coup se rapprocha de lui pour le prendre dans ses bras, ce qu'il ne faisait que très rarement.
- Bien sûr qu'on se revoit.
Puis il se recula et ferma la porte.

Il dut attendre une semaine pour avoir de ses nouvelles. Lui-même ne lui en avait pas donné, ce qui n'arrivait jamais à moins qu'il ne soit très pris par le travail, ce qui n'était pas vraiment le cas. Gabin l'invitait à une soirée qu'il organisait - ou plutôt que sa copine organisait - chez lui, le soir même. Il accepta évidemment immédiatement, mais ne put s'empêcher de remarquer que le message était un peu trop formel, il manquait de naturel.
Sacha fit exprès d'arriver un peu en retard, pour être sûr de ne pas avoir à se retrouver seul à seul avec le couple. Il avait bien fait. Ce fut Océane qui lui ouvrit tout sourire en s'exclamant :
- Sacha ! On ne t'attendait plus !
Une dizaine de personnes étaient éparpillés dans le petit appartement, la plupart réunies autour du canapé. Il y avait une petite musique de fond, les gens parlaient fort mais l'ambiance était tout de même paisible. Gabin s'approcha et l'enlaça pour lui dire bonjour, ce qui le surprit une fois de plus, mais il ne fit pas de remarque.
Rapidement, il sympathisa avec des collègues d'Océane, qui avaient une discussion légère et drôle, ce qui lui convenait parfaitement ce soir-là.
L'apéro s'éternisa et Sacha commençait à avoir faim. Il n'avait bu qu'une bière et s'était contenté de verres d'eau pétillante le reste du temps. Il ne voulait pas finir comme la dernière fois, surtout que cette fois-ci, les gens avaient l'air de bien se tenir. Il alla voir Gabin dans la cuisine et demanda :
- Vous avez prévu quoi à manger ?
- Océ a fait des pizzas je crois. T'as faim ?
- Ouais un peu. Mais ça peut attendre, te dérange pas.
Il lui sourit. Toute leur complicité semblait s'être envolée. Ils ressemblaient à des inconnus qui se réfugiaient derrière politesse et conventions. Sentant que la conversation ne viendrait pas naturellement, les deux amis rejoignirent les autres au salon.

Vision NocturneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant