13. Loin de lui

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Le lendemain matin, Sacha se réveilla avec un sentiment étrange de calme. Pour la première fois depuis des jours, il avait enfin réussi à dormir sans être hanté par des pensées tourmentées. Même s'il sentait toujours la tristesse peser lourd dans son cœur, il se sentait un peu reposé. Ça faisait du bien. Il s’étira, passa une main dans ses cheveux roux en bataille, et se leva.
Dans la cuisine, sa sœur était déjà installée, une tasse de café à la main. Elle lui adressa un sourire en le voyant arriver.
— Bien dormi ? demanda-t-elle en lui désignant la cafetière.
— Ouais… enfin. Ça fait du bien.
Il se servit une tasse et s’assit en face d’elle. Ils mangèrent en silence pendant quelques minutes. Sacha n’avait pas faim, mais il mâchait machinalement son pain grillé. Emilie, de son côté, avait ce petit air pensif qui laissait deviner qu’elle avait quelque chose à dire.
Finalement, elle posa sa tasse et se tourna vers lui, les bras croisés sur la table.
— J’ai réfléchi à ton histoire, tu sais. Et honnêtement, je pense que Gabin est un connard.
Il la regarda, surpris par la brutalité de sa déclaration.
— Quoi ? Mais… il n’est pas un connard, c’est juste… compliqué.
Émilie haussa les épaules, adoptant son ton cynique habituel.
— Ah ouais, super “compliqué”. Le mec te traîne dans une relation où il te donne des miettes, te fait espérer, et derrière, il te balance que c’était “rien”. Franchement, il se fout un peu de ta gueule, non ? Moi je trouve ça un peu connard sur les bords.
Sacha fronça les sourcils, clairement mal à l'aise, mais il secoua la tête en signe de désaccord.
— Non, c'est pas juste. Gabin ne m’a jamais promis quoi que ce soit, et je crois qu’au début, même moi je savais pas trop dans quoi on s’embarquait. Il a été aussi paumé que moi, on a jamais vraiment su comment gérer… enfin, cette situation. C’est pas comme s’il m’avait fait miroiter des trucs.
Émilie le fixa un instant, évaluant ses paroles, avant de soupirer.
— D’accord, peut-être. Mais ça n’empêche qu’il t’a laissé espérer quelque chose, sans vraiment être honnête avec toi ou avec lui-même. Au final, tu t'es retrouvé coincé dans un truc où tu donnes tout, et lui, il te laisse dans l'incertitude.
Sacha resta silencieux un moment. Ils avaient tous les deux été tellement frileux, à éviter les discussions sérieuses, à contourner ce qu’ils ressentaient réellement. Comment blâmer Gabin quand il avait fait la même chose ?
— Ouais, mais c’était dur pour lui aussi. Il savait pas ce qu’il ressentait… Tout ça, ça lui est tombé dessus comme à moi. Puis il avait Océane… On a juste… on a juste avancé sans trop savoir ce qu’on faisait.
Émilie lui jeta un regard mi-compatissant, mi-sceptique.
— Justement, parlons-en d’Océane. Il a rompu avec sa copine pour toi – oh ne joue pas sur les mots, c’était clairement pour toi – et ça, c’est donner de l’espoir ! Toi, au moins, t’es clair avec ce que tu ressens maintenant, enfin, plus ou moins. Lui, il t’a laissé avec des demi-mesures, et ça, c’est pas franchement glorieux.
Sacha serra les lèvres, incapable de répondre.
— Écoute, je sais que c’est dur, mais t'as pas besoin de ça dans ta vie. Sérieux, si tu veux passer à autre chose, je connais des potes qui pourraient t'intéresser. Gay, bi, ils sont cools. Tu devrais sortir, voir d’autres gens.
Il écarquilla les yeux, complètement outré par la suggestion.
— Attends… quoi ?! Mais je suis pas gay ! Ni bi, d’ailleurs !
Émilie arqua un sourcil, une moue amusée sur le visage.
— Ah ouais ? Pourtant, coucher avec ton meilleur pote, c’est pas franchement ce que j’appelle une démarche très hétéro, tu vois ce que je veux dire ?
Sacha rougit, embarrassé et un peu agacé par son ton moqueur. Il bégaya :
— C’est… c’est pas pareil, c’était… juste une histoire entre nous.
Émilie eut un petit rire en secouant la tête.
— Ouais, ouais, comme tu veux. Je me moque pas de toi, tu fais bien ce qu’il te plaît. Mais si jamais t'as envie de rencontrer d'autres personnes, sache que j’ai quelques contacts sous la main.
Sacha poussa un soupir en se frottant les tempes, exaspéré par sa grande sœur.
— Merci pour ton offre, mais c’est pas vraiment ce que je cherche là. Je veux juste oublier tout ça, dans le calme.
Émilie hocha la tête, enfin un peu plus sérieuse.
— Ok, je comprends. Mais tu sais où me trouver si tu veux parler ou faire autre chose. T’as besoin de prendre du recul, de respirer un peu.
Sacha sourit faiblement, reconnaissant malgré l’irritation que ses mots avaient provoquée. Il savait qu’Émilie voulait bien faire, même si son cynisme pouvait parfois l’agacer.
— Merci.

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