Chapitre 16 : Riley

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Je déteste cet endroit.

Même après presque deux ans à venir ici, à franchir ces immenses portes de métal froid, à passer par les contrôles de sécurité comme si j'étais une criminelle, je ne m'y habitue jamais. La prison, ça ne devient jamais un lieu familier, pas vraiment. L'air est lourd, chargé de tension, et les murs semblent toujours suinter une sorte de désespoir silencieux. Chaque mois, depuis que je suis majeure, je fais cet effort. Mais ça ne veut pas dire que c'est facile.

Aujourd'hui ne fait pas exception. Je me dirige vers la salle des visites avec ce même mélange de nervosité et de colère, cette boule au ventre qui refuse de disparaître. Je serre un peu plus fort la petite enveloppe contenant le dessin de Cléo, comme si ça pouvait me donner un peu de courage. Cléo avait dessiné une version idéalisée de nous trois : lui, papa et moi, souriants dans un jardin, avec un chien courant autour de nous. C'est joli, touchant même, mais tout ça n'a jamais été réel. On n'a jamais eu de maison avec un jardin, encore moins de chien. Mais Cléo insiste toujours pour que je donne ses dessins à papa. Comme si ça pouvait effacer la réalité.

Je passe les contrôles de sécurité, mon sac et mes affaires fouillés avec une minutie exaspérante. Ils me traitent toujours comme si je pouvais planquer quelque chose, une arme ou je ne sais quoi. Mais je ne dis rien. Je serre les dents et laisse faire, parce que je sais que c'est la procédure. Parce que je n'ai pas le choix.

Une fois à l'intérieur de la salle des visites, je me laisse tomber sur une chaise en plastique dur, mon cœur battant un peu trop vite. L'attente est toujours la pire partie. C'est là que tout me revient, le poids de ce qui s'est passé. Ça fait bientôt quatre ans que Cooper, mon père, est ici. Quatre ans qu'il est enfermé pour trafic de drogue. Et même si je l'aime toujours, une partie de moi reste en colère contre lui. Parce que tout ça, c'était comme un autre abandon, un coup supplémentaire après le départ de maman. Il était la seule figure parentale qu'on avait, Cléo et moi. Et il a tout gâché.

Quand il a été arrêté, c'était la fin d'une illusion. Une illusion qu'on essayait tous de maintenir en place, celle d'une famille ordinaire malgré les galères. Papa avait toujours fait en sorte qu'on ne manque de rien, qu'on ait un toit au-dessus de nos têtes et de la nourriture sur la table, même si parfois ça voulait dire qu'il devait prendre des risques. Mais à force de prendre des risques, on finit par se brûler. Et lui, il s'est brûlé très fort. Dix ans de prison. Encore six ans à tenir, au moins. Je serre les poings à cette pensée. D'ici là, c'est moi qui dois prendre le relais pour Cléo. Et ça, je le fais déjà.

Les minutes passent. Finalement, j'entends la porte s'ouvrir avec un grincement métallique, et mon père apparaît dans l'embrasure. Mon cœur se serre en le voyant. Cooper est encore jeune, à peine 38 ans, mais la prison l'a marqué. Ses cheveux sont coupés court, ses traits plus durs, et je remarque tout de suite une nouvelle cicatrice au niveau de son sourcil droit, preuve évidente d'une bagarre récente. Il n'a même pas besoin de me dire ce qui s'est passé, c'est écrit sur son visage.

Je me lève, un sourire crispé sur les lèvres, et je me précipite vers lui. J'oublie un instant les règles et je l'enlace, mes bras autour de son cou. Un geste que je n'arrive jamais à réprimer, même si les gardiens me lancent immédiatement un regard noir.

— Mademoiselle, pas de contacts prolongés, s'il vous plaît ! tonne l'un des gardiens, et je me détache à contrecœur.

— Désolée, dis-je sans vraiment m'excuser.

Papa me sourit, malgré l'avertissement. Il me semble fatigué, mais heureux de me voir.

— T'inquiète pas pour eux, ils adorent jouer aux gros durs, murmure-t-il en haussant les épaules.

The Midnight GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant