9. Distance et vengeance

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Ils dormirent collés dans un canapé trop petit ce soir-là et quand il se réveilla avec un mal de dos terrible, Gabin était parti. Il n’avait rien arrangé, bien au contraire. Son ami recommença à l’ignorer à moitié, se contentant de répondre vaguement à ses messages, prétextant une masse de travail écrasante.
Sacha ne supportait pas ce rejet déguisé. Gabin devenait plus distant, plus réservé, et il comprit vite que qu'il essayait de reprendre le contrôle, d'effacer ce qui s’était passé. Il passait de plus en plus de temps avec Océane, cherchant désespérément à retrouver une forme de normalité. Sacha avait beau faire autre chose, se noyer dans le travail, voir des amis, regarder des films, tout le ramenait à lui.
Ils se retrouvèrent à une fête une quinzaine de jours plus tard. Deux semaines durant lesquelles ils ne s’étaient pas vu une seule fois. Ça n’arrivait presque jamais et son ami lui manquait terriblement. Gabin ne savait peut-être pas qu’il serait là car il arriva bras dessus, bras dessous avec Océane. Dès qu’il les aperçut, Sacha sentit la même colère refoulée revenir. Cette soirée, il ne la passerait pas à les regarder jouer aux amoureux parfaits. Non. Pas cette fois.
Une heure plus tard, il repéra une fille qui semblait lui lancer des regards depuis un moment. Elle était jolie, et sous d’autres circonstances, il aurait peut-être été vraiment intéressé. Mais là, tout ce qu’il voulait, c’était se changer les idées. Il se leva donc de sa chaise, se dirigeant vers la elle d’un pas déterminé.
— Salut, dit-il en lui souriant.
Elle lui répondit par un sourire amusé, et la conversation démarra rapidement. Il la charmait avec facilité, mais tout cela sonnait faux pour lui. Derrière son sourire, Sacha jetait des coups d’œil à Gabin. La fille s’appelait Fiona et était très sympathique. Elle ne lui fit pas miroiter une longue relation romantique mais fut honnête sur ses intentions.
Finalement, il ne leur fallut que quelques minutes de flirt avant qu’il ne lui proposa de monter à l’étage. Elle accepta sans hésiter, et ils montèrent ensemble. Sacha s’enferma avec elle dans une chambre au hasard, mais à peine la porte fermée, il sut qu’il ne pourrait rien faire. Il n’avait aucun désir pour elle. Il s’en fichait, en réalité, mais se laissa tout de même vaguement embrasser, ne sachant pas trop comment réagir, avant de repousser Fiona.
— Laisse tomber, j’en ai pas envie finalement.
— Oh, je vais te laisser alors.
— Non, s’il te plaît, reste.
Elle le regarda, interloquée.
— Pourquoi tu veux que je reste si t’as pas envie qu'on baise ?
— Je peux pas redescendre… c'est compliqué.
Il n’eut pas besoin de s’expliquer car la porte s’ouvrit brusquement. Gabin se tenait là, son visage fermé, visiblement furieux.
— Qu’est-ce que tu fous, Sacha ? lâcha-t-il, la voix froide.
La fille, embarrassée, profita de cette entrée pour se lever rapidement et quitter la pièce en silence. Sacha se leva du lit et croisa les bras, défiant son ami du regard.
— Qu’est-ce que ça peut te faire ? demanda-t-il, provocateur. T’es trop occupé avec Océane, non ?
Gabin s’approcha, visiblement hors de lui.
— Arrête tes conneries, Sacha. Pourquoi tu fais ça ?
— Mais parce que j’en ai envie, merde !
— T’en as envie ? Tu la connais depuis dix minutes et t’as envie de la sauter ?
— Oui ! Parce que ça fait longtemps que j’ai sauté personne, figure-toi !
Gabin accusa le coup.
— T’es vraiment un connard.
— Je suis un connard ? C’est toi qui m’ignores depuis des jours. T’es là, à jouer les petits copains parfaits avec Océane, comme si rien de tout ça n’était arrivé.
— Parce que je suis avec elle ! Je dois bien essayer de faire les choses correctement !
— Ouais, bien sûr, répliqua Sacha, une ironie amère dans la voix. C’est ça, continue de te convaincre.
— Je ne me convainc pas, il se trouve juste que j'ai une copine. C'est ma vie, ça.
— C’est ta vie quand tu le décides oui. C'était aussi ta vie quand je t’ai baisé sur mon canap’. Ça t’a pas dérangé à ce que je sache.
La gifle fut brutale et douloureuse. Elle résonna longtemps dans la pièce. Il ne fit rien, il savait qu'il l’avait mérité. Les bras ballants, il attendit les coups.
Mais Gabin continuait seulement de le regarder avec haine.
— Tu vois bien que c'est pas normal ce que tu fais. Tu te rends compte que t’es jaloux d’Océane ?! Tu crois qu’on peut continuer comme ça ?
— C’est moi qui suis jaloux ? Mec, tu m’as suivi parce que je suis parti baiser une meuf. Je t’avais rien demandé.
— Parce que ça ne te ressemble pas ! C'est tout !
Ils se fixèrent en silence, le regard lourd de non-dits. Ils ne savaient plus quoi faire, ni comment sortir de cette situation qui devenait de plus en plus inextricable.
Gabin soupira, baissant les yeux, visiblement épuisé.
— Je sais pas ce qu’on est censé faire, souffla-t-il finalement.
— Moi non plus, répondit Sacha, presque dans un murmure.

Vision NocturneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant